Après que les autorités libyennes ont interdit aux bateaux secourant les migrants d'approcher des côtes de leur pays, jeudi dernier, certaines ONG ont annoncé, ce weekend, qu'elles mettaient entre parenthèses leurs activités d'aide aux réfugiés.
« Les Etats européens et les autorités libyennes sont en train de mettre en oeuvre conjointement un barrage à la possibilité pour des personnes de chercher la sécurité. C’est une attaque inacceptable à la vie et à la dignité des personnes. » Loris De Filippi, président de Médecins sans frontières (MSF) Italie, ne mâche pas ses mots au moment d’expliquer pourquoi, dans un communiqué diffusé le 12 août, le Prudence, le plus gros des bateaux de secours d’ONG actifs au large de la Libye, ne sortira plus en mer Méditerranée.
Plusieurs ONG, dont MSF et l’organisation allemande Sea Eye, ont annoncé ce weekend qu’elles mettaient entre parenthèses leurs activités de secours aux migrants. En cause : une mesure prise par la marine libyenne, qui interdit aux embarcations, étrangères notamment, venant en aide aux réfugiés, d’approcher les côtes de la Libye, « sauf demande expresse de la part des autorités libyennes » a précisé le général Abdelhakim Bouhaliya, commandant de la base navale de Tripoli.
De son côté, le général Ayoub Kacem, porte-parole de la marine, a ajouté que cette décision était destinée aux « ONG qui prétendent vouloir sauver les migrants clandestins et mener des actions humanitaires ». « Par cette annonce, nous souhaitons envoyer un message clair à tous ceux qui portent atteinte à la souveraineté libyenne et manquent de respect aux garde-côtes et à la marine » a-t-il également précisé. A moins d' »obtenir l’autorisation de l’Etat libyen, même pour les opérations de secours », les ONG sont donc devenues personae non gratae.
Code de bonne conduite
Mardi 1er août dernier, déjà, l’Italie avait mis un frein aux activités des organisations, en adoptant un « code de bonne conduite » pour ordonner les opérations qui échappent au contrôle du ministère de l’Intérieur. Une mesure qui avait suscité l’ire des ONG, qui ont immédiatement accusé les autorités italiennes de vouloir les empêcher de faire leur travail ; seules trois organisations, sur les neuf qui sillonnent le Canal de Sicile, bras de mer entre la Sicile et la Tunisie, avaient donné leur accord à la mise en place d’un tel code.
Si le texte se contente de remettre au goût du jour certaines obligations déjà existantes – dont celle d’être localisable, l’interdiction d’entrer dans les eaux libyennes et le respect des consignes du Centre de coordination des secours en mer de Rome -, d’autres, plus problématiques, font tiquer les ONG. Comme, par exemple, l’interdiction des opérations de transbordement hors impératif humanitaire et, surtout, la présence de membres armés des forces de l’ordre italiennes à bord des bateaux.
Résultat : une ONG allemande, Jugend Rettet, s’est vu privée de son navire de secours en Méditerranée par les autorités italiennes, le 2 août dernier. La raison : l’organisation était accusée de « favoriser l’immigration clandestine » plutôt que de sauver les migrants. D’après les magistrats italiens, qui se basent sur des écoutes téléphoniques et des observations d’agents, les membres de l’ONG avaient des liens directs avec les trafiquants d’êtres humains qui sévissent sur les côtes libyennes. Coïncidence ou non, Jugend Rettet avait indiqué peu avant qu’elle refusait de signer le code de bonne conduite édicté par Rome.