Le « Penelopegate » a confirmé que l’activité des parlementaires français est insuffisamment contrôlée. Ce n’est toutefois pas un cas unique en Europe où, par ailleurs, les députés sont souvent mieux rémunérés et disposent de moyens supérieurs.
Déjà extrêmement fertile en rebondissements, la campagne pour l’élection présidentielle en France est depuis plus d’une semaine secouée par une affaire touchant l’épouse de François Fillon. Ce que l’on qualifie de « Penelopegate » a trait notamment aux soupçons d’emploi fictif concernant le poste de collaborateur parlementaire pour lequel Penelope Fillon a été généreusement rémunérée pendant 14 ans de 1988 à 2013.
Emploi familial : des règles peu contraignantes en France…
En attendant que la justice tranche, se pose le problème de la rémunération et du contrôle du travail de ces assistants parlementaires qui, dans l’Hexagone, peuvent être recruté au sein même de la famille des députés ou sénateurs.
Cela dit, depuis 1997, il n’est pas possible, à l’Assemblée nationale, de consacrer à un proche parent plus de 50% de l’enveloppe accordée à chaque député pour ses collaborateurs. Au Sénat, on ne peut excéder le tiers de l’enveloppe totale. Depuis 2013 et la loi sur la transparence de la vie publique, le salaire des assistants parlementaires doit être déclaré mais rien n’oblige à détailler les tâches dont sont chargés précisément les assistants.
Chaque parlementaire étant l’employeur de son staff et surtout parce que le Parlement est une institution souveraine, rien ne peut obliger un député ou sénateur à révéler l’activité de ses assistants. A moins– mais c’est précisément la question juridique soulevée par l’affaire Penelope Fillon – qu’il y ait une forte présomption d’emploi fictif à l’occasion notamment de l’emploi d’un conjoint.
… et une pratique prohibée dans plusieurs parlements
En matière d’emploi familial, la France ne fait pas exception en Europe. Il y a même davantage de collaborateurs familiaux dans les Parlements espagnols ou britanniques. Soulignons cependant qu’à la Chambre des Communes, une autorité indépendante au sein du Parlement vérifie l’effectivité du travail fourni.
Cela dit, plusieurs parlements du continent prohibent l’embauche des proches : le Parlement européen depuis 2009, mais aussi le Bundestag allemand ou encore le Nationalrat autrichien et la chambre des députés italienne, de même que le parlement turc. Notons aussi qu’en Scandinavie, les assistants parlementaires sont fournis par les partis politiques et qu’en Belgique ils sont rémunérés directement par le Parlement fédéral.
La France dixième sur le plan des rémunérations
Si l’on considère la rémunération de base des parlementaires, la France n’arrive qu’en dixième position avec un traitement annuel brut de 86.000 € pour les députés. Cette somme est à peine inférieure à ce que perçoivent les députés britanniques, belges ou néerlandais.
Mais les mieux lotis en la matière, ce sont les députés italiens (125.000 €), les députés autrichiens (121.000) et les députés allemands (109.000) sans oublier les députés au Parlement européen qui émargent à 102.000 euros.
A l’inverse, Espagnols et Portugais doivent se contenter de 40 à 45.000 € annuels. Sans surprise, les parlementaires des pays de l’Est européen touchent moins de 30.000 € et parfois bien moins.
Attention toutefois aux particularités nationales. Par exemple, les députés italiens touchent plus de 10.000 € bruts mensuels mais, du fait de prélèvements très lourds, il ne leur reste en poche que la moitié, soit un traitement équivalent à celui des Français.
Quant aux Espagnols, s’ils perçoivent à peine plus que 3.000 € mensuels de salaires de base, la moindre fonction de président, vice-président, porte parole au bureau du Congrès ou dans les commissions leur apporte 1000, 2000 voire parfois 3000 euros supplémentaires.
De gros moyens pour les députés européens et allemands
Par ailleurs, les budgets de fonctionnement accordés aux parlementaires en Europe sont très variables. En France, chaque député se voit allouer chaque mois 9.561 € bruts pour employer jusqu’à cinq assistants parlementaires. C’est une somme bien plus élevée qu’en Italie où le député ne perçoit que 3.700 €. Ce qui explique au passage la prolifération des assistants – on les qualifie de « porte serviette dans la Péninsule – payés au noir.
En revanche, les députés européens sont grassement dotés de 23.400 € mensuels pour leur staff. Cela peut expliquer d’ailleurs l’emploi de collaborateurs à d’autres tâches, beaucoup plus nationales et partisanes. C’est ce que l’on voit avec l’affaire des députés du Front national qui est mis en demeure de rembourser des sommes importantes pour détournement d’emploi.
En Allemagne aussi, les députés disposent d’une enveloppe impressionnante de près de 20.000 € par mois pour employer des assistants. Ces moyens permettent d’exercer un travail législatif et de contrôle intense. A cet égard, s’ils sont nettement mieux pourvus que leurs homologues français, les députés britanniques perçoivent beaucoup moins que leurs homologues allemands avec 14.500 € pour leur staff.
Les avantages accordés aux élus souvent critiqués
Traditionnellement, dans tous les régimes parlementaires, les pratiques des députés font l’objet de contestations car les parlements, dépositaires de la souveraineté nationale, bénéficient de beaucoup d’immunités et sont réticents aux contrôles exercés de l’extérieur.
On se souvient du scandale des notes de frais au Royaume-Uni et, presque partout, on se demande comment les députés emploient les sommes qui leurs sont allouées. C’est le cas en Belgique, en Italie et même en Suède où de nombreux élus se voient mettre à leur disposition des appartements de fonction dans le vieux Stockholm.
En réalité, il apparaît que pour couper court à la suspicion, les Parlements ont intérêt à développer – à l’instar des britanniques – des organes de contrôle internes mais strictement indépendants. Cela permet notamment de vérifier que les emplois d’assistance au travail des élus sont bien conformes à l’intérêt public…