Les nouvelles mesures anti-chômage de François Rebsamen sont un emplâtre sur une jambe de bois en attendant le retour de la croissance. Dans la plupart des autres pays d'Europe, celle-ci est déjà là avec ses effets bénéfiques sur l'emploi.
Chronique sur RFI - Le chômage en Europe
La croissance, bien qu'encore timide, est de retour en Europe. En France on l'attend encore comme le Messie.
Manuel Valls croise les doigts et se veut impératif. Elle "doit" être au rendez-vous cette année:
"Cette année 2015 doit être l'année de la reprise économique. Nous sommes en train de réussir notre pari" @manuelvalls #E1matin
— Europe 1 (@Europe1) 9 Février 2015
L'espoir vient de la Commission européenne. Elle a récemment revu ses prévisions de croissance à la hausse pour la zone euro comme pour la France. Elle atteindrait 1,3% en Europe et 1% cette année en France. Et la Banque de France confirme que c'est bien parti avec une hausse du PIB de 0,4% au premier trimestre de cette année. Ainsi, si on continue à ce rythme, la croissance pourrait même atteindre 1,2% en 2015. Comparé aux 3% du début du siècle, c'est peu. Mais au dessus de 1%, le chômage n’augmente théoriquement plus.
François Rebsamen, lui aussi veut y croire. Le ministre du travail "espère" que "le nombre de chômeurs diminuera à la fin de l'année". Mais, il reste d'une prudence extrême en refusant d'évoquer une inversion de la courbe du chômage.
Il vient par ailleurs d'annoncer un nouveau plan pour l'emploi. Peut-il être plus efficace que les précédents? On peut en douter, mais il aura au moins le mérite de tenter d'atténuer les conséquences de la perte d'emploi.
Ce plan vise à mieux accompagner les demandeurs d'emploi de longue durée, les chômeurs de plus de 55 ans, les personnes sans diplômes, ou les parents isolés. Il permettrait notamment un financement leurs formations.
"On a tout essayé"
Présenté comme de "nouvelles solutions", ces mesures s'ajoutent à celles tricotées et détricotés par les gouvernements depuis le premier "pacte pour l'emploi des jeunes" de 1973 alors que la barre du million de chômeurs venait d'être franchie. On a "tout essayé," affirmait François Mitterrand il a 22 ans… Cette fois encore, on annonce des mesures pour les jeunes, pour les plus âgés, pour les plus éloignés de l'emploi, pour les entreprises qui embauchent.
Si ce traitement social du chômage est important pour les chômeurs concernés, la création d'emploi dépend, elle, essentiellement de la conjoncture.
Ainsi le redémarrage économique dans la plupart des autres pays européens a engendré une baisse du chômage l'année dernière. Globalement, il est passé en Europe de 10,8% en 2013 à 10,2% en 2014. Il n'a augmenté qu'en Finlande, en Italie et en France, pays en panne de croissance l'année dernière.
L'Allemagne fait le plein d'emplois
En Allemagne, avec une croissance de 1,5%, le chômage est tombé en 2014 à son plus bas niveau depuis la chute du mur avec seulement 6,5% de sans emploi. A ce niveau, la priorité est de trouver des bras et des cerveaux, alors que Berlin vient de revoir à la hausse ses prévisions de croissance pour cette année de 1,3 % à 1,5 %.
Cela devrait engendrer la création de 170 000 emplois supplémentaires, ce qui porterait le nombre d’actifs à 42,8 millions, un niveau record.
Dans le même temps l'Italie a battu un record inverse, celui du taux de chômage qui atteint 13,5%. C'est la conséquence directe de trois ans de récession économique. Et pour 2015, la Banque d'Italie table sur une croissance de seulement 0,4%. C'est largement insuffisant pour inverser la tendance sur le front de l'emploi. Mais le gouvernement de Matteo Renzi parie sur la "flexisécurité": en contrepartie d'une augmentation des indemnités des licenciés pour cause économique, la mise en oeuvre de mesures simplifiant les procédures de licenciement va permettre, espère-t-on, de relancer les embauches dès qu'il y aura une éclaircie économique.
L'Espagne revient de loin
Cette éclaircie s'est déjà produite en Espagne où l'économie retrouve quelques couleurs. Résultat tangible, le chômage a baissé de 8% en 2014 tandis que 434 000 emplois ont été créés. Mais le pays revient de si loin que, malgré cette amélioration de la situation, près d'un actif sur quatre et plus d'un jeune de moins de 25 ans sur deux restent encore sans emploi.
Et malgré la reprise économique, avec une croissance attendue à 2% cette année par le gouvernement, il faudra du temps pour que le pays guérisse de son mal endémique.
Pourtant, les gouvernements espagnols ont, eux aussi, tout essayé. Les mesures prises en place en 2013 par l'actuel gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, à coup de milliards semblent pour le moment avoir arrosé le désert. Elles consistent pour l'essentiel à aider les entreprises à embaucher des jeunes et à favoriser la création d'entreprises.
En Grèce, la situation est comparable à celle de l'Espagne. Avec 26% de chômeurs et 52% de jeunes de moins de 25 ans, elle est même un peu plus catastrophique au pays d'Alexis Tsipras. A tel point que le nouveau chef du gouvernement a annoncé un plan "humanitaire" d'urgence comprenant la gratuité de l'électricité pour les milliers de foyers démunis et la distribution de nourriture. L'emploi viendra après.
La Grande-Bretagne les chômeurs doivent être actifs
En Grande-Bretagne, où le chômage est passé en un an de 7% à 6%, la politique anti-chômage consiste à traquer les chômeurs qui ne retrouvent pas de travail rapidement. Ces chômeurs de longue durée doivent désormais, s'ils ne suivent pas une formation, effectuer un travail d'intérêt général, ou alors, ils doivent pointer tous les jours au Job Center. Et s'ils manquent un jour à l'appel, leur allocation est suspendue pour 4 semaines et, au deuxième manquement, pour au minimum 3 mois.
Le but du gouvernement Cameron est de ne conserver dans les statistiques que des "chômeurs actifs" car, malgré une croissance record de 2,6% en 2014 – nettement plus que l’Allemagne – l'économie britannique crée finalement moins d'emplois que son partenaire germanique.