Au nom d’un fallacieux principe d’égalité fiscale entre capital et travail, la France taxe les revenus de l’épargne plus que tout autre pays d’Europe. Elle assèche ainsi le financement de nombreuses entreprises innovantes et favorise la prise de contrôle des grands groupes par les actionnaires étrangers.
Taxer les riches ! Pour plusieurs candidats à l’élection présidentielle, ce mot d’ordre reste d’actualité. Car, dans l’opinion publique, les détenteurs de capitaux, ceux qui possèdent le patrimoine sont une source parfaitement légitime de revenus fiscaux pour un Etat surendetté.
Pourtant, nombreux sont ceux – et pas seulement à droite de l’échiquier politique – qui tirent la sonnette d’alarme en soulignant qu’en surtaxant l’épargne, la France se tire une balle économique dans le pied puisqu’elle décourage l’investissement et favorise à la fois la fuite des capitaux et la prise de contrôle de l’économie française par des intérêts étrangers.
Pour cette raison, François Fillon et Emmanuel Macron veulent supprimer ou réduire l’assiette de l’impôt sur la fortune et diminuer fortement l’imposition des revenus tirés des placements financiers.
Sarkozy et Hollande ont matraqué les épargnants
De fait, ces dix dernières années, les épargnants français n’ont pas été à la fête ! Si l’on considère les intérêts sur les placements (hors assurance-vie), les dividendes versés aux actionnaires et les plus values mobilières (celles qui sont réalisées en vendant des actions ou des obligations), la hausse des taxes a été très significative.
Durant le mandat de Nicolas Sarkozy, le niveau des taxes forfaitaires a sensiblement augmenté, les prélèvements sociaux appliqués à l’épargne sont passés de 10 à 15,5% et les seuils d’exonération ont été supprimés.
Quant à François Hollande, il a carrément aboli les prélèvements forfaitaires appliqués aux intérêts, dividendes et plus values pour les réintégrer dans le barème de l’impôt sur le revenu. Et cela au nom du principe de l’égalité de taxation entre capital et travail qui aboutit en réalité à une double taxation : celle du revenu perçu et celle du même revenu placé !
Pour les contribuables les plus aisés imposés au taux marginal de 45%, c’est un coup de massue : en dix ans, la ponction fiscale moyenne sur leur épargne a plus que doublé !
Des revenus taxés à 60%…
Mais pourquoi se focaliser sur la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu ? Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’essentiel de l’épargne se concentre sur les hauts revenus. Dès 71.000 € annuels de revenus imposables, les revenus sont taxés à 41%. Et ils le sont à 45% à partir de 152.000 €. Cela fait donc sens de mesurer la ponction fiscale sur l’épargne à partir des taux élevés de 41 ou 45%.
Globalement en France, les intérêts tirés des placements financiers sont taxés jusqu’à 59%. La charge est la même pour les plus values mobilières résultant de la vente d’actions ou d’obligations si elles sont cédées dans les deux ans.
Pour les dividendes – c’est à dire les bénéfices distribués aux actionnaires des entreprises – la charge atteint 40%. Notons toutefois que l’imposition est beaucoup moins forte pour les très populaires produits d’assurance-vie vendus après 8 ans : 22,5% au total.
… contre moins de 30% dans six pays
Dans six pays de l’Union européenne (Allemagne, Italie, Espagne, Suède, Belgique et Pays-Bas), les intérêts et les dividendes sont imposés de 24 à 30%, soit à peine la moitié du taux français. Dans les quatre premiers pays cités, le système est simple puisque l’imposition forfaitaire est la même pour tous les revenus d’épargne.
En outre, en Belgique et aux Pays-Bas, de même d’ailleurs qu’au Luxembourg et en Suisse, les plus values de cession ne sont pas imposées. En clair, si vous vendez des actions ou une entreprise avec un gros bénéfice dans ces pays, vous ne payez rien. En France, votre plus-value vous sera amputée de près de 60% !
Situation intermédiaire au Royaume-Uni, en Suisse et au Danemark
Certes la Suisse n’impose pas les plus values mobilières mais elle taxe les intérêts et les dividendes de façon progressive jusqu’à 45%. C’est le même système au Royaume-Uni pour les intérêts mais les dividendes ne sont taxés au maximum qu’à 38%.
Notons que les actionnaires britanniques plus modestes, ceux qui touchent moins de 38.000 € par an, ne sont eux, frappés qu’à 7,5%. Un chiffre à comparer aux 16,5% que paient en France les actionnaires à revenus moyens.
Enfin, le Danemark est le seul pays qui se rapproche de la France avec des intérêts taxés à 52% et des dividendes et des plus values à 42%.
Les propriétaires français particulièrement surveillés
Presque partout en Europe, le logement principal n’est pas soumis au régime de plus value qui s’applique aux résidences secondaires et à l’immobilier locatif. En France, la ponction globale atteint 34,5%, niveau inégalé en Europe. De surcroît, cette taxe est applicable pendant les 30 premières années de détention du bien, ce qui est particulièrement long.
Certes, il n’y a même aucune limite de durée de détention au Royaume-Uni mais l’imposition de la plus value est bien moindre et varie de 18 à 28% en fonction de l’importance du gain. Pas de limite non plus en Espagne mais, là aussi, l’imposition ne s’étage que de 21 à 27%.
En Allemagne et en Italie, la plus value est réintégrée au revenu global mais elle ne s’applique que pendant 10 ans outre-Rhin et seulement pendant 5 ans en Italie. Bref, sur l’immobilier également, la France se montre plus sévère pour les propriétaires que ses voisins.
ISF, pas tout à fait une exception française
Enfin, il ne faut pas oublier l’impôt de solidarité sur la fortune qui s’applique en France. Un impôt que François Fillon veut supprimer et qu’Emmanuel Macron entend limiter aux seuls biens immobiliers.
La France demeure l’un des rares pays en Europe à taxer directement le patrimoine, à partir de 1,3 million d’€. Hors UE, cet impôt existe aussi en Norvège et en Suisse. Mais, au sein de l’Union, de nombreux Etats ont aboli l’ISF dans les années 90 ou 2000.
Deux pays pratiquent toujours néanmoins une forme d’imposition sur le patrimoine. L’Espagne, mais de façon provisoire, applique une taxe sur la propriété dès lors que le bien est estimé plus de 300.000 €. Quant aux Pays-Bas, ils taxent l’ensemble du capital net détenu à 1,2% dans des proportions voisines de la France.
Des conséquences économiques fâcheuses
Le fisc français a donc la main lourde sur l’épargne et le patrimoine et le différentiel de taxation est très élevé par rapport à nos voisins allemands, italiens et espagnols et, dans une moindre mesure, britanniques.
Conséquence de cette situation : les ménages Français investissent peu dans les fonds propres des entreprises hexagonales, notamment les entreprises innovantes, la part des actifs risqués qu’ils détiennent (31%) étant très inférieure à la moyenne de la zone euro (45%).
Il s’ensuit également que les actionnaires individuels des grands groupes français sont désormais majoritairement étrangers puisque, en vertu des conventions internationales, les placements en France des investisseurs non résidents sont taxés dans le pays d’origine de l’investisseur, ce qui les avantage par rapport aux résidents français.
Les Français sont donc en train de perdre peu à peu le contrôle de leur économie. Et cela, non à cause de l’Europe, mais à cause d’une fiscalité punitive mise en place sous la houlette de Nicolas Sarkozy et de François Hollande.