La question du démantèlement des centrales nucléaires se pose dans le monde entier. De tels chantiers nécessitent plusieurs décennies et soulèvent d’autres questions d’importance, comme le stockage des déchets nucléaires et le financement de ces travaux d’envergure.
Alors que la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim est programmée pour 2019, la question de l’arrêt définitif des réacteurs de deuxième génération, exploités depuis plus de 30 ans est posée au niveau international.
Fin 2016, 448 réacteurs de ce type étaient encore en exploitation dans le monde. Le démantèlement d’une centrale fait partie de son cycle de vie et est souvent intégré dès sa conception, néanmoins la problématique de l’arrêt purement et simplement des centrales nucléaires revient régulièrement.
En 1986, suite à l’accident de Tchernobyl, l’Italie a décidé l’arrêt de ses six réacteurs. Elle a été suivie par la Bulgarie, l’Arménie, la Lituanie et la Slovaquie, décidées à en faire de même pour pouvoir entrer dans l’Union Européenne, leurs réacteurs étant issus de technologie russe sans enceintes de confinement. L’accident de Fukushima en 2011, a eu les mêmes effets : l’Allemagne, la Suisse, l’Espagne et la Belgique, ont décidé d’abandonner progressivement leurs filières nucléaires à horizon 2025.
Il existe plusieurs méthodes pour déconstruire un réacteur
- Le démantèlement immédiat, recommandé par l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, choisi par la France, la Belgique ou l’Espagne (l’opération débute dès la mise à l’arrêt du réacteur).
- Le démantèlement différé (les opérations ne débutent qu’après une baisse significative de la radioactivité, même si cela peut nécessiter un siècle) envisagé par le Royaume-Uni.
- Le confinement sûr qui consiste à faire couler du béton sur l’ensemble du bâtiment. Les experts s’interrogent encore sur la sécurité au long terme d’une telle pratique.
Le démantèlement d’une centrale nucléaire française se fait en trois phases et peut durer une vingtaine d’années. La première phase de mise à l’arrêt de la centrale permet de décharger le combustible et démonter les installations non nucléaires. Au cours de cette phase, 99,9% de la radioactivité du site est évacuée. La seconde phase consiste à démanteler l’ensemble des équipements et bâtiments à l’exception de celui abritant le réacteur. Enfin, la phase 3 permet de démonter le bâtiment réacteur et les derniers équipements radioactifs.
Actuellement, une cinquantaine de réacteurs sont en cours de démantèlement à travers le monde.
Le problème du stockage après démantèlement
Le démantèlement est un processus long, quelle que soit l’option de déconstruction choisie et qui diffère selon les pays. Retour en Italie où le choix de sortir du nucléaire date de plus de trente ans. Le site de Garigliano, à 150km de Rome, est encore debout, même si la centrale est arrêtée depuis 1986. « Cette centrale ne sera pas complètement démantelée. Nous pensons en faire un musée de l’industrie nucléaire pour les générations futures », explique Fabrizio Scolamacchia, directeur du site dont la nouvelle affectation pourrait voir le jour en 2025. A ce jour, seule la grande cheminée extérieure a été démontée et ses gravats vont être réutilisés quand il sera assuré qu’il n’y a plus de contamination radioactive possible. Les débris sont toujours sur place et surveillés, car il n’existe aucun site de stockage en Italie pour accueillir ce type de déchets.
En Allemagne, la décision d’en finir définitivement avec le nucléaire date de 2011, mais des opérations de démantèlement ont été amorcées dès 1995. L’Allemagne a opté pour la solution de démantèlement immédiat pour son site de Lubmin (le plus grand chantier de démantèlement au monde actuellement), près de la mer Baltique. Problème : l’Allemagne ne dispose pas de site de stockage pour ses déchets, entreposés sur les sites en voie de déconstruction pour les 40 années à venir après autorisation.
La France opte aussi pour le démantèlement
En France, 2e producteur mondial d’énergie nucléaire, la loi de transition énergétique pour une croissance verte vise à réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 à 50% d’ici 2025. Un scénario remis en cause ces derniers mois par le Président Emmanuel Macron et son ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot qui misent sur un délai plus raisonnable autour de 2035. Sur le territoire français, neuf réacteurs sont actuellement en cours de déconstruction, avec une prévision de 800 000 tonnes de déchets non radioactifs qui vont être recyclés et 165 000 tonnes de déchets radioactifs., le processus est long même si la France, sous la supervision de l’ASN (l’Agence de sûreté nucléaire), a opté pour un démantèlement immédiat. En 2022, le chantier du site de Chooz A dans les Ardennes, le plus avancé et la vitrine du démantèlement pour EDF sera achevé. Il aura nécessité 15 années de travail. Le démantèlement de la cuve a démarré en 2017 et 60% des déchets radioactifs (4 500 tonnes) ont déjà été évacués par EDF.
Le démantèlement des centrales françaises a un coût d’autant qu’il s’étale sur plusieurs décennies, en fonction des technologies retenues (graphite-gaz, neutrons rapides ou eau lourde). Pour sécuriser le financement des opérations de déconstruction EDF constitue des provisions et garantit celles-ci sur des fonds dédiés, afin de disposer, le moment venu des sommes nécessaires. Des délais de déconstruction longs dus notamment aux impératifs de sûreté, de radioprotection et de surveillance de l’environnement. A titre d’exemple, du fait de sa technologie rare et complexe, le chantier de démantèlement de la centrale de Brennilis (Finistère), unique réacteur à eau lourde en France arrêté en 1985, est toujours en cours.
Un savoir-faire français qui s’exporte
Le savoir-faire français en la matière, s’exporte de plus en plus à l’international. Les déconstructions des centrales américaines et sud-coréennes se feront sous l’égide de l’expertise d’Orano (ex-Areva).
En février 2018, EDF a remporté un contrat de traitement de déchets nucléaires pour la société nationale italienne, concernant le tri, le traitement par fusion des déchets et le transport de ces derniers jusqu’à l’usine Cyclife, filiale d’EDF, située en Suède ainsi qu’un contrat en partenariat avec Westinghouse pour le maintien en condition sécurisé du réacteur de Vandellos en Espagne.
Pour développer son offre client à l’international, EDF peut notamment compter sur les 8 entreprises sélectionnées en février 2018 dans le cadre d’un appel à projets lancé en octobre 2017 par EDF Nouveaux Business. Ainsi huit start-up et PME comme BulldozAIR, ISYmap ou encore Batiphoenix bénéficieront d’un contrat de partenariat industriel pour ainsi venir renforcer la stratégie du groupe en matière de démantèlement.