L’émir du Qatar sera reçu à l’Élysée cette semaine. Cible d’un blocus diplomatique et économique de la part de ses voisins sunnites, le petit État du Golfe multiplie les initiatives à l’international. Outre les États-Unis, c’est principalement vers la France que le petit émirat semble se tourner pour résoudre la crise.
La France, un partenaire privilégié dans un contexte difficile
Discrètement affichée dans l’agenda officiel du président de la République, la nouvelle rencontre entre Emmanuel Macron et le Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani aura lieu vendredi à Paris. La dernière entrevue entre les deux chefs d’Etat, en décembre dernier, avait été fructueuse : plus de 11 milliards de dollars de contrats signés, dont la vente de 12 Rafale finalisée en mars 2018.
Deuxième client de la France dans le Golfe, le Qatar avait déjà acheté, en 2015, vingt-quatre de ces fleurons du groupe Dassault mais aussi plusieurs centaines de blindés. Sur le plan civil, des accords confiant la concession du métro de Doha (la capitale du Qatar) au consortium SNCF/RATP avaient été signés.
Les bonnes relations militaires entre la France et le Qatar ne datent pas d’hier : elles reposent notamment sur un accord de défense passé en 1994, qui prévoit une assistance mutuelle en cas d’agression. Cette relation avait pris un tournant nouveau sous la présidence de Nicolas Sarkozy : le positionnement pro-qatari de ce dernier avait notamment ouvert à la France des commandes industrielles, telles que la vente de 80 Airbus A350. Cette dynamique, malgré les contrats de 2015, était légèrement retombée durant le quinquennat de François Hollande, celui-ci ayant préféré se rapprocher de l’Arabie saoudite.
Aujourd’hui, Emmanuel Macron entend jouerun rôle de médiation dans le conflit qui oppose le « Quartet » (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Bahreïn et Egypte) au Qatar, et souhaite « montrer que la France ne choisit pas un camp contre un autre ».
Contre l’isolement régional, l’ouverture internationale et européenne
Depuis l’été dernier, le Qatar connait un blocus diplomatique et économique de la part de l’Arabie saoudite et de ses alliés sunnites. Accusé de « financer le terrorisme », le petit émirat a vu sa seule frontière terrestre fermée, l’espace aérien de ses voisins interdit à sa compagnie aérienne et ses citoyens expulsés des quatre pays adverses.
De son côté, le Qatar veut faire bonne figure. Aux Nations-Unis, le président du Comité national contre le terrorisme du Qatar, Abdul Aziz Al Ansari, mettait l’accent sur la nécessité de conclure des accords bilatéraux et multilatéraux dans la lutte contre le terrorisme et de renforcer les actions contre l’extrémisme violent. « Le Qatar a facilité l’échange d’informations d’urgence à Interpol à travers un tribunal spécial dans le contexte de la diversité et de l’expansion des activités terroristes » a-t-il fait remarquer. Le Qatar a d’ailleurs conclu depuis un an, trois accords de coopération sécuritaire et de lutte anti-terroriste avec la Chine, les États-Unis et la France.
Au niveau européen, le Qatar a resserré les liens avec la Grande-Bretagne et l’Italie via l’achat de matériels de combat de pointe. Début juin, le ministre de la Défense du Qatar a également affirmé que l’ambition stratégique à long terme de son pays était d’adhérer à l’Otan, en précisant que son pays « est devenu l’un des plus importants de la région en termes de qualité de l’armement », conséquence de la boulimie de matériel de défense du petit émirat.
Une gourmandise qui a failli lui coûter cher : des informations confidentielles du quotidien Le Mondeont révélé en juin que les dirigeants saoudiens ont même été jusqu’à demander au président Macron d’intervenir pour empêcher l’acquisition par Doha de missiles russes S-400 et menacé, dans le cas contraire, d’entreprendre une action militaire contre le Qatar.
Dans ce contexte tendu, la rencontre entre l’émir qatari et le président français pourrait donc aborder le renforcement du partenariat de défense entre les deux pays. Ce n’est peut-être pas un hasard du calendrier si, quelques heures avant la conférence, une réunion restreinte du Conseil de défense est au planning d’Emmanuel Macron.