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Les pays européens divisés sur la sortie du nucléaire

mercredi, 15 novembre, 2017 - 17:06

Alors que la France repousse ses objectifs de réduction du nucléaire et que l’Allemagne gère difficilement son processus de sortie, les Etats européens se divisent entre ceux qui n’ont pas de production nucléaire, ceux qui veulent l’abandonner et ceux qui veulent la développer.

Capitulation ou réalisme ? L’annonce le 8 novembre par le ministre de l’environnement Nicolas Hulot de l’abandon de l’objectif de réduction à 50% en 2025 de la part du nucléaire dans la production française d’électricité suscite des commentaires passionnés.

La nouvelle constitue en tout cas un revers pour la stratégie énergétique française dont la loi sur la transition énergétique de 2015 était censée fixer le cap.

La désastreuse gouvernance française

L’objectif de 50% en 2025 pouvait paraître encore réaliste lorsqu’il a été fixé en 2012 par François Hollande. Mais il ne l’est plus en 2017, alors qu’en cinq ans pratiquement rien n’a été fait, pas même la fermeture d’un seul des 58 réacteurs français. L’annonce de Nicolas Hulot sanctionne donc une désastreuse gouvernance française, le pays restant le champion du monde du nucléaire.

Même repoussé à 2030 ou 2035, l’objectif de 50% demeure ambitieux puisque l’atome produisait encore en 2016 72% de l’électricité nationale, contre seulement 19% pour les énergies renouvelables et 9% pour les énergies fossiles. La France reste donc ultra-dépendante du nucléaire.

En même temps, elle est vertueuse en terme d’émission de CO2 puisque le nucléaire n’en émet pas. Pour produire une même quantité d’électricité, notre voisin allemand émet six fois plus de CO2 !

Diversité européenne

L’examen des stratégies nucléaires des Etats-membres de l’Union européenne fait apparaître une extrême diversité. Treize Etats de l’Union ne produisent pas ou plus d’électricité d’origine nucléaire. Certains en sont sorti il y a longtemps comme l’Italie, ou plus récemment comme les pays baltes.

D’autres, Irlande, Danemark ou Autriche, par exemple, ont renoncé depuis des décennies à mener à bien un programme nucléaire de production. Enfin certains ne se sont jamais lancé mais ont décidé de le faire, comme la Pologne.

Restent donc quinze pays producteurs d’électricité nucléaire. Mais trois d’entre eux ont décidé d’en sortir : la Belgique, l’Espagne et, bien sûr, l’Allemagne.

Le dilemme allemand

A la différence de la France, l’objectif fixé en 2011 par Angela Merkel après Fukushima d’un arrêt définitif de toute production en 2022 devrait être tenu puisque 8 des 17 réacteurs initiaux sont déjà arrêtés. Et la production d’électricité d’origine nucléaire est revenue de 22% en 2010 à 14% en 2016.

Mais bien que la part des énergies renouvelables atteigne désormais 30% outre-Rhin, celle du charbon a été dans un premier temps accrue et génère encore 42% de la production électrique. Résultat, l’Allemagne reste un gros pollueur et elle aura du mal à respecter ses objectifs climatiques.

Cela montre la complexité de la transition énergétique. L’énergie renouvelable issue de l’éolien ou du solaire est intermittente et coûte cher à stocker. Du coup, il faut recourir de nouveau aux énergies fossiles pour éviter une flambée des prix.

Espagne et Belgique repoussent la fermeture des centrales

Ces difficultés ont eu pour effet de calmer l’enthousiasme des adeptes de la fin du nucléaire. Ainsi l’Espagne qui, dès 1984, avait déclaré un moratoire sur la construction de nouveaux réacteurs se trouve actuellement dans la nécessité de repousser la fermeture de certains de ses sept réacteurs qui produisent 21% de l’électricité nationale. Cela malgré le fait que les renouvelables concourent pour 35% à la production électrique.

La situation est similaire en Belgique : la sortie progressive du nucléaire est programmée depuis 2003 mais la vie des centrales a été prolongée jusqu’à 2025. Sans être au niveau français, l’électricité belge dépend à 55% du nucléaire.

Royaume-Uni : un objectif de développement du nucléaire

A l’inverse, d’autres pays continuent à miser résolument sur l’atome civil. C’est le cas de plusieurs pays de l’Est comme la République tchèque, la Hongrie ou la Slovaquie. Mais également de pays occidentaux. En particulier le Royaume-Uni.

Après les années d’hésitations travaillistes, le gouvernement conservateur a opté résolument pour, non seulement poursuivre, mais encore développer le nucléaire civil qui assure 17% de la production électrique. Les 16 réacteurs en fonction seront progressivement remplacés et l’objectif est d’atteindre en 2035 un tiers d’électricité d’origine nucléaire.

Suède et Finlande : un mix nucléaire/renouvelables

Un pays en pointe du combat climatique, comme la Suède, longtemps « nucléaro-sceptique », est redevenue depuis 2009 un adepte résolu de l’atome. Les 9 réacteurs en fonction produisent 42% de l’électricité du pays et la construction de dix nouveaux réacteurs est programmée.

En outre, pour soutenir la compétitivité du nucléaire, les taxes sur l’électricité vont être diminuées en 2019. Cette stratégie pro-nucléaire explique que la Suède soit un champion de l’électricité dé-carbonée puisque, grâce à l’apport de l’hydroélectricité et de l’éolien, la production d’origine fossile n’est plus que de 1%.

En Finlande, le schéma est assez similaire même si l’électricité d’origine nucléaire ne représente que 32% et les combustibles fossiles encore 15%.

Une problématique complexe

La sortie rapide du nucléaire n’est donc pas la seule option sur la table. On peut en effet estimer, comme les Scandinaves, qu’il est plus urgent de limiter le réchauffement climatique que de se prémunir contre un risque nucléaire aléatoire que les futurs progrès technologiques devraient contribuer à réduire.

L’autre défi non résolu est de faire en sorte que les énergies renouvelables produisent de l’énergie disponible, ce qui est loin d’être le cas de l’éolien, de l’hydrolien ou du photovoltaïque. Car ces sources d’énergie restent intermittentes en attendant, là aussi, des sauts en avant technologiques. Les partisans d’une « dénucléarisation » très progressive jouent donc de ces arguments pour retarder l’arrêt des centrales.


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