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Féminicide : la France se décide enfin à prendre des mesures

mercredi, 25 septembre, 2019 - 16:37

Très concernée par ce que l’on appelle aussi les « meurtres de genre », la France est seulement en train d’élaborer une politique de prévention. Ses voisins, tout particulièrement l’Italie et surtout l’Espagne, ont su prendre des mesures bien plus tôt.

 

Face à l’émotion d’une opinion prenant conscience du nombre élevé de ce que l’on nomme désormais les « féminicides » en France, un « Grenelle » sur les violences conjugales s’est ouvert le 3 septembre dernier.

D’ici au 25 novembre, pouvoirs publics, associations et experts vont se concerter afin d’adopter un train de mesures susceptibles d’enrayer la montée de ces phénomènes dramatiques. Il est notamment envisagé d’appuyer financièrement les associations d’aides aux victimes et d’améliorer la prise en charge et la protection de ces dernières.

A cet égard, la France peut s’inspirer de ce qui se passe ailleurs en Europe où les femmes sont également confrontées – mais à des degrés divers – à ce fléau.

Un crime de nature machiste

Les femmes victimes de leur conjoint, ce n’est bien sûr pas nouveau et l’on doit même souligner qu’à l’instar du nombre d’homicides en général, les meurtres de femmes diminuent tendanciellement depuis plusieurs décennies.

Ce qui est nouveau, c’est la prise de conscience du nombre et de l’intensité de toutes les formes de violences dont sont victimes les femmes en tant que telles.

Cette notion même de « féminicide » est récente puisqu’elle caractérise non pas le meurtre de toute personne de sexe féminin mais, spécifiquement, un crime de nature machiste perpétré sur une femme en raison même de sa condition de femme.

La plupart du temps, c’est le résultat d’un continuum de violence exercée par un conjoint ou un parent et cela n’a rien à voir avec des crimes crapuleux dictés par l’intérêt.

Le « féminicide » est juridiquement rarement reconnu

Il n’empêche, pour l’instant, la notion de « féminicide » n’est nullement reconnue en droit français. On pourrait presque dire « au contraire » puisque si l’ethnie, la religion ou l’orientation sexuelle sont des facteurs aggravants pour un homicide, ce n’est pas le cas pour le genre féminin de la victime, le caractère sexiste n’alourdissant les sanctions que pour les simples délits !

Cela dit, on revient de très loin : il y a moins de cinquante ans, la nature « passionnelle » d’un crime – essentiellement le meurtre de sa conjointe par un homme – était considéré comme une excuse atténuante de peine… Et il a fallu attendre 1994 pour que le crime conjugal soit au contraire un facteur aggravant.

Ailleurs en Europe, le « féminicide » n’est guère non plus une notion juridique dans les pays du nord et de l’Est. En revanche, il est spécifiquement mentionné dans les législations italiennes et espagnoles. Deux pays qui, en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides, sont en pointe, en particulier l’Espagne.

Moins de violences contre les femmes au Sud

Si leurs pays ne sont pas spécialement en pointe en matière d’égalité hommes-femmes, les femmes italiennes ou espagnoles sont moins nombreuses qu’ailleurs en Europe à mourir sous les coups d’un partenaire ou d’un proche.

Selon les chiffres d’Eurostat, on compte, par million d’habitants, moins de trois crimes de ce type en Espagne et en Italie. On en dénombre en revanche 5 en France, 5,6 en Allemagne et près de dix en Hongrie. Et ce nombre dépasse 7 en Finlande.

Il n’y a malheureusement pas de données sur les féminicides en provenance de Suède ou du Danemark, mais il faut rappeler que la Scandinavie dans son ensemble est assez mal placée par l’Agence européenne pour les droits fondamentaux en matière de violences faites aux femmes.

Le « code rouge » en Italie

Paradoxalement, même s’ils sont moins touchés par le fléau, les pays du Sud mènent à cet égard des politiques volontaristes. Après un plan d’action contre les violences sexuelles et de genre adopté en 2015, l’Italie vient de se doter d’un « code rouge » qui prévoit de nombreuses mesures instaurant notamment une infraction pénale spécifique pour violence de genre, une formation spéciale pour le personnel policier, une accélération des procédures pénales.

Sont également programmés un alourdissement des peines pour les coupables ou pour ceux qui ne respectent pas les injonctions d’éloignement de leur potentielle victime. En 2018 et en 2019, l’Italie a consacré près de 35 millions d’€ par an à ces politiques.

Un plan d’un milliard d’euros sur 5 ans en Espagne

Il serait cruel de rappeler que le fonds d’assistance aux associations d’aides aux victimes de violence conjugales vient pour l’instant d’être somptueusement doté d’un million d’euros en France !

Et ce montant paraît totalement dérisoire par rapport au milliard d’euros que le gouvernement espagnol consacre, pour la période 2017-2022, à la mise en place des 200 mesures du pacte d’Etat contre la violence sexiste.

Un arsenal impressionnant comportant l’organisation de 100 tribunaux spécialisés, des unités de police spécifiquement formées, des prestations sociales et des avantages fiscaux pour les femmes victimes ou menacées, un statut de victime accordé d’emblée aux femmes menacées…

Pour ces dernières, les tribunaux espagnols ont émis en 2017 29.000 ordonnances de protection. Cette année-là, en France, 1.300 décisions de ce type étaient prises …

Royaume-Uni et Allemagne agissent également

Plus au nord, même si c’est moins spectaculaire qu’au sud, d’autres pays agissent aussi. Dès 2010, le Royaume-Uni a lancé un plan contre la violence de genre doté sur quatre ans de 40 millions de livres pour financer services spéciaux de soutien et formation des policiers.

En Allemagne, un plan d’action fédéral de 130 mesures a été adopté et une hotline multilingue de soutien aux victimes fonctionne depuis 2013.

En fait, si l’on excepte les pays d’Europe de l’Est, la France apparaît jusqu’à maintenant comme un très mauvais élève européen en matière de lutte contre les violences sexistes. Et, sauf surprise, elle risque de ne pas combler de sitôt son retard même si nos responsables sont fascinés par le modèle espagnol…


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