Alors qu'en France, le transport est montré du doigt en matière d'émissions de gaz à effet de serre, des mesures drastiques sont nécessaires pour trouver des solutions efficaces et ainsi continuer à se déplacer en polluant moins. Comme les obligations vertes, qui permettent de financer des projets de grande envergure et éco-responsables.
Et si la finance verte venait au secours du secteur du transport ? La question est posée tant ce nouveau type de finance qui se veut responsable est de plus en plus sollicité. Dernier exemple en date, la Société du Grand Paris vient de décider d’émettre des obligations vertes, afin de financer le Grand Paris Express. Budget prévisionnel : 38,5 milliards d’euros, soit deux fois plus que celui prévu initialement. Un projet principalement financé par des taxes de l’Etat (représentant 500 millions d’euros par an), mais qui ne sont plus suffisantes. D’où une annonce fin juillet 2018 de l’émission d’obligations vertes (ou green bonds) dans le cadrefinance d’un programme (l’Euro Medium Term Note ou EMTN) qui pourraient atteindre les cinq milliards d’euros. Ces obligations, contribuant à la transition écologique, permettront d’emprunter sur le marché dès que cela sera nécessaire. Elles seront émises à partir de la rentrée, entre septembre et décembre 2018.
La Société du Grand Paris n’est pas la seule à faire appel à la finance verte. La Ville de Paris en a fait de même en juillet 2017, en créant le Paris Fonds Vert, fonds d’investissement territorial d’une durée de 10 ans dédié à la transition énergétique de 200 millions d’euros, afin de réaliser son objectif de neutralité carbone. Une première levée de fonds de 100 millions d’euros qui seront réalisés d’ici la fin de l’année a été annoncée le 10 juillet dernier, avec des investissements dans une vingtaine de PME innovantes dans les domaines du bâtiment, de l’énergie ou de la qualité de l’air. En échange, elles devront contribuer aux objectifs du Plan Climat de Paris et s’engager dans une démarche RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale). A terme, Paris Fonds Vert va permettre à la ville de Paris de devenir la capitale de la finance verte.
La finance verte pour décarboner le transport
La France est d’ailleurs le premier pays européen émetteur de green bonds, avec 37 milliards d’euros cumulés depuis 2012. Pour Xavier Girre, Directeur exécutif en charge de la direction financière groupe chez EDF, « l’engagement de la France dans la lutte contre le changement climatique et pour la transition écologique est indéniable. Les avancées en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix électrique français sont incontestables ». Et le secteur du transport est de plus en plus prépondérant dans ces financements verts émis par l’Etat, car il produit justement énormément d’éléments carbones polluant l’atmosphère. Tant et si bien que la grande majorité de ces fonds est consacrée à l’amélioration des transports écologiques, dont un quart rien que pour le financement du taux réduit de la taxe sur la consommation d’électricité allouée aux transports électriques.
Les grands établissements publics de transport français se sont également mis à l’émission d’obligations vertes, comme la RATP en juin 2017, à hauteur de 500 millions d’euros pour le renouvellement de ses voitures du RER A et l’automatisation de la ligne 4. La régie a été précédée dans cette mouvance par la SNCF Réseau qui, le 27 octobre 2016, émettait une obligation verte de 900 millions d’euros pour une durée de 15 ans et devenait ainsi la première entreprise de transport européenne à émettre des green bonds. De plus, ces obligations vertes ont reçu la certification CBI (Climate Bonds Initiative) délivrée par ISS-Oekom, une prestigieuse agence de notation européenne. Une opération qui a permis le renouvellement du réseau ferroviaire et de la signalisation et de développer toute une série de projets qui comportent des mesures de protection de la biodiversité et des ressources naturelles. Parmi ces projets, des investissements du réseau structurant (le réseau le plus usité et 100% électrique) ou encore l’extension de lignes qui améliorent l’accès au réseau et la mobilité des usagers.
Un chantier important pour le transport
Mais la finance verte n’est pas la seule solution à un problème qui perdure. C’est à l’Etat et à chaque utilisateur de prendre les mesures qui s’imposent. Car la France fait partie des six pays européens poursuivis par la Cour européenne de Justice, pour non-respect des seuils d’émission de dioxyde d’azote dans 14 zones urbaines où la pollution de l’air est la plus importante. Parmi elles, Marseille-Aix, Lyon, Strasbourg ou encore Nice. « Les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports n’a pas baissé en 2017 » souligne d’ailleurs Elisabeth Borne, ministre des Transports. Le gouvernement a ainsi présenté le 20 juillet dernier un ensemble de mesures en faveur d’une « mobilité propre » pour rendre les déplacements privés et professionnels plus verts : bonus/malus à l’achat d’un véhicule neuf désormais en fonction de ses émissions de carbone (avec un seuil du niveau de CO2 abaissé au 1er janvier 2019), multiplication par cinq du nombre de bornes de recharges pour voitures électriques (dont la vente est censée quintupler également d’ici à 2022), réduction du coût de raccordement au réseau électrique, soutien à l’achat de poids lourds alimentés au gaz naturel…
Surtout, le gouvernement français compte impliquer les collectivités à cette série de mesures qui participent à la future loi d’Orientation sur les mobilités, prévue pour fin 2018. Des engagements sont ainsi prévus avec les 14 zones où la pollution de l’air est la plus importante, afin de mettre en place des zones à faibles émissions (avec interdiction d’accès aux vieux véhicules diesel et aux poids lourds). Paris et Grenoble le font déjà avec la vignette Crit’Air, bientôt suivies par Lille et Strasbourg à la rentrée 2018. Une création d’aires de covoiturage est également à l’étude, ainsi qu’un plan dédié au vélo prévu pour l’automne. Des mesures citoyennes qui, couplées avec des obligations vertes, permettront une réduction drastique et nécessaire des émissions de gaz à effet de serre. L’avenir le dira.