Depuis plusieurs années, le projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique), qui prévoit de stocker à Bure (Meuse) les déchets nucléaires les plus radioactifs, donne matière à débat, alors même que le dépôt de demande d'autorisation de construction vient d’être reporté à mi-2019. À regarder le travail réalisé chez certains voisins européens, le problème semble très "français"…
Depuis plusieurs années, le projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique), qui prévoit de stocker à Bure (Meuse) les déchets nucléaires les plus radioactifs, donne matière à débat, alors même que le dépôt de demande d’autorisation de construction vient d’être reporté à mi-2019. À regarder le travail réalisé chez certains voisins européens, le problème semble très « français »…
Petit rappel de la situation du stockage nucléaire en France
Le sujet du nucléaire en France, en partie sur la gestion des déchets à haute activité, anime la vie politique et sociétale depuis de longues années. Il y a plus de 20 ans, le petit village de Bure a été ciblé pour y implanter à 500 mètres de profondeur un grand projet de stockage géologique des déchets radioactifs les plus encombrants. Mis en œuvre par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), il porte le nom de Cigéo.
En 2006, les députés français ont voté une loi favorisant un enfouissement en profondeur à l’horizon 2030. Elle inclut la réversibilité, de quoi rassurer les générations futures qui garderont la main sur cet épineux terrain. Cette décision prise à l’époque indique que le stockage en couche géologique profonde est une solution de gestion à la fois pérenne et durable.
Quel est son principe ? Il consiste à déposer les colis de déchets dans un milieu géologique imperméable et favorable comme l’est le site de Bure. Ils doivent être implantés à une profondeur minimale d’au moins 200 m pour éviter de subir les effets de l’érosion. Techniquement, le stockage est complexe : il repose sur une superposition de barrières naturelles et artificielles qui s’opposent à l’arrivée de l’eau sur les déchets et empêchent la dispersion des substances radioactives.
Deux catégories de déchets sont concernées : ceux appelés de moyenne activité à vie longue (MA/VL) et ceux de haute activité à vie longue (HA/VL). Ils sont principalement issus du traitement des combustibles utilisés dans les centrales et réacteurs nucléaires.
À l’étranger, les projets de stockage avancent
Les déchets MA/VL et HA/VL sont aujourd’hui entreposés de manière sécurisée mais provisoire. L’enjeu majeur pour les pays producteurs de nucléaire est, donc, de créer des installations fiables et durables et le système de stockage géologique incarne, sans nul doute, l’avenir. A l’étranger, si aucune installation n’a encore été mise en service, les projets avancent nettement plus rapidement qu’en France. C’est le cas, par exemple, en Finlande où une demande d’autorisation de création d’un stockage de combustibles usés dans le granite a été formulée pour le site d’Onkalo.
Accompagné d’un laboratoire souterrain qui est en cours de construction, il serait mis en service entre 2020 et 2025. Ce serait une première mondiale pour un projet colossal qui prendra près d’un siècle ! Les milliers de tonnes de déchets radioactifs resteront ensuite enfermés à 450 mètres de profondeur durant près de 100 000 ans. En Suède, les choses avancent également sur deux sites granitiques, Östhammar et Oskarshamn. Pour le premier, une demande d’autorisation de construction a été déposée en 2011 pour une mise en service entre 2020 et 2025 ; pour le second, des tests sont encore en cours mais son gigantesque laboratoire nommé l’Äspö Hard Rock Laboratory continue d’élaborer depuis 1995 les meilleures technologies de stockage.
Le projet Cigéo avance malgré une vague contestataire
Du côté de la Belgique ou de la France, les choses trainent en longueur. Tous deux ont opté pour des technologies différentes. Les conteneurs en acier inoxydable seront logés dans des couches d’argile beaucoup plus imperméables à l’eau que le sol granitique de Finlande ou de Suède. Si ce choix est respectable, il n’empêche que le projet Cigéo reste malmené par l’opposition des associations zadistes et ONG « anti-nucléaire » qui défendent un stockage en surface. Pourtant, il pourrait accueillir à terme environ 10 000 m3 de déchets HA/VL et 73 500 m3 de déchets MA/VL… L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) s’est déclaré favorable à un stockage dans la couche d’argile mais il existe des ralentissements dans le processus.
Le 15 août 2017, des heurts ont éclaté à Bure lors d’une manifestation contre le projet Cigéo. Les personnes mobilisées s’inquiètent des incertitudes concernant le comportement de déchets hautement inflammables en cas d’élévation de température, sans pour cela proposer de meilleure solution… Mais, si des tests sont encore en cours, tout porte à croire que cette technologie de stockage géologique est l’un des moyens les plus fiables pour faire disparaître les déchets les plus hautement sensibles.
Si le débat reste encore vif en France il serait, peut-être, temps de s’inspirer également du savoir-faire scandinave en matière d’application des lois. Car le temps se perd : au mois d’août dernier, l’Andra a précisé que les demandes d’autorisation de construction et de déclaration d’utilité publique seraient finalement décalées à 2019…