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L’adhésion des Balkans à l’Union européenne a-t-elle toujours un sens ?

mardi, 7 février, 2017 - 17:35

Face à la remise en question interne de l’Union européenne – incarnée par le Brexit – et à l’instabilité politique dans la région balkanique, notamment en Bosnie-Herzégovine et au Monténégro, la question semble plus que jamais se poser : l’adhésion des Balkans a-t-elle toujours un sens ?

Adhésion sous conditions

 
Mis en place en 1999, le processus de stabilisation et d’association (PSA) de l’Union européenne avec les Balkans occidentaux représente un pilier stratégique de rapprochement progressif avant l’entrée définitive des pays concernés au sein de l’Union. Cette politique vise sept pays : Albanie, Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM), Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo, Monténégro et Serbie. Pourtant, plus de vingt ans après la fin du conflit en ex-Yougoslavie et la signature des Accords de Dayton, les pays de l’ancien bloc à avoir effectivement intégré l’Union sont peu nombreux. Seule la Croatie est à ce jour membre de l’Union européenne. 
 
Tous les autres pays ont officiellement été reconnus candidats à l’adhésion de l’UE, mais le processus est loin d’être aussi simple : l’adhésion est subordonnée au respect d’un « cahier des charges » communautaire énumérant des objectifs en termes de valeurs, de respect des droits humains et de l’Etat de droit, mais aussi de performance économique. La Commission européenne n’hésite pas à rappeler aux pays candidats les nombreux efforts qu’ils leur restent à fournir. Dans son récent avis sur l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine, le Conseil de l’UE rappelait qu’« outre les réformes socioéconomiques [le pays compte 40 % de chômeurs], la Bosnie-Herzégovine devrait poursuivre les réformes dans les domaines de l'État de droit et de l'administration publique ».
 

Une région sous tension

 
La candidature de la Bosnie-Herzégovine a en effet été acceptée par l’Union en septembre 2016. Le dépôt de sa candidature, en février de la même année, avait pourtant fait naître des sentiments mitigés au sein des dirigeants européens. Le pays de 3,5 millions d’habitants est scindé en deux entités autonomes et leur unité reste très fragile. Quelques jours seulement après l’acception de sa candidature, le referendum sur le maintien de la fête nationale le 9 janvier (date de la proclamation de la République serbe) ravivait les tensions entre les communautés serbe et bosnienne. 
 
Jugé anticonstitutionnel par la Cour suprême de Sarajevo, le choix de cette date est soutenu par Milorad Dodik, président de la République serbe de Bosnie, qui ne masque plus ses velléités sécessionnistes de l’entité serbe. « Une politique de destruction », explique Loïc Trégourès, doctorant spécialiste des Balkans, « menée sous le regard bienveillant de la Russie qui, pour la première fois depuis le début des années 2000, a indiqué que le destin de la Bosnie n’était pas forcément d’intégrer l’UE. » Le leader nationaliste a depuis fait l’objet de sanctions de la part des Etats-Unis pour avoir fait obstruction au processus de paix issu des Accords de Dayton. 
 

Au Monténégro, l’adhésion remise en question 

 
La situation semble plus grave encore au Monténégro. Pourtant considéré comme un des pays dont l’intégration à l’UE est la plus certaine, il pourrait lui aussi voir son adhésion différée. Le pays traverse une grave crise politique depuis les élections du 16 octobre et le présumé coup d'État déjoué. Le parti du Premier ministre Milo Djukanovic est arrivé en tête des élections législatives au Monténégro après des accusations de coup d’Etat et un coup de filet spectaculaire contre une vingtaine de ressortissants serbes accusés d’avoir fomenté le coup. Dès l'annonce du coup de filet, Andrija Mandic, chef du Front démocratique, une coalition de partis d’opposition, a dénoncé une opération de « propagande grossière ». Idem pour Nedjeljko Rudovic, un autre membre de l’opposition, qui estimait le soir même que le scrutin « ne peut pas être qualifié de libre ». « Une atmosphère de coup d'Etat a été créée et a influencé la libre expression de l'opinion des Monténégrins ». 
 
Accusé d’autoritarisme et de corruption par ses opposants, le Premier ministre, autrefois proche de Slobodan Milosevic, a réussi à se maintenir pendant vingt-sept ans à la tête du petit Etat balkanique grâce à son parti tout puissant, Parti des démocrates socialistes (DPS). Depuis les évènements d’octobre, l’opposition refuse toujours de reconnaître l’élection des membres du Parlement et appelle à son boycott avant de nouvelles élections. Le Premier ministre a répondu à ces attaques en tentant de museler la société civile et en lançant une chasse aux sorcières contre les médias dissidents. Plusieurs réseaux sociaux avaient déjà été fermés le jour de l’élection. 
 
L’opposition tente tant bien que mal d’alerter la communauté internationale et de préserver ses relations avec ses partenaires. Plusieurs parlementaires se sont déplacés au Bundestag, à Moscou ou encore à Washington. Pour l’heure, la politique belliqueuse de Milo Djukanovic et l’ambiance de terreur qu’elle induit marquent un grave retour en arrière sur les avancées démocratiques du pays et ont mis un frein aux négociations pour l’adhésion du Monténégro à l’UE. Le vote de ratification de l’adhésion de la petite république balkanique à l’OTAN vient d’ailleurs d’être repoussé par les Etats-Unis pour la quatrième fois.
 
S’il semble naturel que l’Union européenne veuille préserver son socle de valeurs communes, les processus d’adhésion longs et fastidieux n’améliorent pas son image et alimentent la crise de l’opinion publique dans les pays candidats. On retrouve en particulier chez les jeunes un sentiment grandissant de défiance à l’égard des institutions européennes. Tara Tepavac, chargée de projet au sein du « European movement in Serbia », parle ainsi d’une « enlargement fatigue ». Le commissaire européen à l’Elargissement Johannes Hans préfère quant à lui parler du « début d'un long voyage ». Dans tous les cas, il semble qu’il faudra encore patienter avant d’assister à l’intégration des Balkans au sein de l’UE.
 

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