Selon les dernières données publiées par Eurostat, les niveaux de SMIC en Europe restent disparates. Mais depuis neuf ans, on constate que les salaires minimaux pratiqués en Europe de l’Est, encore faibles, rattrapent rapidement ceux qui sont alloués en Europe occidentale.
Les candidats à l’élection présidentielle situés à la gauche de l’échiquier politique préconisent tous une hausse substantielle du salaire minimum en France.
Certains d’entre eux réclament par ailleurs une harmonisation des SMIC au niveau européen et pratiquement tous les candidats – à l’exception de François Fillon et d’Emmanuel Macron – expriment au moins leur préoccupation, voire leur condamnation, à l’égard d’un « dumping social européen » qu’exerceraient les pays de l’Est de l’Union à bas salaire, favorisant ainsi les délocalisations vers leurs territoires ou la concurrence déloyale de leurs travailleurs détachés sur les marchés développés.
A l’Ouest, des SMIC comparables à l’exception de l’Espagne…
Il ressort des derniers chiffres publiés par l’Office européen des statistiques Eurostat que la France se situe clairement dans le groupe des pays européens accordant un salaire minimum généreux.
Mais, à 1.480 € bruts mensuels, le SMIC français ne vient qu’en sixième position des salaires minimaux européens. A l’exception du très riche petit Luxembourg qui offre un confortable plancher de 2.000 € à ses salariés, Irlande, Pays-Bas et Belgique leur accordent autour de 1.550 €.
Quant à l’Allemagne, qui a fini par adopter il y a deux ans un salaire minimum global au niveau fédéral, elle est désormais légèrement au dessus de la France avec un SMIC mensuel moyen pratiquement égal à 1.500 € depuis son augmentation de 4% le 1er janvier 2017. A l’inverse, le Royaume-Uni se montre un peu moins généreux que l’Hexagone en accordant environ 1.400 € mais c’est sans commune mesure avec les maigres 826 € que se voient garantir les travailleurs espagnols.
Quant à la Scandinavie, elle n’est pas concernée puisque le salaire minimum n’existe ni en Suède, ni en Finlande, ni au Danemark. Et il n’y en a pas davantage en Italie et en Autriche.
… mais trois fois plus bas en Europe centrale et orientale
A l’Est de l’Europe, bien sûr, le niveau de vie étant sans commune mesure avec celui de l’Europe occidentale, le niveau des SMIC n’a rien à voir. Un nouveau membre se distingue toutefois: c’est la Slovénie avec son SMIC à 805 €, proche de celui de l'Espagne.
Mais la plupart des pays d’Europe centrale et de la Baltique n’accordent qu’entre 380 et 450 € mensuels. Et puis, loin en queue de peloton, on trouve la Roumanie (275 €) et surtout la Bulgarie où les 235 € de salaire minimum ont fait ces dernières années de ce pays un eldorado pour la délocalisation de la fabrication de vêtements.
Un salaire minimum particulièrement courant en France
Très clairement, c’est en France que le salaire minimum est touché par le plus grand nombre de salariés, environ 1,7 million. C’est la conséquence des nombreux dégrèvements sociaux et fiscaux dont font l’objet les bas salaires dans l’Hexagone.
On mesure la généralisation de ce SMIC en constatant qu’il représente 62% du salaire brut médian en France qui, à 2.390 € bruts mensuels, marque la séparation entre la moitié de la population la mieux payée et la moitié la moins bien payée. Ailleurs en Europe, le SMIC représente une part sensiblement inférieure du salaire brut médian établi par Eurostat.
Dans une grosse majorité de pays, il atteint 50 à 55% du revenu médian. Dans quelques pays, comme l’Espagne (45%) ou la République tchèque (39%) il s’éloigne encore plus du revenu de la plupart des gens et s’assimile bien davantage à un minimum vital.
Progression du SMIC : modeste à l’Ouest…
De 2008 à 2017, le SMIC a été augmenté de 16% en France et c’est une proportion que l’on retrouve peu ou prou dans la plupart des pays d’Europe occidentale. Cette hausse correspond en gros à la compensation de l’inflation agrémentée d’un tout petit plus. Bref, ces Etats-membres ne pratiquent pas de politique volontariste de hausse des bas salaires.
Il y a une exception en Europe concernant l’évolution du SMIC, c’est la Grèce, où la véritable purge économique exigée par l’Union européenne s’est traduite par un recul de 14% du salaire minimum depuis 11 ans. A l’opposé, on constate que de très fortes revalorisations du SMIC se sont produites dans la plupart des pays de l’Est européen.
… rapide à l’Est…
Ces hausses ne sont pas un effet d’optique. Au début de la période 2008-2017, l’inflation a été effectivement plus forte en moyenne à l’Est de l’Europe qu’à l’Ouest et elle s’est maintenue à un niveau plus élevé en Roumanie. Mais le différentiel n’est pas considérable.
Quant à la dépréciation des monnaies pour les pays qui n’ont pas rejoint l’euro, elle a été pratiquement nulle en République tchèque et Bulgarie, un peu plus sensible en Pologne et Roumanie (25% de dépréciation des monnaies locales sur 9 ans) mais seule la Hongrie a enregistré une forte dépréciation, le forint ayant chuté de 47% face à l’euro au cours de la période.
En tout état de cause, ces constats ne viennent pas démentir la réalité d’une très forte progression des salaires minimaux en termes réels à l’Est de l’Europe.
… surtout mesurées en parité de pouvoir d’achat
Eurostat fait des comparaisons en termes de parité de pouvoir d’achat (PPA). Ce qui revient à égaliser pour tous les pays ce qu’un niveau donné du SMIC vous permet d’acheter dans la vie courante.
Par exemple, en 2008, le SMIC polonais vous permettait d’acheter en Pologne 2,5 fois moins de biens identiques que le SMIC français en France. En 2017, ce différentiel n’est plus que de 1,6. En clair, le pouvoir d’achat des Polonais rattrape celui des Français.
A l’Est, les progressions du SMIC en PPA sont spectaculaires en neuf ans : 63% en Slovaquie, 80% en Hongrie, 85% en Pologne et même plus de 120% en Bulgarie et près de 140% en Roumanie.
C’est véritablement historique et cette convergence des pouvoirs d’achat du SMIC est l’une des réussites les plus éclatantes de l’Union européenne qui a su, par ses financements, redistribuer croissance et revenu au sein d’un ensemble très disparate.
Le rattrapage en vue
Globalement, pour les salariés de base, les Européens de l’Ouest vivent encore, en 2017, deux fois et demi mieux que les Européens de l’Est. Mais, dans une dizaine d’année, on peut espérer que le nouveau membre le plus avancé de l’Union, la Slovénie, aura rattrappé l’occident.
Et dans quinze ou vingt ans, il pourrait en être de même de la Pologne ou de la Hongrie. A moins bien sûr que la dynamique européenne ne soit enrayée par l’avènement de forces nationalistes ou souverainistes…