Le scandale Weinstein n’en finit pas de faire des vagues dans le monde entier. Les pays européens ont tous renforcé les mesures pour lutter contre ce fléau même s’ils sont diversement touchés.
Après la révélation des multiples agressions sexuelles perpétrées par le producteur de cinéma américain Harvey Weinstein, les dénonciations de viols, tentatives de viol ou de harcèlement sexuel se multiplient, notamment en France via le hashtag « balancetonporc ».
L’ensemble des pays de la planète est concerné par ce fléau et, notamment, bien sûr, l’Europe. Le phénomène n’a cependant pas la même intensité selon les pays et les législations destinées à l’enrayer diffèrent.
Un phénomène de grande ampleur en France
En ce qui concerne France, l’enquête de l’Ined de 2016 sur la violence et les rapports de genres évalue à 65.000 le nombre de viols et tentatives de viols qui se sont produits dans les douze mois précédant l’enquête.
Des chiffres qui, il faut le souligner, n’ont rien à voir avec les quelques 12.000 viols seulement déclarés à la police. Quant aux autres agressions sexuelles, elles concernent 630.000 Français, soit 1,3% de la population de plus de 20 ans. Mais attention, ces chiffres ne prennent pas en compte le harcèlement sexuel qui est d’une toute autre ampleur.
Rappelons que, selon la loi, ce harcèlement consiste à « imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle portant atteinte à sa dignité ou créant une situation intimidante, hostile ou offensante ».
Si l’on se réfère à l’enquête 2014 de l’Agence européenne pour les droits fondamentaux, 30% des femmes françaises déclarent avoir subi un harcèlement sexuel dans les douze derniers mois et 75% – les trois quarts ! – l’ont subi au cours de leur vie. En la matière, la France est malheureusement dans le haut du tableau européen, à la troisième place, pour ce qui est du harcèlement subi à partir de l’âge de 15 ans.
La Scandinavie bien plus touchée que les pays du sud
Seuls la Suède et le Danemark font pire, avec 80% de femmes déclarant avoir été sexuellement harcelées. L’Allemagne et la Belgique sont à 60%. L’Italie ou l’Espagne autour de 50% et le Portugal ou les pays de l’Est européen encore beaucoup plus bas.
Cette sur-prégnance du harcèlement en Scandinavie – qui peut surprendre – reflète un double phénomène. D’une part, les sociétés du nord, de loin les plus avancées en matière d’égalité hommes-femmes, sont beaucoup moins tolérantes aux agressions à caractère sexuel. Ce qui est ressenti comme un harcèlement par une suédoise ne le sera pas forcément par une italienne.
Mais, d’autre part, les femmes scandinaves, sont davantage intégrées dans la société au niveau des loisirs et surtout du travail puisque, selon l’Organisation Mondiale du Travail, elles sont actives à 61% en Suède et seulement à 39% en Italie. Elles sont donc plus exposées que les femmes méditerranéennes.
Renforcement de la législation
La secrétaire d’Etat chargée de l’égalité hommes-femmes Marlène Schiappa vient d’annoncer pour 2018 une loi sur les violences sexistes destinée à renforcer la prévention et aggraver les sanctions.
Cette annonce est pour l’instant une initiative isolée en Europe. Mais plusieurs pays ont, récemment, renforcé leur législation sur les atteintes à caractère sexuel. Notamment l’Allemagne, la Belgique, le Portugal et le Royaume-Uni. De ce fait, à certains égards, la France paraît en retard.
La question de la prescription
Et notamment, jusqu’à cette année, elle l’était en matière de prescription du délit de harcèlement sexuel puisque l’on ne pouvait porter plainte que dans un délai de trois ans après les faits.
Or, en Allemagne, Belgique, Italie ou Espagne, ce délai est de cinq ans et, s’il est de trois ans en Angleterre, le juge peut décider d’allonger la durée de prescription.
Cela dit, depuis une loi de février 2017, la prescription de la plainte pour harcèlement en France a été portée à six ans.
Pas d’âge du consentement sexuel en France
La France est également en retard en termes de consentement sexuel. Un récent jugement du tribunal de Pontoise a beaucoup choqué en refusant de qualifier en « viol » l’acte sexuel perpétré sur une mineure de onze ans au motif qu’elle était consentante.
Comme partout, il y a en France un âge de la majorité sexuelle, c’est à dire l’âge au delà duquel un adulte n’est plus pénalement répréhensible pour une relation sexuelle avec un mineur. Cet âge est de 15 ans en France, comme en Suède ou au Danemark, il est de 14 ans en Allemagne ou en Italie et de 16 ans au Royaume-Uni, en Espagne ou en Belgique.
Mais, dans la plupart des pays (sauf en Espagne ou en Belgique ou cet âge est minoré), l’âge de la majorité sexuelle est également l’âge au dessous duquel il y a présomption de non-consentement du mineur. Il ne peut donc y avoir de relation sexuelle consentie. Or ce n’est pas le cas en France et la prochaine loi envisage donc d’édicter, comme chez nos voisins, un âge du consentement, à 13 ou 15 ans.
Le casse-tête du harcèlement de rue
Aujourd’hui difficilement identifié, ce type de harcèlement pourrait faire l’objet d’une procédure de verbalisation dans la prochaine loi. Mais l’on se heurte à deux types de difficultés.
D’abord, la notion de « répétition » de l’acte n’est pas évidente sur la voie publique où, par exemple, les réflexions déplacées sont la plupart du temps énoncées une seule fois.
Mais surtout, il y a la question de la preuve à fournir au fonctionnaire de police qui n’a pu constater un flagrant délit. En 2014, la Belgique a adopté une loi prévoyant de réprimer le harcèlement de rue. Manifestement sans succès puisque seulement trois plaintes ont été enregistrées à ce titre en 2015 !