Très présente en Allemagne, où elle inquiète les services de renseignement, la confrérie poursuit une stratégie d’expansion en Europe, masquant ses véritables objectifs – l’instauration d’Etats islamiques régulés par la charia – derrière une apparence de fréquentabilité.
Le développement des Frères musulmans outre-Rhin inquiète les services de renseignement allemands. C’est la conclusion qui ressort d’une enquête menée par le Kölner Stadt-Anzeiger (KSA), publiée sur son site Internet le 10 décembre 2018, selon laquelle la confrérie, sous couvert d’un discours officiel prônant la non-violence, poursuivrait des objectifs hostiles à la démocratie et aux valeurs occidentales. Un double jeu qui permet aux Frères, en grande partie financés par des donateurs de la péninsule arabique, de prospérer au grand jour. Tout en militant, à huis clos, pour l’application rigoureuse des principes de la charia au sein de la communauté musulmane d’Allemagne.
L’Allemagne, centre névralgique des Frères en Europe
S’appuyant sur un vaste réseau de mosquées, d’écoles coraniques et d’organisations ayant pignon sur rue, la « Communauté islamique d’Allemagne » (Islamische Gemeinschaft in Deutschland – IGD) poursuivrait le but de créer en Europe « des Etats islamiques de droit divin », selon le service de renseignement intérieur allemand, le Bundesamt für Verfassungsschutz (BfV). Une menace prise très au sérieux, le BfV l’estimant plus grave encore que celle représentée par les organisations terroristes comme Al-Qaida ou l’Etat islamique.
« Les agitateurs de l’IGD ciblent, via leurs sermons, conférences et offres de formation, des dizaines de milliers de musulmans, auprès desquels ils diffusent une interprétation ultra-conservatrice du Coran », s’alarme encore le BfV. Particulièrement actifs dans les land de Saxe, où ils ont investi pas moins de sept lieux de réunion, et de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, les Frères d’Allemagne, dont le noyau dur compte un millier de membres actifs, recruteraient également de nouveaux adeptes parmi les réfugiés récemment arrivés dans le pays, auxquels ils confieraient le rôle « d’espions », alerte le BfV.
« La menace islamiste en Allemagne vient – en premier lieu – de la part de la Confrérie des Frères musulmans et des groupes affiliés à son réseau, analyse le site du Centre des études du Moyen-Orient. Ils propagent leur idéologie dans le cadre de la loi germanique, et imposent aux musulmans leur interprétation particulière du Coran et de la Charia. Le Rassemblement islamique en Allemagne tente d’étendre son règne sur toutes les organisations islamiques modérées, qui mènent des dialogues constructifs avec les autorités et avec l’Église en Allemagne. La Confrérie tient ainsi à étendre son influence sur toute la société allemande ».
Pour le docteur Lorenzo Vidino, de l’Université George Washington, « ce que la majorité des responsables politiques européens ne comprennent pas, c’est que le dialogue avec les fondamentalistes renforce ces derniers et leur accorde une légitimité. Ils acceptent, indirectement, leur idéologie lorsqu’ils se réunissent avec eux. (…) C’est ainsi que les Européens se sont retrouvés dans le cercle fermé du fondamentalisme. Car, plus on leur accorde de légitimité, plus les Frères musulmans trouvent des occasions de se répandre et d’avoir encore plus d’influence sur les musulmans dans les sociétés européennes ».
L’Europe et la France également dans le viseur de la confrérie
De fait, si l’Allemagne reste l’épicentre de la confrérie sur le continent, les autres pays européens ne sont pas épargnés par son développement. Ainsi, pour l’essayiste Céline Pina, interrogée par Le Figaro, la France « connaît une tentative sans précédent de promotion d’une contre-société islamiste, hostile aux principes démocratiques, à l’émancipation (et) à la laïcité », d’autant plus que « la naïveté de nos gouvernements a donné une puissance politique considérable aux islamistes ». « L’islamisme est dominant dans le maillage des infrastructures et contrôle nombre de mosquées, centres culturels, associations, que ce soit à l’est via les frères musulmans turcs, dans tous le pays via Musulmans de France (ex UOIF), autre espèce de frères musulmans », poursuit Céline Pina, qui s’inquiète « que la création d’un islam de France ne dégénère en adoubement des Frères musulmans ».
« Intrinsèquement totalitaire, l’organisation des Frères ressemble à s’y méprendre, quant à son fanatisme doctrinal et son mode de fonctionnement interne, aux ordres nationaux-socialistes autant qu’aux sectes », met également en garde le géopolitologue Alexandre del Valle. Et le spécialiste de rappeler qu’il « est important de garder présent à l’esprit que cette organisation, officiellement reconnue partout en Europe et aux Etats-Unis (où elle contrôle la majorité des mosquées avec le pôle wahhabite) comme interlocuteur légitime par les pouvoirs publics, est née dans la haine et la violence » et qu’elle poursuit une « véritable stratégie d’expansion »par étapes » (visant à) prendre le contrôle du pouvoir suprême par la constitution d’un vaste réseau très structuré mais décentralisé, par la création de multiples sections cloisonnées qui maillent toute la société égyptienne » et, désormais, européenne.