Au delà des marchandages sur la répartition des migrants, L’Europe commence à s’interroger sur le financement d’un pareil déferlement de misère. Plusieurs annonces ont été faites. Elles méritent un décryptage.
Chronique sur RFI - Le coût des demandeurs d'asile
Plusieurs dizaines de milliards d’euros. S’il est encore beaucoup trop tôt pour se faire une idée du coût global de la vague sans précédent de réfugiés qui affluent en Europe, les financements requis pour les deux prochaines années seront à l’évidence de cet ordre de grandeur. Mais pour l’instant, on doit se contenter d’un certain nombre de premières annonces chiffrées. Il est intéressant de les comparer et de les analyser.
Si elle doit donner l’impulsion, l’Union européenne n’est pas en première ligne en termes de financements puisque les politiques migratoires et d’accueil des réfugiés sont toujours du ressort des Etats. Cela en dépit du souhait exprimé par de nombreux responsables de voir ces politiques sinon définies, du moins largement harmonisées au niveau européen.
Cela n’a pas empêché la Commission européen de faire des annonces il y a dix jours. Ainsi, le budget de l’Union va financer pour 780 millions d’€ – dont 50% très rapidement – les Etats-membres en fonction de leur effort d’accueil. L’UE finalise par ailleurs la constitution d’un fonds fiduciaire pour l’Afrique de 1,8 milliards d’€. Et dispose d’ores et déjà d’une enveloppe de 2,4 milliards pour la gestion des migrants sur la période 2014-2020.
L’Allemagne, principal bailleur de fonds
Ces sommes sont pourtant assez réduites en comparaison des financements annoncés par l’Allemagne, principal pays d’accueil qui s’apprête à recevoir en 2015 entre 800.000 et un million de réfugiés. Berlin a annoncé pour 2016 un accroissement de 6 milliards d’euros de ses lignes budgétaires consacrées à l’accueil des migrants, dont 3 milliards sont destinés à financer les länder. Et malgré l’énormité de ces chiffres, tous les spécialistes les jugent insuffisants !
En effet, pour 2015, seulement 3,4 milliards de crédits sont budgétés à ce stade, ce qui ne permettrait d’accueillir cette année que 280.000 réfugiés si l’on se base sur un coût moyen de 12.000 € par réfugié. En 2016, les 6 milliards d’€ supplémentaires s’ajouteraient aux 2,4 milliards initialement prévus, portant la capacité d’accueil à 780.000 personnes. On le voit, le compte n’y est pas et de nombreux économistes allemands chiffrent à dix milliards et non 6 les besoins supplémentaires, sans compter ce qui manque pour 2015.
Le paradoxe est que l’Allemagne n’a pas vraiment de problèmes pour mobiliser de pareilles ressources. Pas besoin – ni d’ailleurs question – Outre-Rhin de renoncer à l’orthodoxie budgétaire. Il se trouve que, malgré une croissance un peu décevante, le pays a dégagé au premier semestre 16,1 milliards d’€ d’excédent de ses finances publiques. En somme, pour financer l’afflux de migrants qui, par ailleurs, va aider le pays à surmonter son déficit démographique, il suffira de ponctionner sur les excédents.
L’effort colossal de la Suède
Un autre pays très accueillant a annoncé des financements impressionnants. Ainsi, le premier ministre suédois Stefan Löfven a récemment estimé que le coût direct des 75.000 demandeurs d’asile attendus cette année – mais ils seront certainement plus – serait de 2 milliards d’€ en 2015 et encore 2,3 milliards en 2016. Si l’on transpose ces chiffres à l’échelle allemande, pays dont le PIB représente 6 fois et demi celui de la Suède, on arrive au montant considérable de 28 milliards d’euros en deux ans ! Et, contrairement à l’Allemagne, la Suède est en situation de déficit budgétaire.
En revanche, les engagements du Royaume-Uni et de l’Italie sont plus flous. Le ministre britannique des finances George Osborne s’est contenté d’indiquer que le coût additionnel de l’assistance engendré par l’arrivée des 20.000 réfugiés supplémentaires que le royaume s’engage à accueillir serait tout simplement prélevé sur le budget de l’aide au développement qui atteint 16 milliards d’€ annuels. Quant à l’Italie, où 45 à 60.000 réfugiés supplémentaires devraient finalement rester cette année – soit un total d’une centaine de mille – il est prévu d’y consacrer 800 millions d’€ en 2015. Cela qui ne représente que 8.000 € par migrant.
La France prête à financer un afflux modéré
Quant à la France, les quelques 500 millions supplémentaires annoncés par le premier ministre Manuel Valls paraissent à première vue presque dérisoires. Le gouvernement va ainsi débloquer 279 millions d’€ pour l’accueil des réfugiés et encore de 250 millions d’€ pour leur hébergement afin de couvrir les dépenses supplémentaires d’ici à la fin 2016. Par ailleurs, 334 millions de plus seront consacrés à l’accueil en 2017. Mais, pour s’en tenir à 2015/2016, cela ne finance l’accueil que de 44.000 personnes en se basant sur les estimations allemandes de 12.000 € par réfugiés.
Cela dit, il faut ajouter à ces montants les sommes déjà budgétées par le ministère de l’intérieur, soit 600 millions par an. Pour 2015 et 2016, on atteint donc un peu plus de 1,7 milliard d’€ permettant de prendre en charge 140.000 réfugiés. Un chiffre à peu près en ligne avec l’engagement du gouvernement d’accepter 30.000 réfugiés supplémentaires qui viendraient s’ajouter aux 60.000 demandeurs d’asile annuels.
Au maximum 0,3% des dépenses publiques françaises
Ces 600 millions annuels couvrent le financement de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), celui de l’hébergement dans les Centres d’accueil (Cada) et de l’hébergement d’urgence, celui de l’allocation temporaire d’attente
(ATA), les visas, les foyers… Maintenant, selon la Cour des Comptes, si l’on ajoute le coût de la scolarisation et celui de la couverture maladie universelle (CMU), on arrive pratiquement à 1 milliard d’€, somme à laquelle il faudrait rajouter le coût des demandeurs d’asile déboutés de leur demande et qui bénéficient de l’aide médicale d’urgence (AME). On ne serait alors pas loin des 2 milliards annuels.
Quand bien même les réfugiés seraient plus nombreux que prévu et que le coût de leur prise en charge en 2015/2016 atteigne, par exemple, 6 milliards, il faut savoir que cela ne représente que 0,3% des dépenses publiques françaises sur deux ans !
Surtout, on sait bien que les réfugiés rapportent assez rapidement à la nation plus qu’ils ne lui coûtent. Car ils travaillent, paient des impôts et des cotisations sociales et cela d’autant plus qu’ils ont facilement employables du fait de leur bon niveau d ‘éducation, comme c’est le cas de nombreux réfugiés arrivant en ce moment de Syrie.