La quasi-faillite du distributeur de presse Presstalis traduit le marasme de la presse quotidienne nationale en France. Mais la chute de la diffusion des journaux de qualités est toute aussi forte – voire plus – chez nos voisins européens.
Presstalis, la société distributrice de 75% de la presse française et de l’ensemble des quotidiens nationaux est une fois de plus au bord du gouffre. Après celui de 2012, un nouveau plan de sauvetage est en préparation.
A côté d’un prêt de l’Etat de 90 millions d’€ et du licenciement du quart des 1200 employés, il s’agit de mettre à contribution les éditeurs de journaux qui détiennent, à travers deux coopératives, le capital de cette société par actions ayant succédé aux nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) en 2009.
Pour ces éditeurs, notamment les petits, la coupe est pleine et l’un d’entre eux, Eric Fottorino, ancien directeur du monde et fondateur de l’hebdo le « 1 » vient de réclamer l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire. Une situation révélatrice de la profonde crise que traverse la presse écrite en France, en particulier les quotidiens nationaux.
Certes, la situation de Presstalis est dûe avant tout à une gestion aventureuse, à une stratégie hasardeuse de regroupement des dépositaires de presse et à des investissements très malheureux – en particulier dans un coûteux système informatique qui n’a jamais fonctionné.
Ces dysfonctionnements à répétition ont d’ailleurs accéléré le déclin de la presse écrite, notamment parce que le pourcentage de journaux invendus s’est accru et que le nombre de points de vente de la presse se réduit comme une peau de chagrin.
France : la PQN en recul de 25% depuis 2000
Il n’en demeure pas moins que l’effondrement de Presstalis est étroitement corrélé au déclin continu de la presse écrite française nationale et, en particulier, quotidienne (PQN).
Un déclin amorcé en France voici plus d’un demi-siècle avec la généralisation de la télévision et qui s’est pousuivi au début des années 2000 avec l’explosion de l’internet et des médias sociaux.
Si l’on y ajoute le développement des radios d’information en continu, ces facteurs ont complètement modifié les modes d’accès à l’information ainsi que les habitudes culturelles.
Concrètement, les gens s’informent de moins en moins en lisant chaque jour leur journal et les jeunes ne le font pratiquement plus. Si l’on s’en tient aux six principaux quotidiens nationaux généralistes français, leur diffusion est passée d’une moyenne de 1,6 million par jour en 2000 à environ 1,2 million actuellement. Soit une baisse de 25%.
Un paysage différent chez nos voisins…
La situation est différente chez nos voisins. La presse quotidienne française s’est affaiblie beaucoup plus et beaucoup plus tôt que dans les grands pays européens.
En outre, chez ces derniers, les habitudes de lectures sont modifiées par deux phénomènes. D’une part l’existence d’une presse du dimanche assez variée et puissante alors qu’en France, le Journal Du Dimanche, le JDD, est en situation de monopole.
D’autre part, il existe au Royaume-Uni et en Allemagne une puissante presse dite « populaire » qui n’a plus son équivalent dans l’Hexagone depuis longtemps.
Cette presse populaire – on parle outre-manche de « tabloïd » – explique pourquoi la diffusion des journaux nationaux reste bien plus élevée outre-Manche et outre-Rhin : respectivement 6,4 et 3,8 millions par jour contre moins de 1,3 million en France.
… qui n’empêche pas la chute de la diffusion des journaux
Si elle avait bien résisté, jadis, à la télévision, la presse populaire a été totalement percutée par l’internet. Ainsi, la diffusion des tabloïds britanniques – les Daily Mail, Daily Miror et autres Sun – a baissé de 46% depuis 2000 et celle du journal « Bild » en Allemagne s’est effondré de 60% !
Quant à la presse « supra-régionale » de qualité outre-Rhin – Suddeutsche Zeitung, Frankfurter Allgemeine ou Die Welt (…) – ils marquent depuis 2000 une baisse exactement identique à celle des quotidiens nationaux français : 25%.
Contrairement aux idées reçues, cette presse allemande de qualité ne diffuse pas plus qu’en France, avec 1,1 million d’exemplaires par jour.
Encore plus surprenant : la presse de qualité en Angleterre – Le Times, le Daily Telegraph, le Guardian… – ne dépasse pas non plus désormais, 1,2 million de ventes, résultat d’un déclin vertigineux de 60% de sa diffusion depuis 2000.
Plongeon en Espagne, effondrement en Italie
L’Italie conserve encore plus de quinze quotidiens nationaux. Mais si l’on considère les dix premiers – Le Corriere della Sera, La Repubblica, la Stampa… – on s’aperçoit que leur diffusion a été presque divisée par trois depuis 2000, passant de 3,2 à 1,2 million !
Enfin, en Espagne, les cinq principaux quotidiens nationaux – El Païs, El Mundo, ABC, l’Avanguardia… – ont vu leur diffusion passer de 1,4 million à moins de 500.000, soit une chute de 65%.
Il faut donc bien constater que la presse française n’est pas plus en détresse qu’ailleurs. Du moins en termes de diffusion et de baisse des ventes, puisque les 4 premiers pays européens par la population connaissent une diffusion désormais quasiment équivalente de leur presse nationale de qualité.
En revanche, il faut admettre que tous les quotidiens nationaux français n’ont pas su aussi bien négocier le virage de l’internet que l’on fait les grands titres de la presse allemande ou britannique.