Si, globalement, l’Europe reste une bonne élève en matière de lutte contre le réchauffement climatique, ce n’est pas le cas de ses deux principaux pays. Ni la France, ni l’Allemagne ne respecteront les objectifs européens en matière de réduction des émissions.
Lundi dernier s’est ouvert à Katowice (Pologne), la 24ème conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP24). Un sommet de tous les dangers avec, d’une part, des grands pays qui ont quitté ou s’apprêtent à le faire l’accord de Paris signé en 2015 et, d’autre part, le dernier rapport du GIEC plus alarmiste que jamais.
Côté européen, malgré le volontarisme affiché par l’UE qui vient d’entériner des objectifs plus ambitieux pour 2030 et une nouvelle stratégie à long terme, il n’y a pas de raison non plus de se montrer particulièrement optimiste.
Car plus que jamais, comme disait Jacques Chirac, la « maison brûle » sur le climat. Le dernier rapport du Groupe d’Experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié en octobre peut être résumé simplement: depuis l’ère pré-industrielle, la température moyenne de la planète s’est élevée de un degré et, si nous voulons contenir cette hausse à 1,5 degré à la fin du siècle – ce qui est impératif pour éviter une multiplication de catastrophes climatiques, il faut absolument atteindre un objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2050.
L’union révise en hausse ses objectifs…
Ce n’est pourtant pas tout à fait l’objectif de l’Union européenne puisque la stratégie à long terme annoncée fin novembre par la Commission vise « 80 à 100% » de réduction de GES en 2050.
Pour atteindre cet objectif, la Commission juge impératif de porter de 2 à 2,8% du PIB de l’Union les dépenses consacrées aux investissements énergétiques des vingt sept, de 20 à 25% du budget européen les investissements de l’Union dans ce domaine et de renforcer les capacités du fonds social européen ainsi que du fonds européen d’ajustement à la mondialisation.
Cette stratégie sous-tend d’ailleurs le nouveau « paquet énergie propre » adopté par le Parlement européen il y a trois semaines. Un paquet qui, tout en maintenant l’objectif de réduire de 40% les émissions d’ici à 2030 par rapport à 1990, porte de 27 à 32,5% les économies d’énergie par rapport aux projections faites il y a dix ans et de 27 à 32% la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie.
… que certains pays auront du mal à atteindre
Des objectifs qui ne paraissent pas réalistes pour certains pays. Ainsi, la France doit avoir réduit en 2030 ses émissions de 37% par rapport à 2005. Or l’an dernier – à mi-parcours donc – elle était à moins de 15%. Elle est donc loin du but.
Et l’Allemagne l’est encore plus puisque, du fait de sa sortie du nucléaire, elle n’atteignait pas 8% de baisse en 2017 pour un objectif 2030 de 38% ! Les Pays-Bas ont, eux aussi, d’immenses efforts à faire.
En revanche, les pays scandinaves sont très en avance tandis que l’Espagne et l’Italie ne devraient pas avoir de problème pour atteindre leurs objectifs.
La situation est à peu près la même en matière d’efficacité énergétique. Si l’on se réfère cette fois aux objectifs fixés pour 2020 en matière de baisse de la consommation d’énergie primaire, Suède et Danemark les ont déjà atteint, de même que l’Italie et l’Espagne.
C’est moins évident pour l’Allemagne qui a un long chemin à accomplir en peu de temps avec une population qui s’accroit du fait de l’immigration. Et c’est encore plus difficile pour la France au vu des projections pour les trois prochaines années.
Renouvelables : la France est loin du but
La situation de la France n’est pas meilleure en ce qui concerne les énergies renouvelables. Elle tirait du « pétrole vert » (hydro-électricité, biomasse, éolien, photovoltaïque…) moins de 16% de sa consommation d’énergie en 2017 alors que le pays s’est engagé sur 23% dès 2020. N’est-il pas utopique d’espérer 32% en 2030 ?
L’Allemagne est mieux lotie mais son engagement de 18% de renouvelables pour 2020 n’est pas réalisable à coup sur avec un taux d’environ 15% en 2017. En revanche, les Pays-Bas n’atteindront certainement pas leur objectif en 2020.
Parmi les bons élèves de l’énergie renouvelable, citons l’Italie et la Scandinavie, avec en particulier la Suède où les renouvelables représentent déjà 54% de la consommation d’énergie du pays !
Les bons élèves européens sont au nord, au sud, à l’Est…
Donc, les deux leaders économiques de l’Europe sont à la traine. L’Allemagne continue toujours de « digérer » sa sortie programmée du nucléaire et le recours compensatoire aux énergies carbonées. Elle est donc à la peine en termes d’émissions de CO2 cependant que le récent afflux d’immigrés contrecarre ses efforts d’économies d’énergie.
Quant à la France, elle a souffert récemment de la baisse de sa production hydraulique du fait de la sécheresse, ce qui pèse à la fois sur ses performances en matière de renouvelables et sur ses émissions.
Cela dit, malgré le retard des deux grands, l’Union européenne dans son ensemble reste globalement bien engagée dans la transition grâce aux excellentes performances de l’Europe du nord, aux efforts de l’Europe du sud, à la spectaculaire baisse des émissions en Europe centrale et au rapide progrès de plusieurs pays de l’Est – notamment les baltes – en matière d’énergies renouvelables.
Un virage trop brutal en France pour les bas revenus
Pour finir, il convient de s’interroger sur l’acceptation sociale de la transition énergétique à l’heure où de colère des « gilets jaunes ». La France a effectivement un retard à combler et la fiscalité écologique est un bon instrument de modification des comportements.
Cela dit, l’Hexagone pâtit du fait qu’il a choisi bien tardivement le combat environnemental. Du coup, sa fiscalité écologique a été très brutalement alourdie ces dernières années, les taxes sur l’énergie s’étant accrues de 37% de 2010 à 2016 contre 17% en moyenne dans l’UE et 4% en Allemagne.
Visiblement, le virage est trop brutal pour les populations à revenu modeste…