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Démographie: un dynamisme français en trompe-l’oeil

mardi, 26 janvier, 2016 - 09:48

Le bilan démographique de l’INSEE 2015 montre que l’accroissement naturel de la population française reste le plus élevé d’Europe. Mais l’immigration permet à des pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni d’accroître davantage leur population. Et de façon plus efficace sur le plan économique. 

 

Chronique sur RFI - La démographie 

 

Il y a six jours, l’institut national de la statistique publiait son bilan démographique pour la France en 2015. 66,6 millions de personnes vivent désormais dans les territoires sous souveraineté française, soit une augmentation de 250.000 habitants en un an.

Le chiffre qui a retenu l’attention est la surmortalité de l’an dernier qui a, pour la première fois depuis longtemps, fait reculer un peu l’espérance de vie. Un phénomène ponctuel puisque deux épisodes atypiques de froid et de chaleur et, surtout, l’efficacité médiocre du vaccin contre la grippe, ont causé ces décès supplémentaires.

La France championne de l’accroissement naturel

Fort est de constater que, depuis 2010, le nombre de naissance a tendance à se ralentir légèrement en France. Et, par rapport à son pic de 1971, il est même en baisse de 13%. Pourtant, la situation démographique de la France reste une des meilleures en Europe avec un taux de fécondité de 1,96, équivalent à celui de l’Irlande et un peu meilleur que ceux de la Suède ou du Royaume-Uni.

On sait en revanche que depuis 25 ans, et surtout depuis 15 ans, un très grand nombre de pays d’Europe ont un taux de fécondité n’assurant pas – ou à peine – le renouvellement naturel de leur population. Il s’agit notamment de l’Allemagne, des pays du sud de l’Europe et de la plupart des pays de l’est européen.

Si l’on prend les dernières statistiques disponibles au plan européen, celles d’Eurostat pour l’année 2014, on constate bien que la France est le pays où le solde naturel de la population, c’est à dire la différence entre le nombre de naissances et de décès, est le plus élevé: 265.000 contre 206.000 au Royaume Uni. En 2014, la France était à l’origine de 40% de la croissance naturelle de la population des 28 pays de l’UE.

Mais cela ne veut pas dire que la population française est celle qui s’accroit le plus rapidement en Europe. Car on oublie trop souvent que les variations de population dépendent de deux facteurs : le solde « naturel » comme on l’a vu mais aussi le solde « migratoire », c’est à dire la différence entre les immigrants qui viennent s’installer régulièrement dans un pays et ceux qui le quittent pour s’installer dans un autre pays.

La population britannique augmente davantage

Si l’on tient compte de ces deux facteurs et que l’on regarde donc l’accroissement effectif de la population, le paysage est cette fois complètement différent. En 2014, la population du Royaume-Uni s’est accrue de 416.000 habitants et celle de l’Allemagne de 407.000 alors que la population française n’a augmenté de 296.000 personnes.

La différence tient à l’immigration. Et l’impact est très spectaculaire pour l’Allemagne. En 2014 – et le chiffre promet d’être encore plus élevé en 2015, le nombre d’immigrants installés outre-Rhin s’est accru de 580.000 personnes, contre 210.000 au Royaume-Uni et 109.000 en Italie. Selon Eurostat, ce chiffre n’a été que de 32.000 en France, reléguant l’Hexagone à la neuvième place des pays d’accueil, derrière la Belgique et le Danemark.

L’afflux assez récent de réfugiés joue évidemment beaucoup depuis 3 ou 4 ans. Mais si l’on prend l’accroissement net des populations depuis 10 ans, sur la période 2006-2014, on constate que le Royaume-Uni se place nettement devant la France (5 millions d’habitants supplémentaires contre 3,2 millions en France) et que l’Italie ou l’Espagne ne sont pas si loin avec des hausses de population de 2,7 et 2,4 millions.

L’Allemagne en revanche, voit son renouvellement naturel tellement décliner que sa population totale a décru de près de 1,3 million en dix ans. Elle reste néanmoins et de loin le pays le plus peuplé d’Europe avec 81,2 millions d’habitants à la fin 2014.

Notons au passage qu’en ne considérant que la population vivant en Europe (sans tenir compte de l’Outre-Mer pour la France), le Royaume-Uni devance l’Hexagone pour la deuxième place avec une population de 64,8 millions, contre 64,3 en France.

Des pays en crise démographique aigüe

Là où la situation démographique est vraiment préoccupante, c’est dans les pays qui cumulent diminution du solde naturel et émigration nette. Le pays le plus touché en 2014 est la Grèce qui a perdu 114.000 habitants, soit 1% de sa population en un an.

Le Portugal a perdu 53.000 habitants et l’Espagne 73.000 du fait d’une véritable hémorragie migratoire de plus de 100.000 personnes. En bonne part, il s’agit là d’une forte émigration économique vers des pays de plein emploi.

Et puis il y a le cas dramatique de la Roumanie. Ce pays de 20 millions d’habitants a vu sa population diminuer de 86.000 personnes en 2014 et, surtout, de 474.000 en dix ans, soit une baisse de 8% de ses habitants ! Tous ces pays, on le sait, ont été durement touchés par la crise depuis 5, voire 7 ans.

En ce qui concerne l’espérance de vie, on a vu qu’elle avait ponctuellement décru en France en 2015. A la naissance elle est de 85 ans pour les femmes et de 78,9 ans pour les hommes. Par comparaison, sur l’année 2014, la France reste l’un des pays où l’on vit le plus longtemps en Europe. Surtout pour les femmes puisque l’Hexagone n’est devancé que par l’Espagne où celles-ci peuvent espérer vivre plus de 86 ans. Pour les hommes, les Français sont dépassés par les Italiens et les Espagnols qui vivent en moyenne plus de 80 ans.  

Les bébés c’est bien, les immigrés, c’est mieux !

En conclusion, la situation démographique française est très favorable en terme d’accroissement naturel de la population. Mais si l’on se focalise sur l’impact économique de la démographie globale, c’est beaucoup plus mitigé.

N’oublions pas que l’accroissement naturel de la population est une chance à long terme. Mais, à court terme, les naissances constituent des charges pour les finances publiques en terme d’allocations, de fiscalité et, surtout, d’éducation.

En revanche, un accroissement par l’immigration a un impact beaucoup plus immédiat sur la population active et contribue à financer la protection sociale et les retraites. Contrairement à ce que l’on entend dire souvent, l’Allemagne, par sa politique d’accueil, est en train de combler rapidement son handicap démographique naturel.

La France, qui a accueilli 2,5% des immigrés européens en 2014 (1,25 million) contre 47% pour l’Allemagne et 17% pour le Royaume-Uni, devrait se soucier d’un rééquilibrage. A défaut, son avantage démographique risque de se transformer en mirage. 




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