Le triomphe des populistes aux élections italiennes renforce le camp eurosceptique au sein de l’Union. La descente aux enfers de la gauche modérée s’accélère : elle ne gouverne plus que six pays !
Vrai coup de torchon politique en Italie après les élections législatives de dimanche. Le Parti Démocrate de centre gauche au pouvoir est balayé et devrait perdre près des deux tiers de ses députés.
Le centre droit n’est guère plus à la fête puisqu’il ne recueille que 14% des voix contre 22 il y a cinq ans. Les grands vainqueurs du scrutin sont donc les partis anti-système ou eurosceptiques, les populistes du mouvement cinq étoiles et les nationalistes de la Ligue du nord.
Un tel basculement électoral d’un des principaux membres fondateurs de l’Union européenne n’est évidemment pas sans conséquence sur l’ensemble de l’Europe. Une Europe ou l’euroscepticisme se renforce et où la gauche modérée connaît un recul sans précédent.
Un membre-fondateur tourne le dos à l’Europe
Jusqu’à présent en effet, les grands pays fondateurs comme la France, l’Allemagne, l’Italie, renforcées plus tard par l’Espagne, ont toujours mené des politiques pro-européennes.
Or Dimanche, les populistes anti-système du Mouvement 5 étoiles sont arrivés nettement en tête avec 32% des suffrages. Même si le Mouvement reste d’un euroscepticisme ambigu et refuse, a priori, toute alliance de gouvernement, on ne peut s’empêcher d’y ajouter les 18% réalisés par les nationalistes islamophobes de la Ligue (ex Ligue du Nord) ainsi que les 4% des nationalistes de « Fratelli d’Italia » issus de l’ancien mouvement néo-fasciste.
54% de voix au total se sont donc portés sur des candidats eurosceptiques, voire europhobes qui rejettent au minimum le fonctionnement actuel de l’Union européenne et sont résolument hostiles à toute intégration supplémentaire.
Les anciens partis de gouvernement qui totalisaient 46,5% des voix à l’issue des précédentes législatives de 2013 ne dépassent pas les 33% aujourd’hui. Cela dit, bien malin qui, à ce stade, pourrait pronostiquer la composition du futur gouvernement italien puisque la « table rase » préconisée par « Cinq étoiles » est peu compatible avec l’extrême droite ouvertement raciste de la Ligue.
Le grand chamboulement continue
Les Italiens ont donc provoqué un nouveau bouleversement politique en Europe. Mais ni la recomposition politique française autour du centre d’Emmanuel Macron, ni l’apparition du quadripartisme en Espagne n’ont impliqué un désengagement européen, au contraire même.
En Allemagne, la constitution d’une force eurosceptique de 90 députés n’a pas empêché la reconduction d’une grande coalition pro-européenne.
Reste que, dans la foulée du Brexit avalisé en juin 2016, des pays de taille plus réduite ont vu récemment arriver au pouvoir des forces, sinon eurosceptiques, du moins « euro-méfiantes » ou « euro-distantes ».
Il est en ainsi de l’Autriche désormais dirigée par une coalition droite/extrême droite. Même phénomène en République tchèque ou le nouveau président du gouvernement Andrej Babis est qualifié de libéral-populiste et surnommé le « Trump tchèque ».
Minorité de blocage pour les eurosceptiques
Si l’on suppose que l’Italie entre prochainement dans le club des gouvernements eurosceptiques et que l’on ne tient plus compte du Royaume-Uni dont le Brexit a, en quelque sorte, « accompli » l’euroscepticisme, six pays sont actuellement susceptibles de contrer toute velléïté de renforcement de l’Union.
Outre les Italiens, les Autrichiens et les Tchèques, il faut y compter des pays gouvernés par une droite nationale dure comme la Pologne et la Hongrie ainsi que la Slovaquie du premier ministre Robert Fico qui, malgré sa couleur social-démocrate, flirte avec le populisme et s’est allié à l’extrême droite.
Certes, ces six pays ne pèsent au Conseil européen que 97 voix sur un total de 323 (hors Royaume-Uni). Mais ils disposent désormais de la minorité de blocage.
Le centre-gauche a perdu 6 pays en deux ans …
Parallèlement, la situation de la gauche de gouvernement s’est profondément dégradée depuis deux ans. En décembre 2015, on comptabilisait 12 chefs de gouvernement sur 28 issus du centre gauche.
Après les changements de majorité en France, en République tchèque, en Autriche, en Croatie, en Lituanie et, désormais, en Italie, on ne compte plus que six premiers ministres à gauche parmi les pays membres de l’Union européenne. Et ces derniers ne gouvernent plus que 12% de la population de l’Union alors que leurs douze prédécesseurs en gouvernaient 42% !
Sans compter que, dans les pays qui restent à gauche, il y a des coalitions avec le centre droit ou la droite comme en Slovaquie, en Slovénie ou en Roumanie. De plus, le recul de la gauche modérée prend figure d’effondrement si l’on considère la baisse des forces de ces partis.
… et les partis sociaux-démocrates sont laminés
En considérant le nombre de députés socialistes ou sociaux-démocrates, on constate qu’ils ont diminué, à l’occasion des derniers scrutins, de 85% en France, de 76% aux Pays-Bas, de 70% en République tchèque, de 64% en Italie, de 55% en Lituanie.
Même en Espagne ou en Allemagne, où ils « sauvent les meubles », les partis de centre-gauche comptent 20% d’élus en moins.
Dans ce contexte, il semble bien que la gauche – du moins dans ses composantes traditionnelles et modérées – ne soit plus une réponse à la poussée du populisme. La social-démocratie semble désormais condamner à s’allier au centre-droit, comme en Allemagne ou bien, comme au Portugal, avec une gauche plus radicale.
Notons pour terminer une petite ironie de l’histoire : le seul pays ou un parti de gauche, même s’il demeure dans l’opposition, a récemment amélioré sa représentation au sein d’un Parlement en Europe est le Royaume-Uni puisque les travaillistes y ont gagné 30 députés en 2017. Certains pourront y voir une raison de plus de regretter le Brexit !