Le gouvernement envisage du durcir les conditions d’accès à la nationalité française. Une proposition qui fleure l’opportunisme électoral, l’Hexagone n’étant pas plus laxiste que ses voisins italiens, espagnols ou britanniques qui naturalisent davantage.
Le débat sur l’immigration organisé lundi à l’Assemblée nationale par le gouvernement a donné l’occasion au premier ministre d’envisager quelques pistes de réformes allant dans le sens d’un durcissement des conditions d’accueil ou d’intégration.
Edouard Philippe a ainsi fait référence à d’éventuels quotas concernant une immigration professionnelle pourtant déjà très limitée en France. Il a également fait allusion à des restrictions concernant le regroupement familial et évoqué un « durcissement possible de l’accès à la naturalisation ».
La France naturalise moins
Est-ce à dire qu’en matière d’acquisition de la nationalité, la France se montre laxiste ? Non, ce n’est absolument pas le cas. Si l’on prend les derniers chiffres connus – ceux de 2017 – compilés par l’institut Eurostat, on s’aperçoit qu’en nombre absolu de naturalisés la France n’arrive, avec 114.000 cas, qu’en quatrième position européenne derrière l’Italie (146.000), le Royaume-Uni (123.000) et l’Allemagne (115.000).
Si l’on raisonne en taux de naturalisation pour tenir compte de la population, la France n’arrive cette fois qu’en 11ème position, avec 1,7 naturalisation pour 1000 habitants, très loin de la Suède (6,9) et derrière la Belgique (3,3), l’Italie (2,4) ou le Royaume-Uni (1,9).
Et si l’on prend la période 2007-2017, l’Hexagone ne vient qu’en 3ème position avec 1,3 million d’étrangers devenus français contre près de 1,8 million de naturalisés britanniques. A noter que sur les cinq dernières années, Italiens et Espagnols ont chacun naturalisé 36% de demandeurs de plus que les Français (750.000 contre 550 .000).
Peu de citoyens de l’Union deviennent français
Les naturalisés originaires de l’Union européenne restent minoritaires. Mais certains pays attirent beaucoup plus ces Européens que d’autres.
Il en est ainsi de l’Allemagne dont le tiers des naturalisés vient d’un autre Etat-membre mais aussi du Royaume-Uni qui naturalise un quart de citoyens de l’Union.
Cette proportion est bien plus faible en France (9%), en Italie (7%) et en Espagne (3%).
En France, un gros tiers des naturalisés vient du Maghreb. En Espagne, ils sont plus de 40% à venir d’Amérique latine.
La naturalisation automatique très encadrée
En France, la naturalisation est automatique – à la naissance – pour un enfant né en France de parents apatrides ou dont l’un des deux parents est simplement né en France. On parle à cet égard de « double droit du sol » que l’on retrouve également en Espagne.
Ailleurs en revanche, la nationalité automatique implique que l’un des deux parents possède déjà cette nationalité.
Reste que, même si le droit du sol est un principe répandu, le seul fait de naître dans un pays n’implique pas l’attribution de la nationalité. Ainsi, un enfant né en France de parents étrangers nés à l’étranger n’acquiert la nationalité française qu’à 18 ans pour peu qu’il ait résidé habituellement en France pendant cinq ans.
L’enfant peut en outre acquérir cette nationalité dès 13 ans par simple demande s’il justifie huit ans de résidence. Il s’agit donc d’un droit du sol conditionnel. Les règles sont un peu similaires en Italie mais la naturalisation exige une résidence en Italie depuis la naissance.
En Allemagne, le droit du sol, seulement instauré en 2000, est un peu plus large puisque l’enfant né en Allemagne de parents étrangers est réputé allemand de naissance pourvu qu’un des deux parents ait résidé au moins huit ans dans le pays. Même règle au Royaume-Uni depuis 2006, mais l’obligation de résidence du parent n’est que de cinq ans.
La nationalité s’acquiert plus difficilement en Allemagne
Dans tous les pays, l’acquisition volontaire de nationalité est subordonnée à une durée minimale de résidence dans le pays. Cette durée est de 5 ans en France, comme au Royaume-Uni. Elle est en revanche de huit ans en Allemagne et même de dix ans en Italie et Espagne.
Mais, dans ces deux pays, la durée peut être réduite : à 4 ans en Italie pour les ressortissants de l’UE, à 2 ans en Espagne pour les demandeurs originaires d’Amérique latine ou du Portugal.
En outre, certaines formalités sont nécessaires pour l’acquisition de la nationalité. L’Espagne et l’Italie n’exigent qu’un casier judiciaire vide et une déclaration de revenus. En France, il faut justifier d’une connaissance de la langue et de la culture, d’une installation stable et d’un certain degré d’autonomie.
Mais les exigences sont plus fortes chez nos voisins du nord. En Allemagne, outre le test de culture et de langue, il faut démontrer sa capacité à assurer sa subsistance en dehors des aides sociales ou des allocations chômage.
Outre Manche, il faut parler anglais, passer un test complet « life in the UK » et démontrer son bon comportement en matière fiscale, migratoire et sa non implication dans des actes de guerre ou le terrorisme.
Le mariage n’est pas un sésame
Contrairement à ce que l’on croit souvent, le mariage ne permet pas d’obtenir automatiquement la naturalisation. En France, il faut quatre ans de mariage avec communauté de vie, en Italie et Allemagne deux ans si l’on est résident, en Espagne un an et trois ans en Grande-Bretagne.
Au final, donc, les conditions de naturalisation ne paraissent pas plus laxistes en France qu’ailleurs. Et comme le nombre de naturalisations y est plutôt moins élevé que dans les pays voisins, la volonté du gouvernement d’en durcir les conditions d’accès apparaît comme une démarche de nature électoraliste visant à séduire la droite conservatrice.
On peut dire la même chose des quotas de migrants économiques qui, en France, n’étaient qu’une trentaine de mille en 2018. Ce qui est peu sur plus de 235.000 entrées…