Avec l'arrivée de l'hiver, la menace d'un black-out suite à un pic de consommation revient chaque année sur le tapis. Dans un rapport, RTE se montre plutôt confiant quant aux ressources énergétiques de la France.
Qui dit baisse des températures, dit hausse de la demande en chauffage électrique. Et donc inquiétude d’une partie de la population française, qui n’a plus connu de coupure générale d’électricité depuis 1979. Afin de rassurer les ménages, RTE (Réseau de transport d’électricité) a émis, le 7 novembre dernier, son avis sur la situation énergétique de la France à l’approche de l’hiver, qu’il juge « un peu moins difficile », voire « plus confortable » que l’an dernier. Selon l’opérateur, le système électrique français ne devrait pas rencontrer de problèmes particuliers si les températures restent conformes aux normales saisonnières. Malgré la fermeture de ses dernières tranches de fioul à Cordemais (Loire-Atlantique) et Porcheville (Yvelines) ainsi que celle d’une dizaine de centrales à charbon ces dernières années ‒ soit près de 8000 MW de capacité en moins ‒, RTE affiche une relative confiance. Ses arguments ? EDF tablerait sur l’indisponibilité de seulement trois à quatre de ses 58 réacteurs nucléaires, et le niveau de l’eau dans les barrages hydroélectriques se situerait dans la moyenne de ces dernières années.
« Nous ne disposons plus de surcapacités, précise toutefois Olivier Grabette, membre du directoire de RTE. Notre parc est ajusté aux besoins. » RTE reconnaît ainsi que la situation deviendrait tendue si les températures venaient à tomber cinq degrés sous les moyennes de saison. Le recours à de coûteuses importations serait alors incontournable. En cas de grand froid, des mesures exceptionnelles de restrictions pourraient même être prises comme des « appels aux gestes citoyens » pour limiter la consommation individuelle (quelques gestes simples : décaler l’utilisation des appareils électroménagers comme les machines à laver aux heures creuses (22h-6h), éteindre les lumières inutiles, ou débrancher les appareils en veille comme la télévision), des coupures temporaires d’électricité dans des entreprises volontaires, voire une baisse de tension de 5 %.
Chute du mercure, et après ?
Si l’avis de RTE était particulièrement attendu cette année, c’est parce que la France a échappé de peu à une catastrophe électrique l’hiver dernier, selon le comité central d’entreprise (CCE) d’EDF. Le 25 janvier 2017 à 19 h, alors que les températures étaient normales pour la saison, la marge de disponibilité s’élevait seulement à 1 000 MW, soit à peine 1 % de sa capacité totale de production, selon Virginie Neumayer, membre du CCE. En cas de chute du mercure ou d’un quelconque incident sur une centrale, une partie du pays aurait pu être plongée dans le noir, dénoncent les principaux syndicats d’EDF. « Si on a failli ne pas passer 2017, que fera-t-on avec un hiver comme celui de 1956 ? », interroge l’Institut Énergie Développement (IED), qui a réalisé une expertise pour le CCE de l’électricien français. « Des coupures d’électricité vont certainement se produire cet hiver », prédit Virginie Neumayer. « Si nous connaissons une vague de froid importante, nous aurons du mal à faire face à la demande électrique, confirme Jean-Luc Magnaval, secrétaire général du CCE. […] Nous avons l’impression que pour beaucoup, la transition énergétique se résume à arrêter le charbon et faire baisser le nucléaire. C’est un peu court et cela ne résout pas les problèmes posés par les énergies intermittentes et nous aurons toujours besoin de moyens de production pilotables. »
Selon le CCE, il faudrait « engager sans tarder » la construction d’unités de production thermiques propres comme des centrales à gaz ou à charbon captant le CO2, de réacteurs nucléaires de type EPR nouveau modèle, ainsi que d’installations hydroélectriques comme les stations d’énergie par pompage et turbinage (STEP), dont le potentiel est évalué à 6 000 MW. Autant de moyens mobilisables en quelques minutes, comme le futur EPR de Flamanville (Manche), qui devrait apporter 1 650 MW supplémentaires d’ici l’an prochain, soit près d’1,5 % de la puissance installée française. Assez pour prévenir les ruptures d’électricité lors des hivers rigoureux ? Oui, selon RTE, qui dans l’un de ses scénarios à l’horizon 2035 prévoit qu’il est possible de fermer 16 réacteurs nucléaires sans crainte de coupure de courant, ni construction de centrales thermiques. Non, à en croire les pro-nucléaires, qui à l’inverse condamnent l’augmentation des ressources intermittentes issues des énergies renouvelables, insuffisantes selon eux pour compenser la baisse programmée de la part nucléaire dans le mix électrique français.