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L’Europe en pleine recomposition politique

mercredi, 26 avril, 2017 - 10:33

L’élection présidentielle française a d’ores et déjà éliminé les deux blocs antagonistes droite-gauche. Ailleurs en Europe, dans les pays de tradition bi-partisane, le changement est également à l’œuvre. 

Quel que soit le résultat du second tour, le premier tour de l’élection présidentielle française traduit d’ores et déjà une recomposition radicale du paysage politique qui prévalait dans l’Hexagone depuis un demi-siècle.

Leurs partis ayant été éliminés du scrutin, la traditionnelle confrontation entre gauche et droite a laissé place à une opposition entre libéralisme social pro-européen et national-populisme.

La gauche traditionnelle est désormais dominée par un courant souverainiste étatiste faisant de nouveau appel à une forme de lutte des classes tandis que ce qui reste de la droite « classique » s’ancre dans un conservatisme sociétal très marqué.

Ailleurs en Europe, la montée générale des populismes et l’affaiblissement du courant social-démocrate modifie également la structuration partisane dans de nombreux pays.

Le phénomène n’est cependant pas vraiment général. Ce qui est général, c’est l’apparition et la montée de partis populistes ou souverainistes à l’exception de la Péninsule ibérique. Pour le reste, il faut distinguer entre les gouvernements de coalitions multipartisanes que l’on retrouve en Europe du nord et les pays où, traditionnellement, deux grandes formations, à gauche et à droite, s’affrontent pour le pouvoir.

Peu de bouleversements marqués au nord de l’Europe

En Scandinavie et aux Pays-Bas, où règne la proportionnelle intégrale, une dizaine de formations s’affrontent à chaque élection, tous ces partis recueillant de 5 à 30% des suffrages.

Partout, les alternances se font suivant un curseur subtil allant du centre gauche au centre droit. Un centre-droit parfois associé aux partis populistes et c’est ce qui est nouveau. C’est actuellement le cas en Finlande. Mais les partis de droite classique sont inexistants et ceux que l’on peut vraiment classer à gauche ne recueillent qu’entre 5 et 15% des voix.

La situation en Belgique est un peu différente : la domination des centres y est moins marquée mais la droite flamande de la NV-A, qui participe actuellement au gouvernement centre-droit de Charles Michel, a des accents populistes assez prononcés.

Que le mode d’élection y soit proportionnel ou majoritaire, les pays comparables à la France sont ceux qui voient deux grands partis dominer : c’est le cas au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie, en Autriche et en Allemagne. Dans ces pays, le paysage politique est vraiment en train de changer.

Allemagne : gauche de la gauche et euroscepticisme

Outre-Rhin, la structuration partisane s’est modifiée ces dernières années avec la montée d’une gauche plutôt radicale – Die Linke – et, plus récemment, l’apparition et la progression d’un parti, sinon populiste, du moins eurosceptique et anti-immigration, Alternative für Deutschland (AFD).

Actuellement, ces deux formations recueillent chacune entre 8 et 10% des intentions de vote, soit davantage que les deux forces traditionnelles d’appoint des coalitions en Allemagne, les Verts et les libéraux du FDP.

Reste que le paysage politique allemand demeure dominé par les deux grandes forces en présence depuis l’après-guerre : les chrétiens-démocrates de la CDU/CSU et les sociaux-démocrates du SPD. Un temps affaiblis, ces derniers reviennent dans la course sous la houlette de leur nouveau leader Martin Schulz et sont crédités de 30/32% des voix contre 34/36% pour la CDU.

Espagne : désormais quatre forces

Les changements les plus marqués sont intervenus en Espagne. Depuis les élections de 2015, le système qui opposait conservateurs du Parti populaire et socialistes du PSOE a éclaté.

Deux nouvelles forces sont apparues : « Podemos » de Pablo Iglesias, issu du mouvement des indignés et que l’on pourrait classer « gauche libertaire ». Et puis, au centre droit, « Ciudadanos » – les citoyens – une formation à la fois libérale et centralisatrice qui présente certaines similitudes avec le mouvement « En Marche » d’Emmanuel Macron.

Après des mois de crise gouvernementale, les conservateurs de Mariano Rajoy ont repris la direction d’un gouvernement minoritaire. Quant aux socialistes, déchirés entre des velléïtés d’alliance avec Podemos et un pacte de non-agression avec le gouvernement, ils sont en crise.

Leur ancien dirigeant Pedro Sanchez, très anti-Rajoy, pourrait cependant reprendre les rênes du parti le mois prochain et faire chuter ce gouvernement à l’occasion du vote du budget. Il en résulterait de nouvelles élections en fin de l’année – les troisièmes en deux ans – avec une possible arrivée au pouvoir de la gauche de la gauche.

Autriche : pour contrer le populisme, les Verts

Changement aussi en Autriche. Même si la grande coalition en place depuis dix ans entre socialistes du SPÖ et conservateurs du Parti populaire continue de se maintenir, le pays pourrait voir voler en éclat le bipartisme dès les élections générales de l’an prochain.

Car les populistes du FPÖ ont le vent en poupe depuis la défaite d’une courte tête de leur candidat à la présidentielle Norbert Hofer. Face à lui, alors que les deux grandes formations gouvernementales n’ont pas dépassé 11% chacune lors de ce scrutin, le parti qui pourrait se dresser, ce sont les Verts dont est issu le nouveau président Alexander Van der Bellen.

Italie : une gauche affaiblie face aux populismes

En Italie, la gauche est de nouveau menacée d’émiettement alors que les populistes du mouvement cinq étoiles caracolent en tête des sondages (à 30%) et que les conservateurs de Forza Italia sont relégués à 13%, à égalité avec les autres populistes de la Ligue du Nord.

Si le parti démocrate (PD) – donné à 27% – a perdu la première place, c’est que la gauche du parti emmenée par Pierluigi Bersani et Massimo d’Alema s’en est allée pour fonder le mouvement démocratique progressiste.

En outre, l’image du Parti a souffert de l’arrivée en décembre à la présidence du conseil du discret Paolo Gentiloni en remplacement du flamboyant Matteo Renzi. Dans quelques jours cependant, Renzi pourrait reprendre la direction des Démocrates afin de préparer d’éventuelles élections générales anticipées à l’automne.

En tout état de cause, l’adversaire du centre gauche est désormais le populisme qui, en Italie, totalise 43% des intentions de vote !

Royaume-Uni : où sont passés les travaillistes ?

Au Royaume-Uni, le Brexit avait créé des divisions au sein même des Conservateurs et des Travaillistes. Mais le nouveau premier ministre Theresa May entend ressouder le parti conservateur autour de ce Brexit afin de mener les négociations de sortie avec l’UE en position de force.

C’est dans ce but qu’elle a convoqué pour juin des élections anticipées et elle compte bien, à cette occasion, pulvériser le parti travailliste que la presse estime « en pleine décomposition ».

Son leader, Jeremy Corbyn s’est vu reprocher son manque d’entrain pour défendre le maintien dans l’Union lors du referendum et il risque une « Berezina électorale », les Britanniques n’étant plus que 15% à penser qu’il serait « un bon premier ministre ». Reste maintenant à savoir qui pourra bien oser s’opposer au processus du Brexit…

 


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