Recyclage des combustibles usés : un atout incontestable pour la filière nucléaire française

Depuis plus de 40 ans, la filière nucléaire française s’appuie sur un savoir-faire pionnier et unique au monde pour recycler les combustibles usés. À l’heure de la transition énergétique, ce « cycle fermé » constitue un atout supplémentaire pour cette source d’énergie bas carbone disponible en grande quantité.
Comme lors de son lancement le 17 avril 2019, le débat public sur le PNGMDR (Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs) a pris fin le 25 septembre dans un anonymat médiatique quasi-général. Si cette consultation citoyenne sur le volet 2019-2021 du plan n’a pas passionné les foules, il a en revanche suscité l’intérêt prononcé des acteurs du secteur énergétique. L’enjeu était en effet de taille. Pendant près de cinq mois, les Français avaient l’occasion de s’informer et d’exprimer leur opinion sur la politique gouvernementale concernant le traitement des combustibles nucléaires usés. Ils pouvaient exposer leur point de vue soit sur une plateforme en ligne dédiée, soit au cours de la vingtaine de réunions publiques organisées à travers le territoire. Le désintérêt médiatique pour le devenir des matières et déchets nucléaires s’avère compréhensible dans un pays où l’atome permet depuis plus de quatre décennies d’être quasi-autonome en matière d’approvisionnement électrique. Ce privilège national est pourtant tout sauf banal : c’est la conséquence d’investissements massifs dans la recherche, notamment par le CEA (Commissariat à l’énergie atomique), afin de maîtriser les propriétés de l’uranium et du plutonium pour produire de l’énergie. Au fil des années, le savoir-faire français a fait de l’Hexagone une référence mondiale en la matière, pas seulement pour l’indépendance électrique acquise grâce à l’exploitation des centrales nucléaires, mais aussi pour sa capacité à traiter et valoriser les combustibles usés. Grâce aux avancées scientifiques, l’activité électronucléaire française ne génère que 4 % de déchets inutilisables. Une fois traités et séparés à La Hague (Manche), les 96 % restants servent à fabriquer un nouveau combustible, le MOX, que la France est le seul pays à produire dans la centrale de la Marcoule (Gard).
Le MOX, produit-phare de la filière traitement-recyclage française
Mélange d’oxydes composé d’uranium appauvri et de plutonium, le MOX permet actuellement de fournir jusqu’à 30 % du combustible d’une vingtaine de réacteurs sur les 58 du parc nucléaire français. Aujourd’hui, l’électricité produite à partir de MOX représente 10 % de l’ensemble de la consommation nationale. Mais cet uranium recyclé devrait compter pour 20 % du total d’ici 2023, et même près de 30 % à plus long terme, selon Orano (ex-Areva). Avec plus de huit années de réserves en uranium appauvri, le spécialiste français du traitement et du recyclage des combustibles usés a de quoi être ambitieux. Son MOX alimente également plusieurs centrales à l’étranger : Suisse, Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas et même Japon. Comme la France, d’autres pays ont envisagé de produire leur propre MOX à partir de combustibles usés. Le Royaume-Uni et les États-Unis ont ainsi lancé leurs propres projets de construction, respectivement à Sellafield et Savannah River, sans toutefois les mener à bien. En Chine, Orano travaille également depuis plus de 10 ans avec les autorités locales pour y construire une usine de traitement et de recyclage. Car en plus d’économiser environ 25 % d’uranium naturel, la filière traitement-recyclage initiée par la France permet de diviser par 5 le volume de déchets nucléaires dits « ultimes » et par 10 leur radiotoxicité. À l’échelle individuelle, ces déchets représentent en France environ 5 grammes par an et par habitant. Une quantité négligeable, quand on sait qu’1 gramme de plutonium ou 100 grammes d’uranium produisent autant d’énergie d’1 tonne de pétrole…
Des pistes d’amélioration encore à creuser
Méconnues d’une grande partie de Français, les propriétés du recyclage des combustibles usés ont donc fait partie des arguments mis en avant par les acteurs de la filière nucléaire française. Tout au long du PNGMDR, entreprises, organismes publics et associations ont eu l’opportunité de présenter leur vision à travers des cahiers d’acteurs publiés sur la plateforme dédiée. Dans son cahier d’acteur, « il est important [pour Orano] de souligner que le recyclage est préconisé désormais pour toutes les industries (plastique, métaux, verre, batteries…), et, dans ce domaine, le nucléaire a été précurseur depuis plus de 50 ans. Le spécialiste du traitement-recyclage affiche aussi son soutien à la construction du centre de stockage géologique Cigéo, qui permettra d’entreposer les déchets les plus radioactifs dans des compartiments étanches situés à plus de 500 m sous la surface. Une solution pour laquelle penche également EDF dans sa contribution au débat public. « Grâce au recyclage du combustible usé et au dispositif industriel performant de gestion des déchets radioactifs existants, qui s’améliore au cours du temps, tous les déchets ont une solution de gestion opérationnelle permettant d’éviter toute conséquence sur l’environnement ou la santé des populations et des personnels concernés », fait valoir l’énergéticien. « Le gouvernement a confirmé, dans son projet de PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie), le maintien de la filière de traitement-recyclage. Pour faire fonctionner le cycle du combustible, il est nécessaire d’assurer la cohérence de l’ensemble du système industriel, c’est-à-dire à la fois les usines du cycle (La Hague et Melox), l’ensemble des réacteurs qui peuvent accueillir le combustible recyclé (aujourd’hui 22 réacteurs de 900 MW, auxquels vont s’ajouter deux réacteurs du Blayais), le système d’entreposage du combustible usé, et les moyens de transport associés » estime, quant à elle, la SFEN (Société française de l’énergie nucléaire). Ces perspectives d’amélioration s’ajoutent aux autres solutions sur lesquelles planchent les chercheurs de la filière, comme le recyclage des déchets de très faible activité. Les gravats, matériaux et autres substances issues de la déconstruction de centrales présentent un potentiel encore inexploité en France, contrairement à d’autres pays comme la Suède, à cause de la législation qui les considèrent comme radioactifs. La question de leur valorisation se posera-t-elle dans le prochain débat public ?