Malgré une augmentation annoncée de leur prime et la revalorisation du point d’indice, les enseignants du primaire ne sont pas à la noce en France. Surtout les débutants qui gagnent 20% de moins que les Belges et 44% de moins que les Allemands ou les Danois.
Les « Assises de la refondation de l’Ecole de la République » qui se terminent aujourd’hui ont été l’occasion pour le président de la république de défendre le bilan de son quinquennat en matière d’éducation. Et aussi de remobiliser un électorat enseignant traditionnellement favorable aux Parti socialiste mais que la réforme des rythmes scolaires a singulièrement refroidi.
Pour le réchauffer, la ministre de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem avait annoncé il y a trois jours une revalorisation de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) à destination des enseignants du primaire. Une prime qui devrait passer de 400 à 1.200 € par an pour l’égaliser avec la prime équivalente touchée par les professeurs du secondaire (ISOE).
1.650 € nets par mois pour un débutant
Si l’on y ajoute l’annonce récente par le gouvernement d’une revalorisation de 1,2% du traitement des fonctionnaires, cela devrait se traduire en 2017 par un accroissement annuel d’environ 1.100 € du salaire des instituteurs. Ce n’est pas négligeable mais l’on part de très bas.
En se référant à l’étude Eurydice 2014-2015 de la commission européenne, on constate qu’en début de carrière, les enseignants du primaire touchent annuellement, primes non comprise, 24.600 €, soit 2.050 € bruts par mois et environ 1.650 € en net. Ils se rattrapent avec le temps puisqu’après 25 ans de carrière, ils peuvent espérer gagner un maximum de 3.650 € mensuels, encore que rares sont ceux qui accèdent à ce niveau « hors classe ». Mais ils restent parmi les plus mal payés d’Europe occidentale.
Les Belges gagnent 25% de plus, les Allemands 75%
Si l’on considère les pays développés d’Europe occidentale, on constate que seuls le Portugal et l’Italie paient leurs instituteurs débutants un peu moins que la France. L’Angleterre les paie un peu mieux (2.350 € mensuels) et notre voisin belge sensiblement mieux (2.500 €). Quant au salaire de base des jeunes instit finlandais ou néerlandais, il approche les 2.700 €.
Et l’on est encore loin des mieux lotis puisque les Allemands et les Danois gagnent autour de 3.600 € par mois. Et l'on ose à peine évoquer les enseignants du primaire luxembourgeois qui commencent à 6.000 € mensuels pour terminer à plus de 10.000 au bout de 25 ans !
Un métier maltraité
En fin de carrière, cela se passe quand même mieux pour les enseignants du primaire en France. Sur 25 ans, leur marge de progression est de 80% et c’est la plus forte d’Europe. Mais, avec 3.200 à 3.600 € de salaire, ils restent largement devancés par les Autrichiens et les Allemands qui touchent plus de 4.700 € et même par les Belges qui atteignent 4.300 €. Cela ne fait que confirmer qu’il ne fait pas bon être débutant en France.
En outre, le métier d’enseignant est maltraité par rapport aux autres métiers dans l’Hexagone. Car le salaire d’un débutant du primaire ne représente que 78% du PIB par habitant en France. Ailleurs, il est au moins à 90% et même à plus de 125% en Espagne et en Allemagne…
Des primes assez généralisées en Europe
Il est vrai qu’en France les primes peuvent être conséquentes (100 à 400 € mensuels), notamment quand il s’agit d’enseigner dans des zones difficiles. Reste que les primes sont perçues également dans de nombreux pays en cas de responsabilités ou d’horaires supplémentaires, de situation géographique particulière ou encore lorsque certains élèves ont des besoins éducatifs spécifiques.
Il est vrai qu’un pays comme l’Allemagne, où les enseignants sont très bien payés, accorde peu de primes. Mais d’autres Etats qui rémunèrent bien les instit sont également très généreux en primes, comme les pays scandinaves ou l’Autriche. Notons aussi qu’une grosse moitié des pays de l’Union européenne – mais pas la France – accorde des allocations de performances en fonction d’une évaluation qualitative de l’enseignement dispensé ou des résultats de leurs élèves. On retrouve parmi eux la Scandinavie, les Pays-Bas, l’Angleterre et plusieurs pays de l’Est (PECO).
Autrefois gâtés par les régimes communistes, les enseignants des PECO sont les grands oubliés du passage à l’économie de marché. Si l’on met à part la Slovénie, les instituteurs débutants y perçoivent des salaires compris entre 35 et 65% du PIB par habitant. Pour ne donner qu’un exemple, celui de la Pologne, un enseignant du primaire devra se contenter de 450 € par mois et de 750 € en fin de carrière. Même rapporté au pouvoir d’achat polonais, c’est une rémunération très faible.
Des salaires rarement négociés
Dans la plupart des pays, les enseignants du primaire sont des fonctionnaires ou des agents publics rémunérés par l’Etat. En Allemagne, ils sont rémunérés par les Länder et, en Espagne, il y a concertation entre gouvernement central et communautés autonomes. Au Royaume-Uni, le secrétaire d’Etat à l’éducation n’a compétence directe que pour les enseignants d’Angleterre, les ministres de l’éducation des différentes nations du Royaume ayant en charge les enseignants gallois, écossais ou irlandais du nord.
A noter qu’en Finlande et en Suède, les rémunérations sont déterminées par des négociations entre syndicats d’enseignants et autorités locales. En Suède, c’est même le chef d’établissement qui fixe, en dernier ressort, le salaire des professeurs.
En conclusion, avec le rattrapage des dernières mesures, un instituteur français touchera en 2017 moins de 100 € supplémentaires par mois par rapport à sa rémunération actuelle. Pour revenir ne serait-ce que dans la moyenne des rémunérations perçues dans les pays d’Europe occidentale, il faudrait 500 € de plus. Bref, le chemin à parcourir reste long …