Dépourvue de gisements d’uranium viables économiquement, la France est pourtant devenue au fil des ans une référence internationale en matière de conversion, d’enrichissement et de transformation de l’uranium en combustible nucléaire. L’ensemble de ce processus est réalisé sur le territoire français dans plusieurs installations qui répondent, à l’instar des centrales de production nucléaires, à des critères de sûreté et de sécurité rigoureux, et permettent aux opérateurs français de faire valoir un savoir-faire industriel unique au monde. Explications.
L’extraction de l’uranium à travers le monde
Le combustible nucléaire est la matière dont on extrait l’énergie dans un réacteur grâce à la réaction de fission (celle-ci consiste à « casser » le noyau des atomes en les bombardant de neutrons). Ce combustible est composé d’uranium, un élément naturel que l’on retrouve en grande quantité dans la croûte terrestre. Présentes naturellement dans certaines roches, les réserves d’uranium (garanties pour au moins 100 ans selon les chiffres de l’Agence de l’OCDE pour l’énergie nucléaire), sont exploitées dans toutes les régions du monde, dans de grandes mines souterraines ou à ciel ouvert. Les principaux gisements d’uranium se trouvent essentiellement en Australie, au Canada, en Russie, au Niger, en Afrique du Sud, en Namibie, au Brésil, au Kazakhstan, en Ouzbékistan ou en Mongolie.
Si les derniers gisements français sont en voie d’épuisement (en Vendée ou dans le Limousin par exemple) et n’offrent plus de conditions d’exploitation satisfaisantes économiquement, la France reste néanmoins l’un des rares pays au monde présentant sur son territoire l’ensemble des installations permettant la conversion de l’uranium, son enrichissement, la fabrication, le traitement et le recyclage des matières nucléaires.
La conversion de l’uranium, une spécialité française
Pour servir de combustible aux centrales nucléaires, l’uranium, après avoir été extrait de la mine, doit en effet subir plusieurs opérations comme la concentration, la transformation en hexafluorure d’uranium, l’enrichissement en isotope 235 et enfin la transformation en oxyde d’uranium. Ces différentes phases de conversion et d’enrichissement sont réalisées dans l’Hexagone sur des sites spécifiques respectant des normes de sûreté, de sécurité et de radioprotection très strictes. L’usine Orano (ex-Areva) Malvési par exemple, située à proximité de la ville de Narbonne, est un des sites les plus importants du pays en matière de traitement d’uranium. Elle traite un quart du minerai d’uranium naturel mondial et 100% de l’uranium français, acheminé par bateau des mines du Niger, du Kazakhstan ou d’Ouzbékistan, et est considérée à ce titre comme la porte d’entrée du nucléaire en France. Cet outil industriel, largement modernisé durant la dernière décennie, permet notamment de débarrasser l’uranium de ses impuretés et de le concentrer avant sa transformation en tétraflurorure d’uranium.
Une fois purifié, l’uranium est envoyé sur le site du Tricastin, à Pierrelatte dans la Drôme, pour poursuivre sa transformation en combustible nucléaire. L’uranium y est acheminé sous une forme stable, puis à nouveau transformé et enrichi, afin que son taux d’uranium 235 atteigne les 3 à 5% requis pour son utilisation dans les réacteurs nucléaires à eau sous pression exploités en France. Pour rappel, à son arrivée sur le sol français sous sa forme brute, l’uranium naturel est composé de trois isotopes : l’uranium 238, le plus lourd atome naturel et le plus abondant (99,28%), l’uranium 235 (0,71%) ainsi que des traces d’uranium 234 (0,006%). Or, l’uranium 235 est le seul isotope naturel fissile, c’est à dire susceptible de se fragmenter, spontanément ou par capture d’un neutron, et donc de produire de l’électricité.
L’usine « Georges Besse II », située sur la plateforme du Tricastin, utilise pour cela la force centrifuge afin d’enrichir l’uranium naturel en isotope 235 via le procédé dit « d’ultracentrifugation ». Ce procédé de séparation d’isotopes utilise des centrifugeuses qui font tourner à très grande vitesse de l’uranium fluoré sous forme gazeuse (hexafluorure d’uranium) et permet de séparer l’uranium 235 de l’uranium 238 et de récolter ainsi, toujours sous forme gazeuse, un uranium 235 plus concentré.
La fabrication du combustible nucléaire
A l’issue de ce processus d’enrichissement, l’hexafluorure d’uranium est transformé en dioxyde d’uranium par procédé chimique, afin d’entrer dans la fabrication du combustible final. Cet oxyde d’uranium enrichi sert notamment à fabriquer le combustible classique sous forme de pastilles de céramique destiné aux réacteurs à eau sous pression des centrales nucléaires. Ce combustible est produit en France par l’usine FBFC, du groupe Framatome, à Romans-sur-Isère dans la Drôme.
L’oxyde d’uranium appauvri, quant à lui, sera mélangé à de l’oxyde de plutonium (dans une proportion de 7%), puis utilisé pour la fabrication du combustible dit « MOX », dans l’usine MELOX (Orano) de Marcoule dans le Gard. Le MOX (pour Mélange d’OXyde de plutonium et d’OXyde d’uranium) permet de recycler une partie des matières nucléaires issues du traitement des combustibles à Uranium Naturel Enrichi (UNE) à l’issue de leur utilisation dans les réacteurs électronucléaires. Ce retraitement du combustible usé offre la possibilité de séparer les matières valorisables (plutonium, uranium) des déchets ultimes (produits de fission) et présente un triple intérêt : le recyclage des matières énergétiques (uranium, plutonium) encore contenues dans le combustible usé, dont 96% sont valorisables sous forme de combustible MOX, la simplification de l’entreposage (provisoire) ou du stockage (définitif) des déchets non valorisables, et la réduction par dix de la toxicité à long terme des déchets ultimes et par cinq de leur volume.