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Fuite des cervaux : les Français moins touchés que leurs voisins

mardi, 24 mai, 2016 - 12:04

Loin de quitter la France en masse, les Français qualifiés s’expatrient beaucoup moins que les Allemands, les Italiens ou les Britanniques. Seule la catégorie des jeunes diplômés part plus fréquemment à l’étranger, mais pour un temps limité.   

Depuis plusieurs années, personnalités politiques, leaders d’opinion et experts s’affrontent sur la question de la fuite des cerveaux français à l’étranger. Le marché de l’emploi dans l’Hexagone ainsi que les conditions faites aux jeunes diplômés et une fiscalité peu favorable à l’initiative pousseraient des Français de plus en plus nombreux à aller tenter leur chance à l’étranger, que ce soit en Europe ou ailleurs dans le monde.

Il y a quelques jours, une étude du Conseil d’analyse économique (CAE) s’appuyant sur des données OCDE, INSEE, ministère des affaires étrangères est venue apporter des précisions intéressantes et parfois inattendues sur ce sujet. Myeurop a analysé toutes ces sources.

Il n’est pas facile de comptabiliser avec précision le nombre de Français vivant à l’étranger. Car ces derniers ne s’enregistrent pas toujours auprès des consulats et, quand ils s’en vont, ils omettent souvent de se désinscrire. L’INSEE avance toutefois une estimation globale : entre 3,3 et 3,5 millions personnes nées en France résideraient à l’étranger. En majorité, ce sont des actifs âgés de 25 à 55 ans.

Moins d’expatriés au départ de la France

Par comparaison, en 2010, on estimait à 4 millions le nombre de Britanniques vivant à l’étranger. Pour les Allemands, on ne dispose que du chiffre des expatriés vivant dans les pays développés de l’OCDE : 3,4 millions en 2011. Si l’on y ajoute les Allemands vivant dans les pays hors OCDE, on ne devrait pas non plus être loin des quatre millions. Quant aux Italiens, ils étaient, estime-t-on, 4,1 millions à vivre hors d’Italie en 2011. Première conclusion, il y a plus d’expatriés chez nos voisins qu’en France.

L’institut Eurostat a calculé le nombre de résidents qui « s’échangent » entre les cinq pays les plus peuplés d’Europe. Il y avait en 2011 un peu plus de 3 millions de citoyens originaires de France, d’Italie, d’Allemagne, du Royaume-Uni ou d’Espagne à vivre dans l’un des quatre autres grands pays d’Europe.

Les plus nombreux à s’expatrier sont les Italiens (plus de 1 million) et ils le font en grosse majorité vers l’Allemagne, puis vers l’Espagne et la France. Britanniques et Allemands sont respectivement 675 et 630.000 à vivre dans l’un des quatre pays voisins, surtout au Royaume-Uni pour les Allemands, surtout en Espagne pour les Britanniques. Quant aux Espagnols, 330.000 s’expatrient, d’abord en France, puis en Allemagne. Enfin, les Français sont 395.000, ce qui est de loin le chiffre le moins élevé des 5 pays européens par rapport à la population. Ils se répartissent en part presqu’égale entre Royaume-Uni, Allemagne et Espagne.

42% des résidents Français à l’étranger vivent dans un pays limitrophe

Où partent les Français ? Pour le savoir, il faut se référer aux registres du ministère des affaires étrangères qui ne prennent en compte que les Français enregistrés dans les consulats à l’étranger, soit environ la moitié des nationaux expatriés. En 2013, le principal pays étranger de résidence pour les Français était la Suisse, avec 163.000 résidents enregistrés. En majorité, il s’agit de frontaliers de ce pays résidant, pour des raisons diverses, de l’autre côté de la frontière.

Viennent ensuite les Etats-Unis (129.000) et juste derrière le Royaume-Uni (126.000). La Belgique est en 4ème position (115.000) pour des raisons évidentes de langue et de proximité, mais aussi sans doute pour des raisons fiscales. 47% des Français listés par les consulats dans le monde le sont dans un pays européen et parmi eux, nos concitoyens choisissent la proximité, puisque 9 sur 10 résident dans un pays limitrophe à la France. Outre les Etats-Unis, les principaux pays d’accueil non européens sont pour les Français le Canada, Israël et le Maroc.

Quelle « fuite des cerveaux » ?

Il est difficile de quantifier le phénomène que l’on qualifie de façon souvent abusive de « fuite des cerveaux ». Avant tout parce que l’expatriation de nature économique traduit plusieurs types de motivation qui peuvent se cumuler : besoin d’acquérir une expérience étrangère ou d’apprendre une langue, perspectives d’embauche favorables au niveau du salaire ou des conditions de travail, meilleure valorisation des compétences, environnement propice à l’entreprenariat ou à la recherche, fiscalité attractive…

Mais l’on a une idée de ce phénomène en observant les taux d’émigration par pays des plus de 25 ans ayant un haut niveau de qualification. A partir des chiffres du programme de l’OCDE sur les migrations, on peut faire des comparaisons de 1980 à 2010 (plus récentes données disponibles). En considérant les 5 pays d’Europe les plus peuplés et en y ajoutant les Pays-Bas et la Suède, on observe qu’à l’exception de l’Espagne, la France est le pays qui compte le plus faible taux d’émigration des adultes hautement qualifiés.

Beaucoup moins en France qu’au Royaume-Uni

Il y a en effet 5% d’émigration qualifiée quittant la France. Ce taux est de 6,5% en Suède et de 9,6% aux Pays-Bas. Ce sont certes de petits pays où partir à l’étranger est beaucoup plus naturel. Mais, les résultats des grands pays vont dans le même sens : 7,7% des Allemands qualifiés s’expatrient et 9% des Italiens. Quant aux Britanniques, ils sont près de 17% à le faire, l’attraction des Etats-Unis étant naturellement très forte pour eux.

Le départ à l’étranger des adultes qualifiés est donc moins fort, voire nettement moins fort en France que dans les autres pays. En réalité, l’Hexagone demeure un pays très attractif du fait de la qualité de son environnement, de ses infrastructures, de ses services publics et de sa couverture sociale et de santé.

Seuls les jeunes diplômés français ont la bougeotte

Cela dit, on doit quand même observer un phénomène qui n’est pas neutre : en trente ans, tous les pays européens précités ont vu diminuer le taux de leur émigration qualifiée. A l’inverse, en France, il est passé de 3,9 à 5%, ce qui traduit une inversion de tendance ces dernières années.

Ensuite, la part des individus qualifiés sur le total des émigrés quittant la France est plus élevée qu’ailleurs : 44% contre 39% au Royaume-Uni, 37% en Allemagne et seulement 17% en Italie. Enfin, des chiffres Eurostat nous indiquent qu’en 2014, les émigrés âgés de 20 à 29 ans étaient 155.000 venant de France mais seulement 84.000 venant d’Allemagne et 27.000 venant d’Italie. Le nombre de Français émigrés âgés de 30 à 39 ans est dix fois moindre, ce qui n'est absolument pas le cas des autres pays.

Conclusion : la France ne connaît pas de « fuite des cerveaux ». En revanche, plus qu’ailleurs, notre pays voit partir des jeunes en cours ou en fin de formation attirés certainement par un accès plus facile au marché du travail où à la création d’entreprise. Mais ils reviennent assez vite, notamment quand il faut soigner ou scolariser leurs enfants…




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