Les péages autoroutiers continuent d’augmenter alors qu'ils sont déjà plus chers en France qu’ailleurs. Mais le réseau hexagonal est le mieux entretenu, le mieux équipé et l’un des plus sûrs d'Europe.
Le 1er février, les tarifs des péages sur les autoroutes françaises ont augmenté en moyenne de 1,13% alors qu’ils avaient été gelés en 2015. Une hausse qui passe très mal auprès des associations d’usagers de la route compte tenu des assurances données à l’automne dernier par Ségolène Royal.
La ministre du développement durable avait en effet « exclu » début décembre toute hausse supérieure à 70% d’une inflation qui s’est pourtant limitée l’an dernier à 0,2% ! L’exaspération est d’autant plus forte que la ministre avait annoncé une « remise à plat » des contrats autoroutiers à la suite de la publication, en 2014, d’un rapport de l’Autorité de la concurrence révélant les marges substantielles des sociétés d’autoroutes.
Un système complexe mais efficace
Mais qu’en est-il vraiment de ce système que les Français ont parfois du mal à comprendre ? Depuis des décennies, l’Etat français délègue le financement, la construction, la gestion et l’entretien des autoroutes à des concessionnaires qui ont longtemps été des sociétés d’économies mixtes à capitaux publics.
En contrepartie de ces services (comprenant la construction éventuelle de nouveaux tronçons), ces sociétés perçoivent les péages pour leur compte. Au début des années 2000, l’Etat a progressivement cédé les parts qu’il détenait dans ces entités avant de les privatiser complètement en 2006. Actuellement, trois grands groupes privés – les géants français du BTP Vinci et Eiffage ainsi que l’Espagnol Abertis – gèrent 7.700 kilomètres des 9000 kilomètres du réseau autoroutier concédé.
L’Autorité de la concurrence soulignait avec raison, en 2014, que les sociétés d’autoroutes réalisent des marges très confortables. Mais n’oublions pas qu’elles doivent assurer le service d’une dette de 30 milliards d’€ qu’elles ont en partie hérité de l’Etat, les grands travaux autoroutiers étant essentiellement financés par l’emprunt.
Elles doivent par ailleurs investir constamment dans la modernisation et l’extension du réseau et financer des sorties en zones rurales qui ne sont pas rentables. En outre, à l’expiration des concessions dont la durée a été allongée à 65/70 ans voire plus, ces sociétés doivent restituer gratuitement à l’Etat le réseau qu’elles gèrent.
Quant aux prix des péages, il est certes fixé par les sociétés d’autoroutes mais en fonction de critères négociés régulièrement avec l’Etat, des critères qui dépendent notamment des investissement projetés. Le système est complexe mais force est de reconnaître que le réseau français d’autoroutes est unanimement reconnu comme étant le meilleur d’Europe.
Trois systèmes en Europe
Trois systèmes autoroutiers coexistent en Europe. En premier lieu, un système de péage à la française dans treize pays dont les principaux sont l’Italie, l’Espagne, la Pologne, la Norvège, l’Irlande ou encore la Grèce. En général, ces autoroutes à péage fonctionnent comme en France avec des concessions à des sociétés privées ou publiques mais elles sont parfois gérées directement par l’Etat, comme en Norvège.
Le deuxième groupe comprend 7 pays du centre de l’Europe comme la Suisse, l’Autriche, la Hongrie, la république tchèque dont le réseau est géré par l’Etat mais qui fait payer aux usagers un abonnement, qu’il soit annuel pour les nationaux ou de courtes durée pour les visiteurs.
Enfin, dans une dizaine de pays – dont l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique, la Suède ou la Finlande – les autoroutes gérées et financées par l’Etat – ou parfois les régions – sont d’accès gratuit pour les usagers.
Les revers de la gratuité
Gratuites, cela veut dire que l’on ne paie pas pour les emprunter mais, naturellement, on les paie sous forme d’impôts. Ce système d’accès libre fonctionne bien au Royaume-Uni où en Suède mais notons que, dans ces deux pays, le réseau autoroutier est assez peu développé compte tenu de la superficie du territoire.
D’ailleurs, si le réseau britannique est peu accidentogène, il est assez saturé, comme le réseau néerlandais. En Belgique, le réseau est médiocrement entretenu et les accidents y sont trois fois plus fréquents qu’en France.
Enfin, en Allemagne, certaines parties du réseau sont vétustes et les accidents nettement plus nombreux qu’en France. En fait, on constate en général, sauf pour les petits réseaux, que le financement exclusivement fiscal des autoutes se traduit par moins d’investissement dans ces réseaux.
L’Allemagne se convertit au péage
Pour ces raisons, les pouvoirs publics allemands devraient bientôt exiger le paiement d’une vignette hebdomadaire, mensuelle ou annuelle aux usagers des autoroutes. Mais pour l’instant, l’application de cette réforme est bloquée par une procédure d’infraction devant la commission européenne car elle est jugée discrimatoire pour les étrangers.
De fait, les Allemands sont censés payer une vignette annuelle déductible de l’actuelle taxe automobile. Autrement dit, ils ne paieront rien, contrairement aux véhicules immatriculés hors d’Allemagne.
Des abonnements pas si bon marché
Les systèmes de paiement par abonnement sont assez efficaces mais plus coûteux qu’il n’y paraît. Car si l’Autriche fait payer 85 € par an sa vignette autoroutière, la République tchèque 55 € et la Suisse seulement 36 €, cela représenterait bien plus si ces réseaux avaient la taille du réseau français : l’équivalent de 370 € en Suisse et de 560 € en Autriche contre 310 € de dépense moyenne pour les péages en France.
Il n’empêche que l’autoroute reste plus chère en France pour les automobilistes qui empruntent fréquemment le réseau. Si l’on compare avec les autres systèmes de péages autoroutiers, le coût au kilomètre varie en France de 7,3 à 10,5 centimes d’€.
Un réseau cher mais « cinq étoiles »
C’est plus qu’en Italie (entre 7 et 8 centimes) et beaucoup plus que partout ailleurs où le prix au kilomètre varie de 2 à 5 centimes. Seule exception, l’Espagne, qui se caractérise par un mélange de péages bon marché ou bien très onéreux (parfois plus de 11 centimes !). A noter qu'outre-Pyrénées plusieurs sociétés autoroutières sont dans une situation de surendettement très préoccupant.
Au total, on peut comprendre que les Français estiment qu’ils paient un prix élevé pour leurs autoroutes. Mais, en contrepartie, ils disposent d’un réseau très développé, bien entretenu, bien équipé et dont le niveau de sécurité est élevé. C’est d’ailleurs l’opinion partagée par les nombreux autres européens qui l’empruntent.