Après son revers électoral de la semaine dernière, la Première ministre britannique a dû faire appel au DUP nord-irlandais pour obtenir une majorité à la Chambre des Communes. Theresa May devait d'ailleurs s'entretenir aujourd'hui avec Arlene Foster, la leader de ce parti aux positions légèrement encombrantes pour la cheffe du gouvernement.
Au lendemain de ce qui s’est avéré être un camouflet pour la Première ministre britannique, celle-ci ne s’est pas dégonflée et a formé, vendredi 9 juin dernier, un nouveau gouvernement. Alors que les élections législatives anticipées – dont Theresa May elle-même fut l’instigatrice – venaient de faire perdre aux Tories leur majorité absolue, la locataire du 10 Downing Street a annoncé qu’elle entendait désormais gouverner avec ses « amis et alliés » du Parti unioniste démocratique (DUP).
Si cette alliance est purement politicienne, elle n’en reste pas moins choquante pour un certain nombre d’observateurs, voire de politiques, parfois jusque dans le camp de Madame May. Le ministre de la Défense, Michael Fallon, a par exemple déclaré, ce week-end : « Soyons clairs, ce n’est pas parce que le DUP accepte de nous soutenir sur les questions économiques ou sécuritaires que nous sommes d’accord avec tout leur programme. »
Tout leur programme ? Le parti unioniste d’Irlande du Nord, réputé pour ses moeurs passéistes, est régulièrement taxé de racisme, de sexisme et même d’homophobie. Ses membres n’hésitent pas, d’ailleurs, à réciter leur credo quand ils le peuvent, comme Arlene Foster, leader du parti, qui en 2016 déclarait dans un entretient au « Guardian » : « Je ne veux pas que l’avortement soit aussi librement consenti comme il l’est en Angleterre. »
Vieux démons identitaires et confessionnels
Fondé en 1971 par Ian Paisley, pasteur presbytérien et homme politique irlandais, le DUP a toujours eu pour ligne de conduite l’intransigeance et a même flirté avec le paramilitaire lors de la période dite des « Troubles », entre 1969 et la fin des années 1990. Il s’agissait de maintenir les Irlandais nationalistes et républicains (catholiques) dans leur minorité et de faire perdurer la ségrégation confessionnelle dont ils étaient victimes. Durant trente ans, le DUP s’opposera constamment à toute résolution pacifique du conflit, et ira même jusqu’à se retirer des « Accords du vendredi saint », en 1998, qui entérinent le processus de paix en Irlande du Nord.
Dès le début des années 1970, le DUP, étroitement lié à l’Eglise presbytérienne libre de l’Ulster – un groupuscule évangélique et fondamentaliste -, adopte un positionnement anti-catholique et… anti-européen. Ian Paisley estime que les Communautés européennes sont un complot catholique pour dominer le continent et considère même le pape Jean-Paul II comme l’antéchrist, lorsque celui-ci vient au Parlement européen dans les années 1980.
La posture pro-Brexit du DUP – alors que la majorité des citoyens de l’Ulster (56 %) est contre la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) – n’est donc en rien surprenante. Pour ses dirigeants, elle doit permettre à l’Irlande du Nord de se rapprocher de Londres, même si, de l’autre côté, ils s’opposent au rétablissement de la frontière entre les deux Irlande. Car le Brexit, en faisant du rétablissement de la frontière entre l’Ulster et la République d’Irlande la porte d’entrée de l’UE, réveillerait selon eux les vieux démons identitaires et confessionnels irlandais.
Voilà dans quoi s’est engagée Theresa May en nouant alliance avec le DUP. Cette dernière aura cependant quelques jours de plus pour revoir sa copie. Le début des discussions sur le Brexit entre Bruxelles et Londres, initialement prévu le 19 juin, a été légèrement retardé, à la suite de ces législatives chaotiques pour les conservateurs.
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