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Notre-Dame-des-Landes à l’aune des réalités européennes

mercredi, 20 décembre, 2017 - 17:33

Le projet d’aéroport nantais paraît superflu si l’on compare les conditions d’exploitation de Nantes Atlantique à celles d’autre aéroports régionaux de même importance dans les pays voisins.

Remis le 13 décembre, le rapport des médiateurs sur le projet très controversé d’aéroport à Notre Dame des Landes ne formule pas de recommandation globale au gouvernement.

Celui décidera donc courant janvier de lancer le projet de nouvel aéroport du grand ouest ou de réaménager l’aéroport existant de Nantes Atlantique.

Explosion du trafic et nuisances sonores

La complexité du dossier incite à se pencher sur les aéroports européens de capacité équivalente pour tenter d’évaluer le degré de saturation de l’aéroport actuel et le potentiel de développement du trafic aérien dans cette région grand ouest en fonction des comparaisons démographiques.

Car la question centrale est bien de savoir si l’on besoin d’un nouvel aéroport. Les partisans du projet insistent sur la saturation de Nantes Atlantique et des nuisances sonores qu’il entraine.

De fait, la progression du trafic est rapide puisque, avec le développement des vols « low cost », on est passé de 3,2 millions de passagers en 2011 à 4,7 millions en 2016 et l’on devrait approcher cette année les 5,5 millions.

De l’avis général, Nantes-Atlantique fonctionne bien mais on a relevé 151 journées à forte densité de trafic en 2016, ce qui rend tendues les conditions d’accueil. La proximité de la ville de Nantes (8 km) ainsi que l’orientation de la piste qui entraine beaucoup de survols de la ville ne rendent pas évidents les projets d’extension du site.

Pas d’autres « Notre-Dames-des-Landes » en Europe

Le projet d’aéroport géant dans le nord de l’Italie entre Vérone et Brescia étant d’une autre dimension, on peut dire qu’il n’y a aucun projet équivalant à celui de Notre Dame des Landes en Europe.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de nombreux aménagements en cours car la hausse de la fréquentation des aéroports régionaux est un phénomène assez général. On dénombre une bonne vingtaine d’aéroports européens dont la fréquentation est, comme à Nantes, d’environ 5 millions de passagers et une petite dizaine dont les caractéristiques globales sont proches de Nantes.

Une piste ou deux ?

En termes de capacités aéroportuaires, Nantes Atlantique ne dispose que d’une piste de 2.900 mètres. C’est le cas de la plupart des autres aéroports européens dont parfois la piste unique est plus courte, comme à Newcastle ou Liverpool.

Le projet de Notre Dame des Landes prévoit deux pistes (2.900 et 2.750 mètres). C’est ce qu’offrent aussi des aéroports comme Palerme, Pise ou Bilbao. Mais ces destinations sont très touristiques : la Sicile, la Toscane ou le musée Guggenheim.

Un bassin de population assez réduit

Avec 620.000 habitants, l’agglomération nantaise est plus peuplée que celle de Pise ou d’Eindhoven aux Pays-Bas. Elle est en revanche inférieure aux agglomérations de Liverpool (800.000), de Bilbao ou Newcastle (900.000) et surtout de Valence en Espagne (1,8 million).

Ajoutons que l’aéroport britannique des East Midlands dessert trois agglomérations à moins de 30 kilomètres (Derby, Leicester, Nottingham) qui totalisent 1,5 million d’habitants.

Si l’on élargit la focale à la région, les 3,7 millions d’habitants des Pays de la Loire équivalent à la population de Toscane mais sont moins nombreux que les habitants de Sicile ou de la communauté autonome de Valence (5 millions) et surtout que les 7 millions de l’Angleterre du nord-ouest, grande région de Liverpool.

Fret : Nantes bien placée

Dans un match entre aéroports du point de vue du fret, il faut mettre à part la plateforme britannique des East Midlands qui est très spécialisée dans le fret et où transitent plus de 300.000 tonnes de marchandises par an.

Rien à voir avec Nantes et ses 11.000 tonnes de fret annuel. Notons tout de même que cette activité est plus élevée à Nantes que dans la plupart des aéroports sous revue à l’exception de Pise.

En somme, les atouts de Notre Dame des Landes ne paraissent pas très probants à l’aune de ces comparaisons. Surtout lorsqu’il s’agit de justifier la construction coûteuse – près de un milliard d’euro au total – d’une nouvelle infrastructure aéroportuaire.

L’activité fret de Nantes Atlantique est certes honorable mais rien n’indique qu’elle souffre de sous capacités. En termes d’attractivité touristique, la région a des atouts, comme les châteaux de la Loire ou la Bretagne mais la grande majorité des touristes européens préfère visiter ces sites en venant de Paris plutôt que de s’y rendre via Nantes.

Enfin et surtout, les ressources démographiques de la zone et de la région en comparaison de celles des autres aéroports européens ne sont pas de niveau tel qu’un investissement si important s’impose.

La piste d’Eindhoven ?

Parmi les aéroports européens qui se sont restructurés, il y a un exemple intéressant, celui d’Eindhoven dans les années 1980. Pour des raisons de nuisances sonores, il a été décidé de reconstruire la piste avec une orientation nouvelle.

C’est ce qui pourrait se faire à Nantes Atlantique pour éviter le survol de la ville. On évoque également l’allongement de la piste pour permettre aux avions de prendre plus d’altitude.

Reste que, en tout état de cause, le projet de Notre Dame des Landes apparaît comme une nouvelle illustration typique de ces rêves de grandeur français parfois terriblement déconnectés des réels besoins économiques…


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