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Justice : la France plus que jamais à la traine de l’Europe

mercredi, 13 mars, 2019 - 14:46

La réforme de la justice française, récemment adoptée, intervient bien tard. Malgré les moyens mobilisés depuis plusieurs années, elle accuse un sévère retard par rapport aux autres justices européennes en termes d’effectifs, d’accès des citoyens et de délais de traitement des affaires.

La réforme de la justice a été définitivement adoptée le 19 février dernier. Elle vise à rendre cette justice plus lisible, plus accessible, plus simple et plus efficace alors que les tribunaux restent débordés et les procédures lentes.

Depuis plusieurs années, ce secteur focalise l’attention des gouvernements successifs qui ont eu soin de mettre le ministère à l’abri de l’austérité budgétaire. Avec l’avènement d’Emmanuel Macron, on est passé à la vitesse supérieure, le budget de la justice augmentant désormais à un rythme de 4% l’an contre 2,5% en moyenne au cours du précédent quinquennat.

Le dernier rapport du Conseil de l’Europe sur les systèmes judiciaires européens permet de se faire une idée de ce qui progresse en France et de mesurer ce qui la sépare de ses voisins en matière de fonctionnement et de moyens mis à la disposition de la justice.

Deux fois moins de moyens qu’en Allemagne

Si l’on met de côté ce qui concerne la gestion du système pénitentiaire et le fonctionnement du ministère pour se focaliser uniquement sur les budgets finançant le système judiciaire, la France n’y consacrait en 2016 que le 4ème budget européen (après l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Italie), le budget allemand représentant à cet égard plus du double du budget français.

Si l’on raisonne en budget du système judiciaire par habitant, l’Hexagone, avec moins de 66 €, est devancé par tous les pays d’Europe occidentale à l’exception du Portugal, de l’Irlande et de la Grèce.

L’Allemagne la Suède ou les Pays-Bas y consacrent environ 120 € par habitant, l’Italie ou l’Espagne entre 75 et 80 €… De surcroit, depuis 2010, la place de la France a peu évolué : elle dépensait pour le fonctionnement de ses tribunaux et l’aide judiciaire 12% de plus en 2016 tandis que l’Allemagne a augmenté son budget de 22%.

En clair, les efforts en faveur de la justice ont surtout porté en France sur les moyens du ministère ou sur les prisons.

Aide judiciaire : cinq ou six fois moins d’argent alloué qu’au Nord

A la lecture du rapport du conseil de l’Europe, on constate que notre pays se montre assez médiocre en matière d’accès à la justice pour tous.

Celle-ci se mesure à l’importance de l’aide judiciaire accordée à ceux dont les ressources sont insuffisantes pour acquitter les frais de justice ou rémunérer un avocat.

De façon surprenante pour un pays dit « égalitariste » et à forte propension redistributive, la France ne se classe que onzième sur 14 parmi les pays d’Europe de l’Ouest en allouant seulement 5 € d’aide judiciaire par habitant.

L’Allemagne et la Belgique y consacrent de 7 à 8 € mais les Pays-Bas 27, la Grande Bretagne 30 et la Suède 36 €… En outre, ce budget par habitant a décliné de 11% en France entre 2014 et 2016 !

Moins de 50% de la moyenne européenne pour le nombre de juges…

En ce qui concerne ces magistrats du siège, ceux qui exercent à temps plein sont un peu plus de 10 pour 100.000 habitants en France.

C’est peu comparé à une moyenne européenne de 22. Si ce n’est pas très éloigné des effectifs de juges chez plusieurs de nos voisins comme l’Italie, l’Espagne ou la Belgique, la différence est énorme comparée à l’Allemagne, particulièrement bien pourvue avec 24 juges pour 100.000 habitants.

… et un énorme retard sur le nombre de procureurs

Rappelons que ces magistrats du parquet, procureurs de la République et procureurs généraux en appel, travaillent en France sous l’autorité du ministère et ne sont pas formellement indépendants du pouvoir politique comme c’est le cas dans vingt pays de l’Union.

Cela dit, en France comme en Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Suède ou Danemark, les procureurs « sous autorité » ne peuvent recevoir que des « instructions générales ».

Le nombre de procureurs en France est de 2,9 pour 100.000 habitants, effectif très réduit par rapport à l’Espagne (5,3), l’Allemagne (6,7), la Belgique (7,6) et surtout les pays scandinaves (de 7 à 12).

De plus, le nombre de procureurs a diminué de 3% en France depuis 2010 alors qu’il augmente dans le reste de l’Europe à l’exception de la Grande-Bretagne, de la Suède et du Danemark.

C’est d’autant plus préoccupant que les procureurs français sont parmi ceux qui exercent le plus de fonctions et qui doivent faire face au plus grand nombre de procédures reçues parmi tous les pays du Conseil de l’Europe.

Une justice beaucoup plus lente

En matière civile et commerciale, du fait d’un personnel contraint et du grand nombre d’affaires en cours, la France présente une durée élevée en termes de résolution des affaires, une durée jugée « inquiétante » par le Conseil de l’Europe.

Au civil et en première instance, 353 jours en moyenne en 2016 contre 318 en Espagne, 196 en Allemagne et 121 aux Pays-Bas. Et de surcroit, la situation se dégrade sérieusement en France – on n’était qu’à 279 jours en 2010.

Dans les affaires pénales, ce n’est guère mieux pour la France qui, en deuxième instance, exigent 286 jours pour être traitées contre une moyenne de 143 jours dans les 45 pays du Conseil de l’Europe et 127 jours en Allemagne, 107 en Suède et même 56 jours en Espagne.

On peut toujours se consoler de ne pas attendre autant que les Italiens qui doivent patienter deux ans et demi pour voir leur affaire pénale jugée…

En conclusion, l’effort consenti en faveur de la justice française depuis ces dernières années reste très insuffisant. Il doit être accentué et sans doute s’axer davantage sur le recrutement – notamment de procureurs – ainsi que sur le développement des procédures de conciliation ou de médiation.


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