Sénatoriales françaises : Emmanuel Macron vient-il de connaitre son premier échec ?

La République en marche est sortie légèrement bredouille des sénatoriales partielles de dimanche dernier, qui ont au contraire renforcé la majorité de la droite et du centre au Palais du Luxembourg. Emmanuel Macron devra compter sur les élus les plus "constructivistes" pour faire passer les lois ordinaires et, surtout, réformer la Constitution, ce qu'il compte faire en juillet prochain.
Le président de la République, en quelques jours, a connu ce que l’on appelle un ascenseur émotionnel. Grisé par la signature des ordonnances réformant le code du travail – dont certaines sont entrées en vigueur hier -, parachevant ainsi quatre mois de concertation plus technique que politique sur le sujet, le résultat des élections partielles au Sénat, dimanche, a sacrément contrarié Emmanuel Macron. Après des législatives remportées haut la main en juin dernier, La République en marche (LRM) n’a pas réussi à rééditer l’exploit au Palais du Luxembourg, où 171 sièges – sur un total de 348 – devaient être renouvelés.
La droite – Les Républicains (LR) et les centristes – renforce sa majorité : le groupe LR pourrait compter 159 sénateurs alors qu’ils n’étaient que 142 avant dimanche ; les seconds passent de 42 à 50 sièges. Le Parti socialiste (PS) devrait sans doute avoir 70 sénateurs et sauverait ainsi les meubles – ils étaient 86 avant le scrutin -, contrairement aux dernières législatives où ils ont essuyé une débâcle historique. Le parti présidentiel, quant à lui, devait renouveler 19 des 29 sièges qu’il possédait ; il ressort des élections avec, au total, 25 sénateurs et une quatrième place décevante.
« Les tractations ne font que commencer »
Les responsables politiques LRM s’en défendent, pourtant le semi-échec de dimanche fait tâche dans le parcours (presque) sans faute d’Emmanuel Macron depuis qu’il est au pouvoir. François Patriat, président du groupe au Sénat, estime que la contre-performance s’explique par l’absence d’élus locaux estampillés La République en marche – le parti a été créé après les dernières municipales de 2014. Or, les « grands électeurs » qui élisent les sénateurs sont composés en grande partie par ces élus locaux.
D’ailleurs, le chef de l’Etat n’avait pas fait du scrutin une priorité nationale. « LRM n’a jamais envisagé de décrocher la majorité au Sénat, la marche était beaucoup trop haute » estime Nicolas Chapuis, chef du service politique au Monde. « En revanche, ils voulaient réaliser un meilleur score et être la deuxième force de l’assemblée. Pour le vote des lois ordinaires, cet échec n’est pas réellement un souci pour M. Macron. En cas de désaccord entre les deux assemblées, c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mort par rapport au Sénat ».
L’enjeu était plutôt de se rapprocher des « trois cinquièmes » nécessaires pour réformer la Constitution – ce que le président a prévu de faire en juillet prochain. « Il faut d’abord que les deux assemblées votent un texte dans les mêmes termes, puis celui-ci est soumis au vote du Congrès » ajoute Nicolas Chapuis. « Il n’est adopté que s’il emporte au moins 3/5 des voix, soit 555 parlementaires sur les 925. Avec ce mauvais résultat, Emmanuel Macron s’en éloigne. » Il pourrait cependant contourner le Congrès et faire appel directement aux citoyens en organisant un référendum, comme la Constitution le prévoit.
A moins que le chef de l’Etat ne tente des rapprochements avec les plus « constructifs » des élus de droite et du centre – qui devraient se maintenir dans la majorité sénatoriale avec LR -, voire avec des radicaux ou des socialistes. « Au Sénat, les tractations ne font que commencer » note Nicolas Chapuis. « Dans la semaine, on peut assister à des ralliements d’élus « divers gauche » ou « divers droite ». Une partie des élus [socialistes] sont « Macron-compatibles » ». C’est sans doute cette solution « constructiviste » que choisira le président de la République. Le prix politique à payer en cas d’échec lors d’un référendum – qui est, ni plus ni moins, la voix du peuple – est connu. Et Emmanuel Macron n’accepterait sans doute pas un deuxième revers en un an.