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Pourquoi faut-il que l’UE intensifie ses relations avec l’Iran

lundi, 31 juillet, 2017 - 07:50

L'Iran fait plus que jamais partie des "Etats infréquentables" pour les Etats-Unis, qui viennent de prendre de nouvelles sanctions économiques à son encontre. Mais celles-ci ne doivent pas décourager les Européens, banques comme entreprises, d'investir dans l'économie iranienne ou de nouer des partenariats avec des groupes locaux.

Dans les relations internationales, il n’y a pas qu’en luttant de manière frontale avec un Etat que l’on peut s’opposer à lui. Parfois, prendre le contrepied parfait d’une de ses politiques peut suffire à marquer sa désapprobation à l’égard de celui-ci. Le rapprochement de l’Union européenne (UE) avec l’Iran, qui est en train de s’intensifier, à l’heure où les Etats-Unis affichent plus que jamais leur hostilité à la République islamique, pourrait-il être une manière pour Bruxelles de s’affranchir de Washington ?

« Traumatisme chez les banques françaises »

L’Accord sur le nucléaire conclu en juillet 2015, selon lequel Téhéran doit renoncer à posséder l’arme atomique contre la levée progressive des sanctions économiques à son encontre, n’a pas permis de solder le différend entre l’Iran et les Etats-Unis. Dernièrement, le gouvernement de Donald Trump, qui n’a jamais caché son aversion pour Téhéran, là où Barack Obama, son prédécesseur à la Maison Blanche, prônait plutôt la médiation, a même intensifié les sanctions à l’encontre de Téhéran.

Non seulement les entreprises américaines sont donc interdites de commercer sur le territoire iranien, mais, en raison de leur caractère extraterritorial, certaines sanctions s’appliquent également à toute entreprise étrangère qui commercerait en dollar avec l’Iran ou possédant des intérêts aux Etats-Unis. La BNP s’en souvient : la banque française s’était vue infliger en 2014 une amende record de près de 9 milliards de dollars, pour avoir eu recours à la monnaie américaine dans ses transactions avec l’Iran.

Une amende record qui avait « créé un vrai traumatisme chez les grosses banques française qui ne veulent pas risquer d’autres sanctions, d’autant que le marché iranien ne sera jamais comparable pour elles au marché américaine » estimait il y a quelques mois Matthieu Etourneau, directeur général du Centre français des affaires de Téhéran. Or, sans financement bancaire substantiel, un grand nombre d’entreprises – françaises mais pas que – ne peuvent toujours pas investir au sein de la République islamique.

Création d’une banque irano-européenne

Une situation assez ubuesque, voire paradoxale, lorsqu’on se souvient de l’invitation du secrétaire d’Etat américain, John Kerry, en avril 2016, à l’égard des banques et entreprises européennes, à « financer l’Iran ». Beaucoup d’Européens, d’ailleurs, disent vouloir oeuvrer pour que les banques reviennent ; l’Iran reste un très grand marché dans la région : il est l’un des rares pays stables – là où l’Afghanistan, le Pakistan et l’Irak, qui l’entourent, mais également la Syrie sont des théâtres de conflits ouverts – avec beaucoup de ressources, tant naturelles qu’humaines. L’ancienne Perse cache, en sous-sol, les quatrièmes réserves mondiales en pétrole et les secondes en gaz ; en surface, c’est un marché de 80 millions de personnes, éduquées et consuméristes.

Un potentiel à côté duquel ne veut clairement pas passer l’Europe, qui multiplie les partenariats avec le pays du président progressiste Hassan Rohani. Banca Popolare di Sondrio, petite banque italienne au service de Peugeot pour établir sa joint-venture en Iran, a lancé début juillet un nouveau service de transfert d’argent avec vingt banques iraniennes pour les entrepreneurs. La Saman Bank, banque privée téhéranaise créée en 2002, a également annoncé être capable de réaliser des transferts de fonds vers des établissements européens depuis son bureau de représentation à Rome. Enfin, la banque publique iranienne Sepah s’est déclarée prête à assurer le financement de projets d’investissement étrangers et de couvrir toute perte ou rupture de contrat.

En mars dernier, Ahmad Haji-Mohammadi, responsable des affaires internationales de la banque Sarmayeh, interrogé par l’agence de presse iranienne Mehr, annonçait même la future création d’une banque irano-européenne, dont le siège serait installé « dans un pays de l’UE ». Il s’agirait du tout premier établissement bancaire dont le capital serait détenu à la fois par des actionnaires européens et iraniens – à hauteur, respectivement, de 53 % et 47 %.

Les entreprises, hors secteur bancaire, commencent également à affluer en Iran, et ce malgré la pression constante des Etats-Unis. Début juillet, Total devenait ainsi la première major des hydrocarbures à revenir sur le sol iranien après la levée des sanctions internationales sur le nucléaire. La signature du contrat gazier – à hauteur de 5 milliards de dollars – était intervenue quelques jours seulement après la tournée européenne du ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Qui avait déclaré, après avoir rencontré Emmanuel Macron, le président allemand et le Premier ministre italien, que « l’UE reste engagée à l’égard de l’accord nucléaire et de l’entente constructive » avec l’Iran. Une invitation à approfondir les liens, autant économiques que diplomatiques.

Crédits photo : AFP/Behrouz Mehri

 


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