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Les nations d’Europe ne sont pas forcément indivisibles

mercredi, 11 octobre, 2017 - 17:19

L’imbroglio catalan peut notamment s’expliquer par la rigidité de la constitution espagnole. Ailleurs, les autres constitutions garantissent aussi, à des degrés divers, l’indivisibilité de la nation. Mais ce n’est le cas ni en Belgique, ni en Allemagne, ni au Royaume-Uni

Mardi dernier, le Président de la Catalogne Carles Puigdemont a annoncé l’indépendance de la région tout en différant sa proclamation formelle pour laisser le temps au dialogue.

A ce stade, le gouvernement espagnol a choisi de temporiser en demandant s’il y avait eu ou non proclamation de l’indépendance mais on ne voit guère Madrid accepter de négocier sur la base de l’indépendance.

D’abord parce que le référendum organisé le 1er octobre n’avait aucun fondement légal et qu’il s’est déroulé dans des conditions très confuses. Ensuite et surtout parce que la démarche du gouvernement catalan est contraire à la constitution que les Espagnols se sont donné en 1978 et qui garantit l’unité de l’Espagne.

Espagne : une constitution qui verrouille

Dans son article 2, celle-ci stipule que « la constitution est fondée sur l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols ». On ne saurait être plus clair.

Et le cas de la sécession est même implicitement prévu par l’article 155 que Madrid envisage d’utiliser : « si une Communauté autonome (…) agit de façon à porter gravement atteinte à l’intérêt général de l’Espagne, le Gouvernement (…) pourra, avec l’approbation de la majorité absolue du Sénat, prendre les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter ces obligations ».

Comme partout, une constitution peut être révisée mais, en Espagne, cette révision n’est pas simple puisqu’elle exige une majorité des 3/5ème dans chacune des deux chambres du Parlement ainsi qu’une ratification par référendum.

France : l’intégrité du territoire érigée en dogme

La révision semble même plus compliquée en Espagne qu’en France où seule la majorité simple est exigée à l’Assemblée et au sénat s’il doit y avoir référendum. Quant à la deuxième option de révision, elle implique un vote à la majorité des trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès. Donc, dans les deux cas, la révision est plus facile qu’en Espagne.

Cela dit, la France est encore davantage obsédée par la défense de son unité territoriale. Le premier article de la constitution française pose que « la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale  ». Le mot « indivisible » est placé en premier !

De surcroit, impossible de modifier cette indivisibilité puisqu’ « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Bref, si la Bretagne veut être indépendante, on doit changer de constitution !

Italie : une constitution facilement amendable

Selon l’article 5 de sa constitution adoptée en 1948, l’Italie est « une république une et indivisible ». Ce caractère semble cependant moins fondamental qu’en France puisque, dans son article 1, la constitution italienne pose d’abord que « l’Italie est une république démocratique fondée sur le travail ».

En outre, la révision est plus simple en Italie puisqu’elle n’exige que la majorité de chacune des deux chambres assortie d’un référendum si 1/5ème des membres d’une chambre ou bien 800.000 électeurs en font la demande. En résumé, sur un plan juridique, une indépendance de la Vénétie serait plus simple qu’une indépendance de la Catalogne ou de la Corse.

Belgique : pas d’indivisibilité

Mais d’autres constitutions sont plus laxistes encore. Par exemple en Belgique, « Etat fédéral qui se compose de communautés et de régions ». Une formulation qui interdit logiquement toute affirmation d’unicité du pays.

Toutefois, l’article 91 de la constitution précise que « le roi jure d’observer la constitution et de maintenir l’intégrité du territoire ». Mais notons qu’il ne s’agit là que d’un engagement du monarque à son investiture et non d’une obligation constitutionnelle. Donc, si par exemple la Flandre faisait sécession, Bruxelles ne pourrait formellement déclarer cet acte inconstitutionnel.

Allemagne : plurielle et divisible

Outre Rhin, la loi fondamentale de 1949 pose en préambule que les seize länder allemands « ont parachevé l’unité et la liberté de l’Allemagne par une libre autodétermination », la république fédérale d’Allemagne étant, précise l’article 20, « un Etat fédéral, démocratique et social ».

Donc, ni unicité, ni indivisibilité contrairement à la France, l’Italie ou l’Espagne. En fait, la loi fondamentale allemande se préoccupe de ce qui se passe au sein des länder et non pas de la nécessité de maintenir ensemble tous ces länder. L’article 73 pose en effet que « l’ordre constitutionnel des länder doit être conforme aux principes d’un Etat de droit, républicain, démocratique et social ».

En somme, on pourrait dire que la Bavière peut quitter la fédération à condition qu’elle ne rétablisse pas la monarchie des Wittelsbach…

Royaume-Uni : le non dit absolu

Ni constitution, ni même de loi fondamentale outre-Manche où les règles organisant la nation sont largement coutumières et s’appuient sur de grands textes de référence historiques comme la Grande Charte de 1215, le « Bill of Rights » de 1689, l’Acte d’Union de l’Angleterre et de l’Ecosse de 1707 ou encore le « Scotland Act » de 1998 qui met en place un Parlement et un gouvernement en Ecosse.

Les seuls principes écrits (Scotland Act) précisent que le Parlement écossais ne peut amender l’Acte d’Union de 1707 et qu’il ne peut légiférer sur les matières réservées au Parlement de Westminster qui reste « souverain ».

Rien n’est donc prévu pour la sécession éventuelle de l’une des nations constitutives du Royaume et l’on comprend mieux que le référendum d’indépendance de l’Ecosse de 2014 se soit tenu en accord avec Londres, le gouvernement britannique n’ayant aucune base juridique pour s’y opposer.

Rien à voir donc avec l’Espagne et la Catalogne.


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