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Stop aux financements dans les énergies fossiles

mardi, 12 décembre, 2017 - 14:06

Le modèle énergétique français se caractérise par son ambition et ses efforts pour une production « décarbonée ». Pourtant, faute de financements, d’une vision transversale et à cause de mesures contreproductives, le pays pourrait ne pas atteindre ses objectifs de dévalement durable.

Deux ans après l’adoption de l’Accord de Paris, la France a accueilli le « One Summit Planet » le 12 décembre 2017, co-organisé avec l’ONU et la Banque mondiale. Ce sommet a été proposé par le président Emmanuel Macron après l’annonce par Donald Trump du retrait américain de l’Accord de Paris sur le climat. Tenu sur l’île Seguin, à l’ouest de la capitale, il était consacré au sujet-clé du financement des énergies – en particulier des énergies renouvelables. Il était structuré autour de quatre tables rondes : comment soutenir la transition énergétique des territoires, avancer vers l’économie bas carbone et l’adaptation au changement climatique, mobiliser les financements publics, verdir la finance privée ?

Dans ce contexte, la coalition Pas un euro de plus pour les énergies du passé, qui regroupe des personnalités du monde économique, scientifique et politique, a appelé à un « pacte finance-climat européen ». Dans une tribune publiée le 7 décembre 2017, le collectif demande la fin des investissements dans la production des énergies et infrastructures fossiles pour les orienter vers les énergies renouvelables. « Nous, citoyens d’Europe et citoyens du monde associés dans une même communauté de destins, n’acceptons pas que l’humanité se dirige, sans réagir, vers le chaos climatique » interpelle le texte. L’initiative vise à mobiliser un « vrai budget » pour la recherche (stockage de l’énergie, transports…).

Le financement des initiatives visant à renforcer l’efficacité des énergies renouvelables est d’autant plus crucial que les tarifs règlementés du gaz ne cessent d’augmenter (+1,2% en octobre et +2,6% en novembre). Dans un communiqué, la Commission de régulation de l’Energie (CRE) a annoncé une nouvelle hausse de 2,6% au mois de décembre. En outre, le système de réglementation tarifaire – qui rend le recours au gaz avantageux pour le consommateur – est actuellement en sursis. Le 19 juillet dernier, le Conseil d’État a en effet estimé que ces tarifs réglementés étaient « contraires au droit européen », ouvrant ainsi la voie à leur suppression – on parle d’une période de transition de deux à quatre ans.

Des investissements qui pourraient être alloués au secteur du bâtiment

Fin novembre, le président du SER (Syndicat des énergies renouvelables) Jean-Louis Bal indiquait que le rythme actuel de production d’énergie renouvelable n’était « pas suffisant pour atteindre l’objectif de 2020 » défini par la Stratégie nationale bas-carbone. Une mise en garde répétée le 6 décembre par l’I4CE (Institute for climate economics). Dans son Panorama des financements climat en France (qui se penche sur les investissements réalisés en faveur du climat entre 2013 et 2016), il souligne que 45 à 70 milliards d’euros devront être investis chaque année d’ici 2030 pour atteindre ses objectifs. 20 à 40 milliards d’euros manquent encore pour la seule période 2016-2017.

Le bâtiment est le grand laissé pour compte des financements en faveur du climat. Il manque, par exemple, 10 milliards d’euros au seul titre de la rénovation des logements privés. Et ce alors que le bâti français représente 44% dans la consommation énergétique finale du pays (68,7 MTep en 2012, sur 154,4 MTep d’énergie finale consommée) et 27% de ses émissions de gaz à effet de serre. Aussi, même un progrès modeste dans la rénovation des bâtiments aurait des répercussions considérables. Pour Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, « la réussite de la transition écologique repose notamment sur le secteur du bâtiment qui constitue un des leviers principaux pour relever le défi climatique. »

Le cercle vicieux de le RT2012, qui encourage les énergies fossiles

Conscient du poids du bâti dans notre consommation d’énergie, le gouvernement a adopté la Réglementation thermique 2012 (RT 2012). Ce texte, qui vise à imposer aux entreprises du BTP à construire des bâtiments mieux isolés et moins gourmands en énergie, a fixé un seuil de consommation d’énergie primaire maximale de 50 kWh/m2/an. Ce plafond devait contribuer largement à faire baisser la consommation nationale – et pourtant cela risque de ne pas s’accompagner d’une baisse des émissions de gaz à effet de serre (GeS). Et pour cause, un mauvais paramétrage de la RT 2012 l’amène à privilégier le fioul et le gaz, particulièrement émetteurs.

En effet, en 2005, la France a instauré une différence de traitement entre les sources d’énergies primaires (présentes dans la nature) et les sources d’énergies secondaires (produites grâce aux énergies primaires). Ainsi, l’électricité peut être produite grâce à l’énergie solaire, éolienne, la combustion de fioul ou de charbon – toutes des sources primaires. Afin de prendre en compte le poids de la production de l’électricité dans son bilan final (on parle d’énergie grise), celle-ci a été affectée d’un coefficient de 2,58.

Autrement dit, chaque kWh d’électricité est réputé compter pour 2,58 kWh, et 50 kWh électriques seront donc comptabilisés comme 129 kWh. 50 kWh de fioul, gaz ou charbon – des énergies fossiles paradoxalement sensiblement plus émettrices que l’électricité – compteront eux seulement pour 50 kWh. L’électricité française n’émet en moyenne que 40 g de CO2 par KWh, contre 300 pour le fioul, 384 le charbon et 234 le gaz naturel. Cette anomalie n’est pas sans conséquences quand on sait que la surface moyenne occupée par habitant en France a augmenté de 31 % entre 1984 et 2013.

En plus de favoriser des énergies fortement émettrices en GeS, néfastes pour l’environnement, cette mesure contribue également à la pollution de l’air intérieur de nos domiciles. En 2017, une étude britannique a calculé qu’un TWh d’énergie produit au charbon était deux fois plus mortel que le pétrole, 12 fois plus que le gaz et 442 fois plus que le nucléaire – 78% de la production électrique française. La RE 2012, une mesure qui se voulait environnementale et sanitaire, contribue donc paradoxalement à la mauvaise qualité de l’air dans nos bâtiments.

La France s’est engagée dans une production décarbonée (95 % de l’électricité) qui repose largement sur le nucléaire et les énergies renouvelables. Aussi, en mettant un terme aux investissements dans les énergies fossiles et notamment dans le bâtiment, elle favoriserait cette énergie, qui présente des conséquences minimes pour la santé et l’environnement.


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