Par Daniel Vigneron
713 millions de visiteurs sont venus visiter l’Europe en 2018 et 87 millions la France, première destination mais troisième lieu de séjour. Certaines villes, submergées l’été, sont toutefois contraintes d’endiguer l’afflux des visiteurs.
En cette période de fin de vacances d’été 2019, il est bien sûr trop tôt de faire un bilan touristique de l’année. Mais le déferlement des vacanciers sur tous les sites urbains et balnéaires est l’occasion de faire le point sur une activité qui représente 5%, 10%, voire parfois beaucoup plus du PIB des nations européennes.
En 2018, avec 713 millions de visiteurs, l’Europe est de très loin la première destination touristique mondiale puisqu’elle représente plus de 50% des quelques 1,4 milliard de touristes qui ont voyagé dans le monde l’an dernier.
La France , très visitée mais beaucoup traversée
Il existe plusieurs façons de comptabiliser l’afflux des visiteurs. La plus fréquente consiste, comme le fait l’Organisation touristique mondiale de l’ONU, à dénombrer le nombre de visiteurs étrangers qui séjournent chaque année au moins une nuit dans un pays donné.
Selon cette mesure, en 2018, la France est en Europe le pays ayant accueilli le plus de visiteurs non-résidents avec près de 87 millions d’individus. Elle est suivie par l’Espagne (82 millions), l’Italie (58), puis (nettement derrière) par le Royaume-Uni et l’Allemagne (37 millions).
En outre, certains pays à population réduite accueillent un nombre proportionnellement très élevé de touristes étrangers, en particulier l’Autriche, la Grèce, le Portugal ou la Croatie qui voient chaque année affluer 20 à 30 millions de visiteurs.
L’Espagne, championne de l’hébergement…
Pour autant, on ne peut affirmer que la France soit le pays le plus touristique d’Europe. Il se trouve que, de par sa position géographique, elle est également un pays de transit, notamment vers l’Italie et surtout l’Espagne. Près de 15 millions de visiteurs se contentent de traverser chaque année l’Hexagone pour se rendre à leur destination finale.
De surcroît, la France est moins un pays de long séjour que ses voisins du sud. Si l’on comptabilise le nombre de nuitées passées dans le pays par des touristes étrangers, on dépasse les 300 millions en Espagne, les 200 millions en Italie mais la France ne totalise que 133 millions de nuitées.
… et des revenus touristiques
Cela dit, les revenus touristiques de la France ne sont qu’un peu inférieurs aux revenus espagnols (61 contre 68 milliards de dollars en 2017 selon l’ONU) et ils sont supérieurs aux revenus italiens ou britanniques. Ce qui montre que les touristes dépensent davantage en France. Mais aussi que les Français sont très nombreux à voyager dans leur propre pays.
Londres devant Paris
Si l’on se concentre sur les villes, certains seront peut-être surpris de savoir qu’en termes de visiteurs étrangers, Paris n’occupe, avec 16 millions de touristes, que la deuxième place derrière Londres (20 millions).
Certainement parce que la proximité linguistique en fait une destination privilégiée pour les Américains mais aussi pour bon nombre de visiteurs asiatiques. En outre, la durée moyenne du séjour à Londres est plus élevée dans la mesure où le reste de la Grande Bretagne attire moins les touristes que les nombreuses et célèbres régions françaises de l’intérieur ou du littoral.
Le nombre annuel de nuitées dans la capitale britannique dépasse d’ailleurs les 70 millions contre 52 à Paris. Pourtant les recettes touristiques – 17 milliards d’euros – sont équivalentes pour les deux capitales, car les dépenses quotidiennes sont deux fois plus élevées à Paris.
Istanbul, Prague, Amsterdam, Barcelone…
Au classement des villes les plus visitées, on trouve, après Londres et Paris, Istanbul et ses dix millions de visiteurs, puis Rome qui accueille 9,5 millions de touristes étrangers devant Prague, Amsterdam et Barcelone.
Vienne et Milan comptent six millions de visiteurs et des villes comme Berlin, Dublin, Madrid ou encore Venise tournent autour de 5 millions.
500 touristes pour un habitant à Venise…
Mais le chiffre est trompeur concernant Venise. N’oublions que le centre historique de la Sérénissime ne compte plus que 50.000 habitants et que, surtout, on estime à environ 25 millions de personnes les gens qui visitent chaque année Venise, la majorité d’entre eux n’y passant qu’une journée sans recourir à un hébergement.
Ce qui fait un ratio de 500 touristes par habitant contre 17 contre un à Paris ! On comprend dès lors ce que signifie le terme « sur-tourisme ». Pour tenter d’endiguer celui-ci, la commune de Venise applique, depuis début septembre, une taxe de 3€ sur chaque excursionniste – c’est à dire les visiteurs d’une journée – et cette taxe passera l’an prochain à 5, voire 10 €.
En outre, depuis qu’un navire de croisière géant a heurté un quai à la fin du printemps, les navires de plus de 1000 tonnes sont désormais interdits d’accostage en ville et de circulation sur le canal de la Giudecca.
Dubrovnic, Amsterdam, Barcelone s’organisent
D’autres villes prennent des mesures. Ainsi Dubrovnik en Croatie, assaillie malgré sa taille réduite de 4 millions de visiteurs annuels, interdit l’accostage de plus de deux navires de croisière par jour et limite désormais à 4000 le nombre d’entrées quotidiennes dans une vieille ville qui ne compte plus que 1500 résidents !
Même des villes beaucoup plus importantes se considèrent victime du surtourisme. Comme Barcelone et ses 32 millions de visiteurs annuels (pour seulement 6 millions de touristes étrangers qui se logent en ville) qui encadre drastiquement les locations Airbnb.
Ou encore Amsterdam, visitée par 20 millions de personnes par an, qui exclut les cars de touristes en ville et limite les possibilités de location de logements privés.
Il semble donc que trop de tourisme tue le tourisme. De surcroît, la ruée des foules a pour effet de menacer des sites architecturaux anciens et aussi, du fait de l’explosion des prix des logements, de les vider de leurs habitants et donc de leur âme…