Si en Europe, les capacités installées d’énergie éolienne ont dépassé celles des centrales à charbon, l’éolien se heurte toujours à de fortes résistances.
La loi de transition énergétique pour une croissance verte, adoptée en France au mois d’août 2015, prévoit que les énergies renouvelables assureront 40% de la production électrique nationale à l’horizon 2030. Un défi auquel l’énergie éolienne compte bien contribuer.
Les projets fleurissent en effet sur l’ensemble du territoire français. Si EDF Energies Nouvelles (EDF EN) « est déjà un acteur important de la transition énergétique en France », selon son directeur France, Nicolas Couderc, « (l’entreprise) va accélérer son développement avec un objectif de 5 à 6 gigawatts supplémentaires d’énergies vertes développées et construites » d’ici à 2030. La filiale d’EDF vient d’ailleurs d’annoncer le lancement de plusieurs nouveaux projets dans l’éolien.
En Europe, les capacités installées d’énergie éolienne ont même dépassé, en 2016, celles des centrales à charbon. Avec 153,7 gigawatts (GW) au total, l’énergie éolienne est désormais « le second plus grand parc de capacité de production d’électricité en Europe », selon le dernier bilan annuel établi par WindEurope. Au large d’Hambourg, en Allemagne, les 80 turbines du parc éolien DanTysk produisent depuis un an et demi 288 MW et alimentent pas moins de 400 000 foyers en électricité. L’énergie éolienne assure aujourd’hui près de 15% de la production totale d’électricité du pays et 40% de son énergie renouvelable. Toujours en mer, le consortium international Forewind a inauguré en 2015, au large du Royaume-Uni, la plus grande ferme éolienne offshore au monde. Les quatre projets de la zone Dogger Bank disposeront chacun de 200 turbines, d’une capacité cumulée de 1,2 GW – l’équivalent de la consommation annuelle d’électricité de deux millions de foyers.
Mais si l’éolien offshore ne rencontre que peu de résistance de la part des habitants, et pour cause, le destin des éoliennes terrestres n’a, lui, rien d’un long fleuve tranquille. Lourdeurs administratives et mécontentements locaux accompagnent et ralentissent souvent un grand nombre de projets.
Vents contraires sur l’éolien : entre lourdeurs administratives et mécontentements
L’éolien, tout le monde est pour, mais les éoliennes, personne ne semble en vouloir dans son jardin – « not in my backyard », du nom de ce phénomène de rejet né aux Etats-Unis. Les nombreux projets d’éoliennes se heurtent donc souvent à l’opposition des riverains et sont retardés par les procédures administratives à rallonge.
Ainsi, si le projet éolien de Montabot, trois éoliennes d’une puissance de 0,8 MW, vient d’obtenir en mars 2017 le feu vert de la préfecture de la Manche, le projet aura mis plus de dix ans à sortir de terre. Lancé en 2005, le permis de construire n’a, en effet, été signé que le 3 mars dernier en préfecture. Un soulagement potentiellement de courte durée, les opposants au projet ayant désormais deux mois pour déposer un recours.
Toujours en France, à Joux-la-Ville, dans l’Yonne, la bataille judiciaire autour d’un parc éolien comprenant 22 turbines, d’une puissance totale de 44 000 KW, aura elle aussi duré plus de huit ans. Pour Grégoire Simon, le PDG de WDP, la société qui a construit le parc de Joux-la-Villes, l’opposition de la population fait presque partie de la routine : « on a entre 50% et 60% de taux de recours en moyenne au niveau national », constate-t-il.
En Allemagne, pays qui a choisi de tourner le dos au nucléaire, la ruée vers l’éolien se heurte au manque d’infrastructures nécessaires au fonctionnement des turbines. Berlin va devoir débourser 56 milliards d’euros en moins de dix ans afin de tirer les 4 000 kilomètres de lignes à haute tension qui raccorderont les éoliennes de la Mer du Nord au réseau électrique. Un parc de 30 turbines, exploité par le groupe énergétique EWE au large de l’île de Borkum, et qui devait fournir l’électricité de près de 120 000 foyers allemands, est quant à lui resté non-opérationnel le temps que l’entreprise démine les fonds marins, remplis d’explosifs datant de la Seconde Guerre mondiale.
Parfois, l’opposition des riverains parvient aussi à ses fins. Comme dans les communes françaises de Parnac et Saint-Civran, ou la société WP France 9 s’est vu opposer par la préfecture, le 3 mars 2017, une fin de non-recevoir pour la construction de quinze éoliennes. Une victoire pour les associations locales de défense de l’environnement et du patrimoine, selon qui les pales représentaient « une insulte à l’histoire » de Saint-Benoit-du-Sault, l’un des « plus beaux villages de France ».
Afin de gommer les désavantages des éoliennes traditionnelles, des entreprises innovantes planchent sur de nouveaux modèles, plus discrets, silencieux et faciles à entretenir.
L’innovation change le regard sur l’éolien
Et si on élevait dans nos campagnes des éoliennes sans pales ? C’est le pari relevé par la start-up espagnole Vortex Bladless, qui propose des mats en fibre de carbone, dépourvus de pales. Utilisant l’énergie cinétique du vent, ces éoliennes nouvelle génération, encore en phase de test, couteraient jusqu’à moitié moins cher qu’une éolienne classique en termes de fabrication et d’entretien.
En Bretagne, l’entreprise Newwind a imaginé des éoliennes qui prennent la forme d’arbres afin de s’intégrer parfaitement à l’aménagement d’une ville. Silencieuses, les « feuilles » de l’arbre tournent sur elles-mêmes et sont capables d’alimenter jusqu’à 15 lampadaires ou d’éclairer 100 m2 de bureaux.
En Bretagne toujours, les habitants de la commune de Béganne ont même créé le premier parc éolien citoyen. Financées par leurs propres deniers, les quatre éoliennes de cent mètres de haut produisent plus de 20 000 MWh, l’équivalent de la consommation électrique de 8 000 foyers. Des projets les plus imposants aux initiatives les plus locales, l’éolien séduit donc de plus en plus de consommateurs désirant être acteurs de la transition énergétique.
Par Christophe Girard