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Écologie, transports, logements… Les villes européennes se métropolisent

jeudi, 5 juillet, 2018 - 16:14

Après la constitution des Grands Empires européens et des États-nations, assisterions-nous à un retour du modèle de la cité-État en Europe ? Comme durant la Grèce antique ou l’Italie de la Renaissance, les villes européennes concentrent les pouvoirs économiques, politiques, culturels et gagnent en autonomie. Complètement intégrées à la nouvelle économie-monde, elles s’affranchissent des carcans nationaux, attirent les investisseurs et les multiplient les projets architecturaux audacieux, du « bosco verticale » de Milan, en passant par Europacity à Paris ou le HafenCity Ouest d’Hambourg.

 

Dans une Italie gagnée par une soudaine vague de populisme, Milan est devenue le symbole de la résistance d’une nation qui croit encore à la croissance et à l’Europe. Rares sont ceux qui auraient imaginé cela de l’ancienne « Cendrillon de l’Europe », en lent déclin depuis les années 1990 avant que la crise de 2008 ne laisse craindre le pire. Au contraire, l’éclatement de l’économie mondiale a agi comme un détonateur dans la cité lombarde, qui s’est peu à peu réveillée au point de récolter, 10 ans plus tard, le titre de capitale économique de l’Italie. Pour y parvenir, la municipalité a notamment investi dans un plan de développement urbain destiné à moderniser ses infrastructures et ses quartiers vieillissants. L’organisation de l’Exposition universelle en 2015 à Milan a imprimé une dynamique positive dans la métropole, qui a allongé ses lignes de métro et rénové le terminal 1 de son aéroport international. Résultat : le bastion centriste du Parti démocrate reste à l’abri de l’instabilité politique que traverse le pays, et la métropole milanaise affiche une étonnante réussite socio-économique (6,2 % de croissance entre 2014 et 2017 contre 3,4 % au niveau national ; taux de chômage plafonné à 8 % contre 12 % en Italie). La confiance et l’ouverture vers l’extérieur séduisent même de plus en plus de cadres et de sociétés, qui viennent s’y installer. Un quart des banques italiennes y ont implanté leur siège. « Beaucoup de Milanais ont le sentiment de profiter de la mondialisation, alors que, dans bien d’autres villes, l’angoisse du déclassement est palpable », souligne Francesco Daveri, économiste à l’université milanaise de Bocconi. Un dynamisme économique qui s’est traduit ses dernières années par une profusion de nouveaux projets architecturaux, des tours verdoyantes de la « bosco verticale », à l’immense tour Unicredit, en passant par la très cristallographique « torre diamante ».

De l’autre côté des Alpes, les métropoles françaises misent sur d’importants projets d’aménagements urbains pour se développer, à l’image de la construction de nombreuses lignes de tramway à Lyon, Nice, Montpelier, Bordeaux, Nantes, Lille ou encore Paris. Dans la capitale plus qu’ailleurs, la création du Grand Paris suscite beaucoup d’attentes afin de régler les épineux problèmes de transport, de logement, d’environnement et d’emploi dans certaines zones de la proche banlieue parisienne. Né en 2008 sous le mandat de Nicolas Sarkozy, le projet de métropole parisienne s’appuie surtout sur un vaste déploiement de son réseau de transports en commun baptisé Grand Paris Express, qui prévoit la création de 200 km de lignes de métro et de 68 nouvelles gares. Il mise aussi sur plusieurs structures publiques comme l’Établissement public foncier d’Île-de-France, Grand Paris Aménagement ou encore l’atelier international du Grand Paris pour planifier et organiser l’aménagement du territoire, notamment via la construction de parcs immobiliers. Le but : améliorer le fonctionnement au quotidien de l’aire urbaine parisienne et permettre son développement dans les meilleures conditions, avec une attention particulière pour l’écologie et la qualité de vie. Ces deux axes ont d’ailleurs fait germer un autre projet d’envergure, qui doit s’intégrer au cœur de la métropole parisienne : EuropaCity, une sorte de « 21e arrondissement » situé à Gonesse, au nord-est de Paris, avec plus d’espace pour la verdure, la culture et le divertissement.

Europacity à Paris, HafenCity à Hambourg

Coincé entre les aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et du Bourget, le futur quartier n’est à ce jour qu’un mélange de terrains vagues et de zones d’agricultures intensives. Là aussi, la transformation profonde de ce territoire, jusqu’ici périphérique à la mégalopole parisienne, passera par une série d’aménagements urbains avec la construction de deux salles de spectacle, d’une halle modulaire pour les expositions d’envergure internationale, d’un centre culturel pour enfants, d’une ferme urbaine, d’une résidence d’artistes, d’un parc aquatique, d’un parc d’aventure, d’un centre commercial… Sans oublier la livraison de la gare de Gonesse, sur la ligne 17 du Grand Paris Express, qui permettra de désenclaver ce futur nouveau quartier de la métropole, destiné principalement aux loisirs et à la culture.

 

Plus de 31 millions visiteurs annuels seront ainsi attendus à partir de 2024 dans le futur quartier parisien, dont 6 millions de touristes. À la manière de la tour Eiffel ou du quartier de la Défense, qui réunissaient à l’époque de leur construction les dernières innovations technologiques et d’aménagement urbain, Europacity sera une « ville intelligente », entièrement connectée, où les données récoltées serviront à gérer de manière optimale les flux de circulation, la consommation d’énergie…

Autre situation, mais même méthode à Hambourg, où la croissance économique poussée par le développement de l’activité portuaire a obligé les autorités à se lancer dans de grands chantiers d’aménagement du territoire. Enserrée dans des frontières administratives non extensibles malgré l’afflux constant de nouveaux habitants, la riche métropole du nord de l’Allemagne a dû innover pour dégager du foncier dans des zones peu attractives. Au sud du centre-ville, sur l’île de Wilhelmsburg mortellement touchée par l’inondation de 1962, le projet de régénération urbaine d’HafenCity est en passe de voir le jour au milieu d’espaces jusque-là dédiés aux activités industrielles et accueillants des populations modestes. Tout le défi de Jürgen Bruns-Berenteig, patron de cette future « ville sur l’eau, verte, sociale et attractive », est de « créer un intérêt public commun au sein du bien privé » pour en faire un quartier attractif à forte mixité fonctionnelle et sociale.

La mise en œuvre du projet passe par la réhabilitation de 155 hectares situés au bord de l’eau, principalement des anciens hangars ou entrepôts. HafenCity devrait compter 12 000 habitants et abriter 40 000 emplois en 2027 et la pierre angulaire de ce nouveau quartier, la magnifique Philharmonie de l’Elbe, a été inaugurée en 2016.

 

Plus riches, plus autonomes, connectées entre elles, les grandes métropoles européennes s’affranchissent peu à peu de l’État-nation. Symptôme de cette émancipation, la multiplication des projets architecturaux audacieux et modernes symbolise leur nouvelle puissance. Mais attention : en attirant la richesse et les hommes dans leurs murs, ces puissantes cités risquent de créer de nouvelles inégalités et des frustrations chez les populations qui en sont exclues. Le risque est de voir apparaître des oasis de modernité dans des déserts de précarité. La ville de demain ne sera donc pas seulement connectée et performante : pour être viable à long terme, elle devra aussi s’intégrer à l’environnement naturel et humain qui l’entoure.

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