Alors que doit se tenir, le 15 juin prochain, un conseil des ministres des Affaires sociales, le gouvernement français souhaite aller plus loin que le projet de révision de la directive sur le travail détaché présenté par la Commission. Problème : les pays de l'Est, principaux bénéficiaires de la disposition, sont réfractaires à toute modification.
Il l’avait promis lors de la campagne présidentielle : Emmanuel Macron, désormais président de la République, entend bel et bien « refonder » l’Union européenne (UE). Et, si possible, en faveur des citoyens européens. D’après les informations du journal « le Monde », qui s’est procuré un document de travail du gouvernement français, celui-ci entend renforcer la lutte contre la fraude au détachement, alors que la révision de la directive sur le travail détaché est en discussion à Bruxelles depuis plus d’un an.
Adoptée en 1996, elle permet à un salarié, envoyé par son employeur dans un autre Etat membre afin d’y fournir un travail à titre temporaire, de conserver la couverture sociale de son pays d’origine. Problème : la disposition, selon ses détracteurs – au nombre desquels la France et l’Allemagne, principaux pays d’accueil de ces travailleurs -, faciliterait en réalité le « dumping social » entre entreprises.
En mars 2016, la Commission européenne avait donc décidé de revoir la loi européenne en la matière ; révision ensuite confirmée par Marianne Thyssen, la commissaire à l’emploi et aux affaires sociale, en juillet dernier. D’après le projet de révision, les travailleurs détachés seront rémunérés en tenant compte des avantages sociaux prévus par la législation du pays d’accueil – soit le salaire minimum, le « 13ème mois » ainsi que tous les bonus et primes liés aux conventions collectives et accords de branche. Madame Thyssen estimait alors que « les travailleurs détachés ne sont pas des travailleurs de seconde classe » et qu’il fallait ainsi s' »assurer que les règles sont justes pour tout le monde. »
« A travail égal, salaire égal »
C’est précisément cette philosophie que le gouvernement français entend appuyer, et même durcir. Selon une source tricolore proche du dossier, « les textes en discussion n’apportent pas de solutions satisfaisantes pour mieux lutter contre la fraude et les contournements ». En l’espèce, le projet de réforme discuté au Conseil prévoit qu’un « détachement » ne peut excéder vingt-quatre mois, après quoi les compteurs sont remis à zéro une fois que le salarié rentre dans son pays d’origine. Paris souhaiterait rapporter cette durée à douze mois sur une période de deux ans.
Le gouvernement français espère également renforcer les droits des travailleurs détachés. Pour ce faire, les indemnités de transport, d’hébergement et de repas doivent être intégrées dans leur revenu, alors qu’aujourd’hui, certains employeurs déduisent ces sommes de leur paie.
Cette refonte, qui part du principe qu' »à travail égal, salaire égal », n’est pas du goût des pays de l’Est, importants pourvoyeurs de travailleurs détachés. En 2016, la Pologne – Etat qui envoie le plus de salariés en France par exemple – ainsi que dix autres pays membres, afin de conserver leur « avantage compétitif », avaient tenté de s’opposer à la révision de la directive proposée par la Commission. Qui, pour être adoptée, doit recueillir la majorité qualifiée au sein du Conseil européen, soit 55 % des Etats membres représentant 65 % de la population.
Pas sûr, dès lors, que la volonté de durcissement de Paris soit vue d’un très bon oeil à l’Est. Le 15 juin prochain, alors qu’un conseil des ministre des affaires sociales doit se tenir à Luxembourg, les discussions promettent d’être âpres. Emmanuel Macron, pourtant, reste confiant : un accord devrait « être conclu » selon lui. Jusqu’ici, après tout, les planètes sont plus ou moins alignées, pour le président français.
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