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La SNCF, maillon faible de l’Europe ferroviaire

mercredi, 28 février, 2018 - 11:52

La réforme annoncée de l’opérateur ferroviaire promet d’être conflictuelle, notamment parce qu’elle s’attaque à un statut des cheminots extrêmement coûteux. Chez nos voisins, les opérateurs ferroviaires ont su réduire leurs coûts et limiter leur endettement.

Moins de quatre ans après l’adoption d’une première réforme ferroviaire, le gouvernement français relance la réforme de la SNCF. Un dossier particulièrement miné lorsque l’on connaît la détermination des syndicats de cheminots à défendre leurs prérogatives héritées d’un siècle de luttes sociales.

En l’espèce, la mesure la plus contestée du plan gouvernemental a trait à la suppression, pour les futurs recrutements, du statut des cheminots apparu en 1920 et dont les principales dispositions actuelles remontent à 1945.

Pour le gouvernement, la générosité de ce statut est l’une des principales causes – mais pas la seule – du marasme financier et industriel dans lequel se débat l’opérateur ferroviaire historique français alors qu’il va devoir s’adapter à l’arrivée prochaine de la concurrence.

Un statut super-protecteur

Affirmer que le statut des cheminots fait d’eux des « privilégiés » est très mal perçu par les intéressés qui rappellent, à juste titre, que le métier de cheminot implique des contraintes fortes en termes d’horaires de travail, de congés décalés et de pénibilité.

Ceci posé, ce statut est très dérogatoire par rapport au droit commun des salariés. Il garantit en effet jusqu’à 30 jours de congés supplémentaires par an, prévoit de nombreuses compensations financières en fonction des contraintes imposées, instaure une progression automatique des carrières (et donc, des rémunérations), accorde des avantages en nature, comme la gratuité des transports en train pour les salariés et la quasi-gratuité pour leur famille.

Surtout, le statut protège ses bénéficiaires de tout licenciement à l’exception de la radiation pour faute grave. Bref, c’est l’emploi à vie pour les cheminots qui le souhaitent, sans compter une longue retraite payée à 75% du salaire qu’ils peuvent prendre à 52 ans pour les conducteurs de trains et à 57 ans pour tous les autres, moyennant souvent, il est vrai, une certaine décote.

Plus de régime dérogatoire en Allemagne ou en Italie

A l’exception des cheminots belges qui bénéficient d’un statut comparable (mais d’une retraite plus tardive), les cheminots français sont bien mieux protégés que dans les pays voisins.

Ailleurs, même si tout au long du XXème siècle les travailleurs du rail, bien organisés, ont obtenu des avantages, le régime des salariés du ferroviaire s’est peu à peu rapproché du droit commun.

En Allemagne, dès la réforme ferroviaire de 1994, le statut des cheminots a été supprimé pour les nouvelles recrues. Aujourd’hui, 85% des employés de la Deutsche Bahn, entreprise pourtant publique, travaillent sous contrat de droit privé. Ce qui veut dire 39 heures hebdomadaires, la retraite à 63 ans (et bientôt plus), 20 jours de repos annuel en moins qu’en France et une polyvalence imposée aux conducteurs de trains.

Même schéma en Italie : quand le groupe public Ferrovie dello Stato est devenue une société de droit privé en 1992, le statut des cheminots a disparu dans la foulée. Les travailleurs du rail italien travaillent 40 heures par semaine et vont partir dans quelques temps à la retraite à 67 ans.

Comme leur collègues britanniques d’ailleurs. Partout en Europe, sauf en Belgique et en France, il n’y a plus de garantie systématique de l’emploi.

Salaires : les cheminots français en position médiane

Sans parler de certains conducteurs de TGV qui peuvent, avec les primes, émarger jusqu’à 6000 € mensuels, le salaire moyen des salariés de la SNCF est de 3.000 € bruts par mois. C’est un peu plus que la moyenne du privé et sensiblement plus que celle des fonctionnaires qui est d’environ 2.400 €.

Les cheminots français sont sensiblement mieux rémunérés que leurs collègues italiens ou espagnols mais plutôt moins bien que leurs homologues allemands et surtout britanniques, ces derniers perçevant en moyenne 3.500 € mensuels.

La SNCF, vice-championne européenne de l’endettement…

La situation de la SNCF est fort préoccupante. Le ferroviaire français est lourdement déficitaire, non pas tant du fait des trains qui circulent, mais du réseau ferré que l’établissement public SNCF Réseau n’a pas les moyens d’entretenir et de moderniser autrement qu’en s’endettant.

Résultat : à la mi-2017, la dette nette du groupe SNCF atteignait au total 52 milliards d’euros impliquant une charge d’intérêt annuelle de plus de 1,5 milliard. Cela au moment où il faut d’urgence remettre à niveau le réseau régional ou péri-urbain.

Cette dette est la plus forte d’Europe, à l’exception de la dette ferroviaire britannique qui atteint presque 60 milliards d’€. Mais les anglais ont lourdement investit ces dernières années et leur réseau est désormais l’un des plus sécurisés après les déboires tragiques du début de ce siècle.

Quant à l’endettement de l’Espagnol Renfe ou de l’Italien Ferrovie dello Stato, il ne dépasse pas 8 milliards. Celui de la Deutsche Bahn, qui investit lourdement elle aussi, atteint 19 milliards, soit près de trois fois moins qu’en France.

Il est vrai que l’Etat Allemand a repris à son compte la dette du ferroviaire il y a 20 ans. C’est ce que demande aussi à l’Etat la SNCF. Pour l’instant le premier ministre ne s’est pas engagé car il exige l’assainissement préalable du groupe.

… et numéro un en termes de coûts de production

Il y a du boulot, notamment parce que le poids de la main d’œuvre est considérable dans l’économie du train : 46% du chiffre d’affaire de la SNCF mais seulement 39% de celui de la Deutsche Bahn. Un différentiel qu’explique en grande partie le statut des cheminots français sans compter le caractère très coûteux de leur régime de retraite.

Les avantages consentis aux salariés ainsi que les rigidités organisationnelles produites par le statut pèsent considérablement sur les coûts de production du groupe. Ainsi, à circulation et distance parcourue comparable, il coûte deux fois plus cher de faire rouler un train en France qu’en Allemagne, en Angleterre ou en Italie (24 € du train/kilomètre contre moins de 12).

Une situation d’autant plus intenable que la SNCF va être confrontée, d’ici à deux ou trois ans, à la concurrence d’autres opérateurs étrangers, y compris publics, qui sont actuellement beaucoup plus compétitifs. La SNCF est donc vraiment au pied du mur.


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