Le prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source ne devrait finalement voir le jour qu’en 2019. Il s’agit de revoir un mécanisme jugé trop complexe. Pourtant, partout ailleurs dans l’Union européenne, l’impôt est toujours retranché de la fiche de paie.
Le premier ministre Edouard Philippe vient finalement de repousser d’un an, au premier janvier 2019, l’application du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Initialement prévue pour début 2018, cette réforme étaient jugée par les patrons « mal préparée, précipitée et improvisée » et risquait d’entrainer une « catastrophe économique et organisationnelle pour les petites entreprises » peu disposées à jouer les percepteurs.
Depuis l’annonce de la réforme en 2015, les entreprises – notamment les PME – souhaitaient ne pas avoir à assumer le service après-vente de la direction des impôts et effectuer toutes les modification requises sur les fiches de paie de leurs salariés.
En outre, en ce début de quinquennat où il entend restaurer la confiance des citoyens, Emmanuel Macron redoutait l’effet psychologique d’une diminution du salaire net sur la fiche de paie.
Et puis, de nombreux représentants des contribuables s’inquiétaient des conséquences de cette individualisation de l’impôt sur le revenu notamment sur le système de quotient familial.
Une année « blanche » purement comptable
Toujours est-il que le premier ministre maintient la réforme en se contentant de la reporter pour en modifier les modalités de fonctionnement car, selon lui, elle permet « d’ajuster en temps réel la perception de l’impôt à l’évolution des revenus ».
De fait, si en 2018, les salariés vont donc payer comme d’habitude leurs impôts de 2017, dès janvier 2019, ils devraient payer chaque mois leur impôt en temps réel, c’est à dire sur leur revenu de cette même année 2019. 2018 sera donc une « année blanche » dans le sens où aucun impôt ne sera perçu au titre des revenus de l’année 2018.
Cela dit, il n’y aura pas d’année sans impôts. En 2018 on paiera pour 2017 et en 2019 pour 2019. L’année « blanche » est donc l’expression d’une réalité purement comptable.
De toute façon, au moment où le gouvernement se soucie de faire progresser le pouvoir d’achat, on imaginerait difficilement que la taxation des revenus 2018 soit étalée sur plusieurs années. C’est ce qui s’est pourtant fait dans deux pays – la Grande-Bretagne et les Pays-Bas – quand ils sont passés au prélèvement à la source.
L’impôt à la source partout en Europe
Tous les pays de l’Union européenne ont adopté cet impôt à la source. Et certains depuis longtemps en partant du principe qu’avoir un salaire doublement net, de charges sociales et d’impôts, c’est plus simple et plus clair, du moins en principe.
Mais ce prélèvement direct sur le revenu à la source peut devenir une usine à gaz si on veut prendre en compte les statuts particuliers de chaque contribuable.
Car lorsque l’on prélève les impôts sur les salaires, le plus simple est d’estimer que chacun paie individuellement des impôts en fonction de ses seuls revenus salariaux.
Il n’y a alors pas de modulation en fonction, par exemple, de la situation familiale des contribuables. Pas de quotient familial, c’est à dire pas de prise en compte du nombre d’enfants à charge.
Royaume-Uni : pas de prise en compte des enfants
Les Britanniques ont été jusqu’au bout de cette logique. Au Royaume-Uni, la notion de foyer fiscal est inconnue. Depuis 1944, année du passage au prélèvement à la source, les impôts sont déduits des salaires et sont calculés individuellement.
Etre marié ou avoir des enfants n’a donc aucune incidence sur le montant des impôts. Quant aux revenus hors salaires, comme les revenus locatifs ou les revenus de placements financiers, ils sont déclarés séparément par chaque contribuable.
Le premier pays à avoir imposé l’impôt à la source, c’est l’Allemagne. Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu remonte à 1808 en Prusse orientale. La Bavière a suivie en 1814 et il a été généralisé à l’ensemble de l’Allemagne en 1920.
Depuis, les employeurs sont chargés de prélever directement cet impôt sur le salaire de leurs salariés avant de le reverser aux administrations fiscales des Länder.
Allemagne : la religion révélée à l’entreprise
Mais dans le cas allemand, on tient compte de la situation familiale. Quand il est recruté, le salarié doit donner à son employeur sa « carte d’impôt » remise par l’administration.
Chose jugée peu acceptable en France, les employeurs savent ainsi tout sur la vie privée de leurs employés, notamment s’ils sont mariés, célibataires ou divorcés, le nombre d’enfants dont il a la charge et même leur… religion.
Car on paye également outre-Rhin un impôt du culte prélevé à la source. A moins de se déclarer athée, ce denier du culte obligatoire est prélevé par l’administration pour le compte de votre communauté religieuse.
Son montant est loin d’être symbolique: de 9 à 10% de l’impôt sur le revenu. Et il est difficile de frauder: un Français vivant à Berlin qui s’était déclaré sans religion a été rattrapé par l’Eglise allemande qui avait découvert qu’il avait été baptisé.
Quant aux revenus du capital, ils sont, eux aussi, prélevé à la source en Allemagne par les banques et autres organismes financiers.
Belgique : prélèvement + déclaration
Deux pays disposent d’un système assez complexe, c’est la Belgique et l’Italie. En Belgique, depuis 1962, on a mixé prélèvement à la source et calcul sur l’année antérieure.
Cette retenue fiscale différée porte le doux nom de « précompte professionnel ». Son montant est calculé en fonction de la situation familiale du salarié et cela prend en compte tous les revenus, y compris ceux du capital.
C’est le salarié qui déclare ses impôts, mais c’est à l’employeur de les prélever en les déduisant du salaire. Pour les professions libérales et indépendantes, c’est l’inverse. Les impôts sont alors perçus chaque trimestre par anticipation en fonction des revenus attendus de l’activité.
Italie : nombreuses déductions
Depuis 1973, l’impôt est retenu chaque mois sur les salaires en Italie, mais ces prélèvements sont ensuite déduits de l’impôt final déclaré individuellement par chaque Italien quelle que soit sa situation familiale.
En effet, comme au Royaume-Uni, la notion de foyer fiscal n’existe pas dans ce pays. Avec cependant une différence de taille, puisqu’en Italie de multiples déductions sont liées au nombre d’enfants pour chacun des parents.
C’est tellement compliqué que de nombreux contribuables doivent s’adresser à un fiscaliste, d’autant que les erreurs sont lourdement pénalisées alors que l’heure n’est plus du tout au laxisme fiscal dans la péninsule.