En vue du scrutin de 2019, Emmanuel Macron rêve de constituer un « axe progressiste » pour contrer la montée des nationaux-populistes. Mais ces derniers n’obtiendraient, au vu des derniers sondages, qu’une quarantaine d’eurodéputés supplémentaires.
Rencontrant le 7 septembre Angela Merkel, le président Macron a tenté de persuader la chancelière de la nécessité de constituer un « axe progressiste » en vue d’endiguer la montée des populistes europhobes lors des élections européennes du 26 mai 2019. (sur la photo: Salvini, Lega italienne, Vilimsky, FPÖ autrichien, Le Pen, FN français, Wilders, VVD néerlandais, Annemans, nationaliste du VB flamand)
Une semaine plus tard, un sondage Odoxa est venu en quelque sorte illustrer ses craintes en montrant que les intentions de votes des Français à neuf mois du scrutin plaçaient le mouvement du président – jusque-là largement en tête – au coude à coude avec le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen (21,5% contre 21%).
En comparaison des résultats des précédentes élections de 2014 qui avaient placé en tête le parti de Marine Le Pen, ce sondage fait état d’un recul de trois points du RN. Pourtant, si l’on tient compte des intentions de vote pour les souverainistes de « Debout la France », la droite anti-européenne française devrait revenir au Parlement de Strasbourg avec un nombre équivalent d’eudéputés (autour de 25 sur 79).
Cela dit, en y ajoutant « La France Insoumise » de Jean-Luc Mélenchon, formation franchement hostile à l’Union sous sa forme actuelle, on doit constater que les pro-européens ne devraient envoyer guère plus de la moitié des députés français au PE. Or, ils constituaient 62% des élus en 2014.
50 eurodéputés populistes devraient venir d’Italie…
Cette poussée des anti-européens est-elle générale en Europe ? L’analyse des nombreux sondages politiques réalisés dans les 27 Etats concernés permet de répondre à la question.
Car bien qu’ils ne soient pas tous réalisés en vue des élections européennes, ils donnent des indications assez précises sur la composition de la future assemblée puisque les élus au Parlement européen (PE) sont tous désignés à la proportionnelle.
Sans grande surprise, l’Italie est le pays qui bascule le plus spectaculairement en faveur du populisme dont les deux composantes forment désormais la coalition au pouvoir à Rome.
Les nationalistes de la Ligue sont crédités de 32% des intentions de vote et les anti-système du Mouvement 5 étoiles de 30%. Ces deux formations ont obtenu 22 eurodéputés en 2014, ils devraient en envoyer près de 50 en 2019, soit les deux tiers de la représentation italienne !
… mais pas plus d’une quinzaine d’Allemagne
L’Allemagne va également une poussée populiste, mais beaucoup plus limitée. Ainsi l’AFD (Alternativ Für Deutschland), parti anti-immigration plus eurosceptique qu’europhobe, est créditée de 15% des intentions de vote alors qu’elle n’avait réalisé que 7% il y a quatre ans.
Elle devrait donc envoyer deux fois plus de députés au PE, soit une quinzaine. Même si l’on y ajoute les élus très euro-critiques du parti de gauche Die Linke, cela signifie que les trois quarts des eurodéputés allemands seront des pro-européens.
Plus de quarante nationalistes venus de Pologne et de Hongrie
En ce qui concerne les autres pays européens les plus peuplés, on observe que L’Espagne (ainsi d’ailleurs que son voisin Portugais) n’est toujours pas concernée par le populisme de droite bien que celui-ci gagne certains éléments des conservateurs du Parti populaire.
Il n’en est pas de même de la Pologne où le parti Droit et Justice au pouvoir obtient 52% des intentions de vote contre 32% en 2014. Cette formation très conservatrice et eurosceptique devrait donc envoyer 27 ou 28 eurodéputés à Strasbourg (plus de la moitié de la représentation polonaise) contre 19 actuellement.
La Hongrie voisine fait encore mieux si l’on peut dire, puisque les deux tiers de ses élus appartiendront au parti nationaliste eurosceptique du premier ministre Viktor Orban ou encore au mouvement europhobe et raciste du Jobik. Mais pour ce pays, il n’y a guère de changement par rapport à 2014.
Quant à la Slovaquie, plusieurs formations eurosceptiques ou europhobes gagnent du terrain et devraient envoyer au PE trois députés supplémentaires.
Léger déclin du populisme en Europe du nord
En Scandinavie, les populistes progressent en Suède mais reculent au Danemark et en Finlande. Bilan : sans doute 7 députés populistes contre 8 actuellement pour les trois pays.
Quant aux Pays-Bas, le Parti pour la liberté de Geert Wilders progresse légèrement à 15% mais ne devrait pas obtenir plus des 4 députés actuels. Mais quatre autre députés très eurosceptiques du nouveau « Forum pour la démocratie » pourraient être désignés au PE.
Enfin, en Autriche, le très populiste FPÖ, actuellement au gouvernement avec les conservateurs, progresse à 25% des intentions de vote et devrait faire élire 5 députés en 2019, soit un de plus qu’en 2014.
Progrès limité des europhobes…
Le progrès des populistes en Europe est donc indéniable. Mais l’on est loin du raz de marée redouté par certain puisque les nationaux-populistes devraient passer de 120 eurodéputés actuellement – 16% du total – à environ 160/165, soit 23% d’un Parlement européen dont les effectifs vont être ramenés à 705 (contre 751 aujourd’hui).
Cette poussée contenue s’explique en partie par le Brexit. De fait, le départ du Royaume-Uni prive le courant populiste des 24 députés très europhobes de l’UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni).
… mais l’euroscepticisme gagne les conservateurs
Dans ces conditions, l’appel à la mobilisation d’Emmanuel Macron a assez peu de chance d’être entendu puisqu’il n’y a pas de risque de majorité europhobe au Parlement.
En revanche – et c’est le vrai phénomène nouveau – l’euroscepticisme « soft » progresse beaucoup au sein des partis conservateurs traditionnels.
On le constate en France chez Les Républicains tendance Laurent Wauquiez, en Italie à Forza Italia, le parti de Berlusconi, chez les conservateurs autrichiens et même pour toute une frange de la CDU en Allemagne proche de la CSU bavaroise du très patriote ministre de l’intérieur Horst Seehofer.
A l’instar de ce qu’il tente dans l’Hexagone, le président français rêve de faire exploser le groupe des conservateurs européens du PPE auquel est notamment affilié le Fidesz de Viktor Orban.
Mais Emmanuel Macron a peu de chance de vaincre les réticences d’Angela Merkel dont la CDU est la première formation du PPE. Il devra donc sans doute se contenter d’un groupe libéral-centriste renové pour accueillir les élus macroniens.