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Collège: L’offre scolaire à l’heure de la diversification

mardi, 8 novembre, 2016 - 11:56

La baisse du niveau scolaire fait plus que jamais débat en France où certains continuent de remettre en cause le collège unique. Chez nos voisins, l’offre scolaire se diversifie tandis que les choix d’orientation sont de moins en moins précoces et de plus en plus réversibles.  

Depuis des décennies l’enseignement scolaire fait l’objet de débats passionnés en France et la récente réforme du collège portée par la ministre de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem a bien sûr ravivé les critiques.

Elles se focalisent sur la question du collège unique qui consiste à dispenser un même enseignement à tous les élèves du premier cycle du secondaire, de la sixième à la troisième. Face à la dégradation du niveau des élèves, à la multiplication des « décrocheurs » et de ceux qui n’assimilent pas les savoirs fondamentaux, nombreux sont ceux qui militent pour un enseignement plus adapté aux besoins de tel ou tel type d’élèves.

Certains, notamment à droite, vont jusqu’à préconiser la fin du collège unique, c’est à dire une orientation différenciée des enfants non plus à l’âge de 15 ans, mais avant, voire dès la fin du primaire à 11 ans.

Ce collège unique date d’il y a plus de quarante ans en France puisqu’il a été instauré par la loi Haby de 1975. Il a mis fin à des décennies de filières multiples. Petit rappel historique.

Quand on débutait le secondaire à six ans

Jusque dans les années 50, le primaire et le secondaire ne constituaient pas des cycles scolaires successifs mais parallèles. Il y avait d’une part l’école du peuple, celle dispensée par les écoles communales depuis le CP jusqu’au certificat d’étude, voire au brevet. Un cycle court, de six à huit années, celui du primaire.

Et puis, il y avait le secondaire, l’école de l’élite, celle des petits lycées puis des lycées, qui menait en douze années les élèves de la classe de onzième jusqu’au bac. L’orientation des élèves se faisait donc initialement dès six ans.

En 1937, il devint possible d’attendre 11 ans pour opter entre l’école de fin d’étude, l’école primaire supérieure ou le lycée classique. Passons les étapes. En 1963, le secondaire ne débute plus depuis quelques années qu’en sixième et on identifie un premier cycle (de la 6ème à la 3ème) avec la création des collèges d’enseignement secondaires (CES).

Mais le collège unique n’existe toujours pas puisque subsistent les collèges d’enseignements généraux plus pratiques (les CEG) et les « classes de transition » qui mènent à l’apprentissage. L’orientation décisive se fait toujours à 11 ans et il faudra donc attendre 1975 pour que le collège unique la repousse à 15 ans, en fin classe de troisième.

Plusieurs modèles scolaires en Europe

Cette notion de collège unique n’est guère pertinente ailleurs en Europe où l’on distingue en gros quatre types de systèmes éducatifs. Dans le modèle germanique, qui concerne aussi des pays comme la Suisse et les Pays-Bas, l’orientation des élèves se fait dès le début du secondaire à dix ou douze ans.

L’orientation est beaucoup plus tardive dans le modèle anglo-saxon mais ce système est tellement diversifié que l’on ne peut, à l’évidence, parler de collège unique. Quant au modèle latin, il dispense des enseignements assez voisins, unifiés jusqu’à 15 ans en France et en Espagne et jusqu’à 14 ans en Italie où le  premier cycle du secondaire est plus court.

Enfin, le modèle scandinave est véritablement celui de l’école unique de 6 à 16 ans, l’orientation se faisant à partir de cet âge après obtention d’un diplôme.

En Allemagne, l’orientation précoce tend à s’atténuer

En gros, l’heure est à la diversification des enseignements dans l’Union européenne mais pas à l’orientation plus précoce. Partout, on s’efforce d’éviter le choix « couperet » pour les jeunes élèves et leurs parents. Bon exemple à cet égard, l’Allemagne.

Théoriquement, la différenciation scolaire s’y effectue très tôt, à 10 ans, âge ou les élèves entrent au secondaire après seulement quatre années de primaire.

Trois voies sont proposées : la voie classique du Lycée, le gymnasium ; une voie d’enseignement général complet plus moderne, la realschule, menant, au bout de 6 ans, aux écoles professionnelles spécialisées ; une voie plus courte enfin, la haupschule, menant après 5 ans aux formations d’apprentis.

Mais ce modèle tend à se dérigidifier, les passerelles sont nombreuses entre les voies et on voit se multiplier les « Gesamtschule », écoles intégrées offrant un enseignement commun effaçant pratiquement les distinctions traditionnelles. En outre, la longue durée de scolarité en Allemagne (13 ans contre 12 en France) tend à se raccourcir d’un an. Bref, l’Allemagne n’est plus le pays du déterminisme scolaire précoce !

Pays-Bas : une école au plus près des besoins

Au classement PISA de l’OCDE, le système scolaire des Pays-Bas apparaît comme le plus performant de l’Union européenne. Du fait d’un cycle primaire long de 6 années (contre 5 en France), les élèves doivent choisir leur voie à 12 ans entre l’enseignement pré-professionnel en 4 ans, l’enseignement secondaire général en 5 ans et l’éducation pré-universitaire en 6 ans.

Mais ce système décentralisé offre une grande liberté aux écoles pour déterminer les programmes et propose une offre scolaire très diversifiée. Deux dispositifs en particulier expliquent le succès du système néerlandais.

A la fin du primaire, les élèves les plus faibles suivent une classe de transition les préparant au secondaire tandis que les élèves les plus doués en avance de scolarité effectuent leur dernière année de primaire dans les conditions du secondaire. Autre originalité : la filière pré-apprentissage (appelée VMBO) commence par une formation pratique et se termine par une formation théorique favorisant la bifurcation vers le cycle long.

Le système britannique en pleine transformation

Le système scolaire britannique est à la fois assez discriminatoire et totalement diversifié. Discriminatoire au sein même du secteur d’Etat puisque, à côté des « secondary schools » de base (les « compréhensive state »), on trouve des « grammar schools » d’un niveau très supérieur. Sans compter les écoles privées de l’élite, les « public schools », d’un coût inabordable pour l’anglais moyen.

Malgré tout, l’orientation des élèves est tardive (16 ans) et l’enseignement très souple puisque largement basé sur un libre choix de matières au delà d’un socle obligatoire. Mais surtout, face à la dégradation du niveau scolaire, les anglais ont opté en faveur d’un autre type d’enseignement destiné à coller aux besoins des élèves en fonction de leur environnement urbain et culturel.

Ce sont les « académies » (écoles publiques indépendantes) et les « free schools » (écoles crées à l’initiative de parents d’élèves ou d’associations) qui sont totalement libre de déterminer leur programmes en fonction des besoins de la communauté qu’ils accueillent. Cette évolution du système est de grande ampleur puisque 60% des écoles secondaires outre-Manche sont désormais des académies ou des free schools.

Dans les pays situés au nord de l’Europe, l’heure est donc à l’enseignement « à la carte ». Cette tendance est beaucoup plus timide en France où l’on se contente pour l’instant de parler d’interdisciplinarité et d’accompagnement personnalisé. Ce qui est sûr, c’est que le débat pour ou contre le collège unique paraît tout à fait dépassé.




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