L’attentat meurtrier de Nice ne peut qu’accentuer la déprime dont souffrait depuis six mois le tourisme français. Au niveau du continent, les flux touristiques se détournent des pays de l’est et du sud méditerranéen pour se réorienter vers la Péninsule ibérique ou certains petits pays.
Pour la troisième fois en dix-huit mois, la France se retrouve frappée par un attentat terroriste d’envergure : après les 17 victimes des attentats de janvier 2015, les 130 des attentats de Paris en novembre, au moins 84 personnes ont perdu la vie le 14 juillet à Nice. Outre l’évident traumatisme pour l’ensemble de la population, ce nouveau massacre constitue un coup très dur pour l’industrie touristique de l’Hexagone qui se situait jusque-là au premier rang mondial.
Il est évidemment trop tôt pour en mesurer les conséquences mais les données concernant les premiers mois de 2016 permettent de se faire une idée de ce qui peut se produire dans les prochains mois en France, et également en Europe où les terroristes ont durement frappé la Belgique (35 morts) et la Turquie (plus de 70 morts sur plusieurs attentats). Une véritable recomposition du paysage touristique européen se profile.
L’engouement pour la Ville Lumière marque le pas
Sans doute parce qu’ils étaient très ciblés, les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’hyper-casher n’ont pas eu vraiment de conséquences économiques. Il n’en n’a pas été de même pour les attentats de novembre dernier qui visaient une foule indifférenciée. Si leur impact sur l’économie générale via la consommation ou le moral des ménages a été assez bref, il a été beaucoup plus fort en terme d’activité touristique, en particulier celle de la métropole parisienne.
Ainsi, selon les chiffres de l’office du tourisme de la capitale, le taux d’occupation des hôtels marquait, au premier trimestre 2016, un recul de 6,2% par rapport aux chiffres du premier trimestre 2015. Et l’on a constaté une très forte chute – de 30 à 50% – de la présence de certaines nationalités de touristes comme les Japonais, les Chinois, les Russes ou encore les Italiens.
Cette déprime s’est prolongée tout en s’atténuant comme le montre l’étude Forwardkeys : du 14 novembre 2015 au 26 février 2016, les réservations à Paris cumulées ont chuté de 22% par rapport à la même période de l’année précédente. En mars, la baisse est revenue à 8% mais c’est de nouveau accentuée en mai (-15%) avant que la coupe d’Europe de foot ne vienne replacer en progression les chiffres des réservations.
A noter que la déprime parisienne a été également ressentie à Bruxelles et cela, avant même l’attentat meurtrier de l’aéroport et du métro de Bruxelles le 22 mars.
L’activité du tourisme français se ralentit depuis six mois
Paris est la porte d’entrée naturelle d’un périple aérien vers l’Hexagone et draine 30 des 84 millions de visiteurs étrangers annuels en France. Selon le baromètre des entreprises de voyage SNAV, les commandes de voyage pour juillet-août de cette année marquent une baisse annuelle de 4,2% pour la France métropolitaine. On imagine bien que ce recul va s’accentuer avec l’attentat de Nice.
Car la Côte d’Azur est la destination touristique française numéro deux après Paris et Nice est la quatrième ville la plus fréquentée avec 4,3 millions de visiteurs annuels. Surtout, la répétition des attentats en France et leur extension géographique à la province ne peut que déterminer de nombreux touristes à éviter l’Hexagone comme ils évitent déjà plusieurs pays d’Europe.
Le Maghreb et la Turquie sinistrés
De janvier à mai comparé à la même période 2015, les agents de voyages indiquent que les réservations cumulées ont diminué de 19% au Maroc, de 67% en Tunisie et de 71% en Turquie. Globalement, l’Est et le sud de la Méditerranée sont désertés du fait de l’insécurité et de l’instabilité sur fond de crise économique.
On sait par ailleurs que le terrorisme ou la guerre sévissent sur le continent africain. Il n’est donc pas étonnant que les flux touristiques mondiaux se réorientent vers d’autres continent, notamment l’Asie, ou bien vers d’autres pays européens offrant des conditions de dépaysement, d’ensoleillement ou de richesse culturelle attractives.
La Péninsule ibérique récupère une partie des flux
L’Italie ne profite que marginalement de cette réorientation des flux, la Péninsule étant peut-être jugée comme un théâtre propice à de futurs attentats. En revanche, si l’on en croit les tendances mesurées par la commission européenne du voyage, la fréquentation touristique entre janvier et mai 2016 s’est accrue par rapport aux 5 premiers mois de 2015 de 13% en Espagne et de 14% au Portugal. Et, pour ce dernier pays, les agents de voyage français constatent même un bond de 27% des réservations.
Certains territoires espagnols, suscitent un véritable engouement, comme les Iles Canaries qui ont accueilli l’an dernier plus de 12 millions de touristes. D’autres destinations sont en plein boom même si les flux concernés sont modestes. Toujours de janvier à mai, l’Islande a attiré 35% de touristes supplémentaires, la Slovaquie 24% et Chypre 21%.
Les Européens sont moins nombreux à partir en 2016
A côté de ceux qui changent de destination, de nombreux européens ont renoncé carrément aux vacances. C’est ce qui ressort du dernier eurobaromètre Ipsos/europ assistance. Alors que la conjoncture tend plutôt à s ‘améliorer, 54% des Européens avaient, en avril, l’intention de prendre des vacances d’été. L’an dernier, ils étaient 61%.
Et ceux qui partent restent plus volontiers dans leur pays, comme 74% des Italiens contre 62% en 2015. Dans plusieurs pays, une proportion importante de vacanciers désireux de partir à l’étranger a renoncé à se rendre en France à cause du risque terroriste : c’est le cas de 36% des Brésiliens, de 20% des Américains et de 17% des Italiens. Et ils l’on fait, bien sûr, avant l’attentat de Nice
Cela paraît évident, le secteur touristique français va souffrir. Et c’est d’autant plus préoccupant pour l’économie que ce secteur génère 7% du PIB français. Si le tourisme devait se contracter de 10%, l’impact sur le PIB atteindrait 0,7%. Même si un recul de cette ampleur est pessimiste et que le pire n’est jamais sûr, la prévision du gouvernement de réaliser 1,7% de croissance cette année paraît fort aléatoire.