Réputé pour son franc-parler et son ascension politique fulgurante, Leo Varadkar deviendra, le 12 juin prochain, le premier chef de gouvernement métis et ouvertement homosexuel en Irlande. La preuve que les moeurs, très conservatrices il y a encore quelques années, sont en train de s'adoucir dans le pays.
C’est une petite révolution qui vient de se produire en Irlande, pays réputé pour ses moeurs un brin conservatrices. Vendredi dernier, le parti de centre droit au pouvoir, le Fine Gael, a élu à sa tête Leo Varadkar, jeune, métis et homosexuel, pour remplacer l’actuel chef du gouvernement, Enda Kenny, le 12 juin. Ce dernier avait annoncé, le 17 mai dernier, qu’il quittait son poste de Premier ministre, alors que son gouvernement était inquiété dans une affaire de corruption policière.
Leo Varadkar deviendra donc dans quelques jours le premier chef de gouvernement ouvertement homosexuel en Irlande et, à 38 ans, également le plus jeune. De père médecin indien et de mère infirmière irlandaise, qui se sont rencontrés dans un hôpital anglais, M. Varadkar est né en 1979 à Dublin. A 17 ans il adhère au Fine Gael et connait ensuite une ascension politique impressionnante : conseiller municipal à 25 ans, député à 28, le médecin de profession devient ensuite ministre quatre ans plus tard.
« Moins Trudeau que Trump », dit-on de lui dans son parti en référence au Premier ministre libéral canadien Justin Trudeau, Leo Varadkar, alors ministre de la protection sociale dans le gouvernement sortant, se fait remarquer par une défense acharnée de la politique d’austérité, qui le conduit notamment à faire la chasse aux fraudeurs. Réputé pour son franc-parler sans concession, ses prises de position économiques et sociales – en faveur des travailleurs « qui se lèvent tôt » par exemple – poussent d’ailleurs les observateurs politiques à le qualifier de « thatchérien ».
« Parti de l’Irlande unie »
Mais c’est en 2015 que le futur Premier ministre irlandais défraie la chronique. Quelques mois avant le référendum sur le mariage gay, il profite d’une interview à la radio publique RTE pour s’affirmer ouvertement homosexuel. Sans pour autant se reconnaitre quelque rôle sociétal que ce soit en faveur de la communauté LGBT. « Ce n’est pas quelque chose qui me définit, dira-t-il alors. Je ne suis pas un homme politique à moitié indien ou médecin ou gay. C’est seulement une partie de ce que je suis. » Ce qu’il ne veut surtout pas : « que les gens le voient ou le traitent différemment. »
Impossible pourtant de ne pas voir dans l’accession de M. Varadkar aux plus hautes fonctions de la République d’Irlande le signe d’une libéralisation des moeurs dans le pays, surtout en faveur des personnes homosexuelles. Largement dominée par l’Eglise catholique depuis son indépendance en 1922, l’Irlande a commencé à s’en émanciper dans les années 1990, alors que plusieurs scandales de « prêtres pédophiles » étaient révélés. En 1993, l’homosexualité est ensuite dépénalisée – onze ans après la France – et, si l’avortement n’est possible qu’en cas de risque vital pour la mère, l’Irlande est le premier pays à adopter le mariage pour couples de même sexe via référendum.
Mais le dossier le plus brûlant, pour Leo Varadkar, sera la gestion du Brexit, qui, une fois effectif, entrainera le rétablissement de la frontière entre les deux Irlande et éventuellement des droits de douanes avec le Royaume-Uni, son principal pays d’exportation. Si la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) devrait donc avoir des répercutions économiques sérieuses pour l’Irlande, elle a le mérite – ou l’inconvénient, c’est selon – de relancer le débat sur la réunification des deux Irlande. La Première ministre (unioniste) d’Irlande du Nord, Arlene Foster, a d’ailleurs été l’une des premières personnalités politiques à féliciter Leo Varadkar par téléphone. Le futur chef du gouvernement avait lui-même affiché la couleur en souhaitant que le Fine Gael, dont il est le nouveau leader, soit désigné « parti de l’Irlande unie ». Après la petite révolution, la grande ?
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