En remboursant à 100% tous les soins concernant l’IVG, l’Hexagone offre à ses citoyennes une excellente prise en charge. Dans la plupart des pays européens, la situation des femmes désireuses d’interrompre leur grossesse est moins favorable.
Depuis le début du mois, la prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse s’est encore élargie en France. Désormais, non seulement l’acte médical de l’IVG mais également tous les soins d’accompagnement – consultations, analyses, échographies – sont remboursés à 100%.
Alors que la France est le pays européen où se pratique le plus grand nombre d’avortements, la législation française apparaît comme l’une des plus libérale en la matière. D’abord parce que les conditions d’accès à cette intervention sont très libres puisque c’est la femme, quel que soit son âge, qui décide d’avorter sans avoir à justifier, depuis 2014, une « détresse » quelconque et même, depuis l’an dernier, sans se voir imposer le moindre délai de réflexion.
Et puis la prise en charge financière de l’avortement est également désormais complète. Rappelons que la prise en charge à 100% de l’acte lui-même remonte à 2013. Auparavant, les patientes devaient acquitter un ticket modérateur représentant 35% du coût de l’intervention.
Un remboursement très inégal en Europe
Seuls les pays scandinaves et les Pays-Bas proposent une IVG gratuite. Il y a pourtant quelques petites restrictions en Suède et aux Pays Bas selon la nature du centre qui pratique l’intervention. Dans la plupart des autres pays, il y a soit un remboursement par les mutuelles, comme au Portugal et dans le secteur privé espagnol, soit l’application d’un « ticket modérateur » comme c’était le cas en France avant 2013.
C’est le cas notamment en Suisse, en Italie, en Belgique et même en Grande Bretagne où le taux de remboursement de l’IVG varie de 60 à 90%. Il y a aussi des pays où ce remboursement est fortement conditionné. En Allemagne, il est réservé aux personnes les plus démunies et en Autriche, seuls sont remboursés les IVG qui ont fait l’objet d’une prescription médicale formelle, ce qui signifie que les avortements volontaires ne sont pas remboursés.
En Pologne, l’IVG doit être pratiquée dans un hôpital public pour être pris en charge. Enfin, il n’y a aucun remboursement dans les pays qui interdisent pratiquement l’IVG, comme Malte et Chypre où qui l’encadrent de façon très restrictive, comme l’Irlande.
L’Irlande et la Pologne à la traine
En vertu de la loi votée en juillet 2013, l’IVG n’est autorisée en Irlande que si la poursuite de la grossesse fait courir à la mère un "risque réel et substantiel" pour sa vie. Mais viol ou malformation du foetus ne sont toujours pas reconnus comme une raison valable.
Presqu’aussi restrictives sont les conditions imposées en Pologne mais, malgré une tentative de revenir sur ce point en 2013, la malformation du fœtus y ouvre droit à l’IVG, de même que le viol. Cela dit, profitant de l’arrivée au pouvoir des ultra-conservateurs de « Droit et Justice », l’épiscopat polonais mène actuellement une campagne très active pour l’interdiction totale de l’avortement.
Le feu vert du médecin
Outre les pays très restrictifs, il y a également des Etats qui ne laissent pas la femme choisir librement d’avorter et attribuent la décision au corps médical. La décision du médecin est prépondérante en Finlande et aussi en Grande Bretagne. Ne parlons pas ici du Royaume-Uni car, en Irlande du Nord, les conditions pour avorter étaient encore très récemment pratiquement les mêmes qu’en République d’Irlande. Mais, en décembre dernier, une décision de justice d’un tribunal de Belfast ouvre la possibilité de justifier l’IVG par la malformation du fœtus, l’inceste ou le viol.
Une justification de l’acte souvent nécessaire
Comme en France avant 2014, la femme, en Italie et aux Pays-Bas, doit justifier sa demande d’IVG par une situation de « détresse » laissée à son appréciation. En Belgique, la décision de la femme est plus contrainte puisqu’il appartient au médecin d’apprécier cette situation de « détresse ».
Il existe aussi des restrictions pour les mineures, notamment en Espagne où une loi de septembre 2015 a rendu obligatoire le consentement parental. Une façon pour le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy de rattraper un peu l’échec de sa tentative, en 2014, de restreindre l’avortement aux cas de graves dangers pour la santé physique ou psychologique de la mère. Pour l’instant, l’Espagne demeure donc assez permissive.
Des délais très variables
Dans plusieurs pays, dont la France, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, l’IVG doit être pratiqué au plus tard 14 semaines après l’interruption des règles. Certains Etats prévoient des délais un peu plus courts, notamment la Suisse et le Danemark (12 semaines) ou encore le Portugal (10 semaines).
D’autres autorisent des délais plus longs comme la Finlande (16 semaines), la Suède (18 semaines) et surtout la Grande Bretagne et les Pays-Bas où l’on peut pratiquer une IVG jusqu’à 24 semaines depuis le début de la grossesse. Ce qui explique d’ailleurs le nombre important d’avortements pratiqués aux Pays-Bas par des femmes étrangères.
Le nombre d’avortements corrélé avec le taux de natalité
En regardant les chiffres, on pourrait penser qu’une législation très libérale favorise le recours à l’avortement. Car la France, pays très permissif, est également celui ou le nombre d’IVG est de loin le plus élevé : 230.000 en 2013 soit plus de 15 femmes sur 1000 en âge de procréer. Mais ce lien apparent entre législation et nombre d’IVG est trompeur.
En Allemagne, en Italie, en Espagne, les IVG sont beaucoup moins nombreuses (moins de 100.000 dans ces trois pays) et diminuent régulièrement depuis 15 ans. A l’inverse, malgré une législation nettement moins libérale, la Grande Bretagne, où la natalité est dynamique à la différence de l’Allemagne et des pays du sud, enregistre un taux d’IVG proche de la France avec 185.000 avortements en 2013.
Cela démontre que le lien pertinent à faire n’est pas entre IVG et législation mais entre IVG et dynamisme de la natalité dans un pays.