Le poids des taxes en France est modéré en ce qui concerne l’impôt sur le revenu et la TVA. Mais le niveau des prélèvements globaux y est le plus élevé d’Europe du fait des cotisations sociales et des impôts sur le patrimoine. Ce qui fait que le système français est très redistributif.
Trop d’impôts, trop de charges, taxation insuffisante des riches, injustice fiscale… Que n’a-t-on pas entendu sur la fiscalité, depuis un mois et demi, de la part de dizaines de milliers de « gilets jaunes » en colère ?
De fait, la France a la réputation d’un pays qui supporte beaucoup de prélèvement obligatoires en Europe mais qui, à l’inverse, offre à ses citoyens une importante redistribution des revenus des ménages aisés en direction des ménages modestes.
Il est vrai qu’en additionnant tous les prélèvements obligatoires, impôts, taxes et cotisations sociales (ces dernières étant en fait du salaire différé), le niveau de ces prélèvements plaçait la France, en 2017, au premier rang européen puisqu’ils atteignent 48,4% du Produit intérieur brut, soit un point de plus qu’en Belgique et 2 à 5 points au dessus des trois pays scandinaves.
Si l’on regarde où en sont nos grands voisins, l’Italie est à 42%, l’Allemagne à 40% et le Royaume-Uni ainsi que l’Espagne autour de 35%. Il existe enfin un pays en Europe qui est particulièrement sous imposé, c’est l’Irlande avec un total des prélèvements de 23,5% du PIB, deux fois moins que l’Hexagone !
Cotisations et impôts sur le patrimoine très lourds dans l’Hexagone
Cette propension à taxer de la France résulte de l’addition de deux facteurs. Des prélèvements sociaux très élevés sur l’ensemble des revenus ainsi qu’une forte imposition du patrimoine, que ce soit l’impôt sur la fortune, les droits de succession, les plus values immobilières ou la fiscalité de l’épargne.
Et même si les manifestants estiment scandaleuse la transformation de l’ISF en simple impôt sur la fortune immobilière, celle-ci ne va pas changer le fait que la France restera le pays imposant le plus le patrimoine en Europe.
En ce qui concerne le niveau des prélèvements sociaux, la France est également numéro un de l’Union mais, cette fois, notre voisin allemand n’est pas loin.
Une fiscalité lourde mais juste ?
Sans entrer dans des considérations morales, parler de « justice fiscale » consiste à vérifier si un système fiscal est ou non fortement redistributif en faveur des bas revenus.
Pour le mesurer, on peut additionner trois types de prélèvements : d’une part l’impôt sur le revenu dont la progressivité revient à imposer lourdement les hauts revenus et peu ou pas les bas revenus.
D’autre part, les impôts sur le patrimoine sont également fortement redistributifs puisque, par définition, ils frappent les citoyens aisés qui en sont détenteurs.
Enfin, même si leur caractère est moins automatiquement redistributif puisqu’elles financent des prestations profitant à tout le monde, les cotisations sociales représentent pour les moins favorisés un soutien financier bien plus conséquent.
La Belgique, championne de l’impôt sur le revenu
L’addition de ces trois prélèvements fait de la France, non pas le premier pays redistributif d’Europe, mais le deuxième derrière la Belgique. Cela, parce que l’impôt sur le revenu est lourd en Belgique alors que, contrairement à ce que l’on croit communément, cet impôt est assez modéré en France.
Il est notamment moins élevé qu’en Allemagne, Italie ou Royaume-Uni. Cela dit, l’impôt sur le revenu français est bien redistributif car il pèse sur les revenus élevés, désormais frappés d’un taux supérieur à 45% alors que plus de la moitié inférieure des revenus en est exonérée.
Les entreprises françaises pas plus imposées qu’ailleurs
En attendant sa baisse progressive à 25% d’ici à 2022, le taux nominal de l’impôt sur les sociétés en France (l’IS) est actuellement l’un des plus élevé d’Europe à 33,3%.
Mais, outre le fait qu’il est limité à 28% pour les bénéfices inférieurs à 500.000 €, les sociétés françaises bénéficient de nombreux abattements et de diverses niches fiscales qui, en pratique, réduisent la base imposable au titre de l’IS.
Pour se faire une idée exacte de la ponction fiscale effectuée sur les sociétés, il faut considérer le rapport entre le produit de l’IS et le PIB. En France, c’est 2,9%, beaucoup moins qu’en Belgique (plus de 4%), un peu moins qu’au Danemark (3%) et autant qu’en Suède et au Royaume-Uni.
Et l’IS français est juste un peu plus lourd que l’impôt sur les bénéfices en Allemagne. Il faut signaler enfin qu’en Irlande, en dépit d’un taux nominal particulièrement attractif de 12%, la part de l’impôt sur les bénéfices dans la richesse nationale est pratiquement identique à celle observée en France.
Explication : il n’y a pas d’exemptions en Irlande et l’assiette de l’IS y est donc très large. Et puis, surtout, le faible taux pratiqué dans ce pays attire énormément de groupes multinationaux qui établissent leur siège en Irlande pour y profiter de la faiblesse de l’imposition.
C’est le cas notamment des géants de l’internet que sont les GAFAM. Et cela illustre parfaitement le dumping fiscal exercé par Dublin et que la plupart de ses partenaires européens dénoncent…
Une TVA très élevée en Scandinavie
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), son taux de 20% en France est assez modéré. Il est certes un peu supérieur aux 19% appliqués en Allemagne mais il est identique au taux britannique et autrichien et inférieur aux taux néerlandais ou espagnol (21%), italien (22%) et surtout aux taux pratiqués dans les pays scandinaves (24 ou 25%).
En résumé, la fiscalité française est donc plutôt douce en termes d’impôt sur le revenu et de TVA et se compare à la moyenne en ce qui concerne les autres impôts à la consommation que constituent par exemple les taxes sur les carburants.
A l’inverse, les prélèvements sociaux et les impôts sur le patrimoine pèsent lourd, ce qui fait du système fiscal français un système fortement redistributif.
D’ailleurs, les dépenses de protection sociale françaises (également financées en partie par l’impôt) sont, à plus de 34% du PIB, les plus élevées d’Europe. Mais plusieurs pays ont un niveau de protection sociale supérieur à 30% du PIB comme l’Italie, l’Autriche, les Pays-Bas, la Belgique, la Finlande et surtout le Danemark.
Ce dernier pays présente d’ailleurs la particularité de financer la totalité de sa protection sociale par l’impôt et ne prélève pratiquement aucune cotisation sur le salaires.