Alors que se profile la naissance d’un nouveau géant des télécoms suisses, une partie des actionnaires de Sunrise résistent et font passer leurs intérêts à court terme devant ceux de l’entreprise. La prochaine assemblée générale du groupe devra trancher une querelle hautement stratégique.
Un nouveau géant des télécoms verra-t-il le jour en Suisse ? Sunrise, second opérateur mobile dans le pays après Swisscom, devrait prochainement acquérir le câblo-opérateur UPC. Donnant, ainsi, naissance à un poids lourd du secteur, présent aussi bien dans la téléphonie mobile, le réseau fixe que la télévision. Mise à prix : 6,3 milliards de francs suisses (environ 5,7 milliards d’euros), un montant que Sunrise s’est dit prêt à débourser moyennant une levée de 4,1 milliards de francs sur les marchés. S’il était consommé, ce mariage ferait sens, associant deux opérateurs aux spécialités distinctes – téléphonie pour l’un, câble pour l’autre – sur des problématiques communes, comme la 5G.
Un rapprochement stratégique
Sunrise et UPC apparaissent, en effet, aussi différents que complémentaires. Le premier, coté en Bourse depuis 2015, aligne 1,8 million d’abonnés en téléphonie mobile, 457 000 clients pour l’accès à Internet, 244 000 pour la télévision et 468 000 pour le téléphone fixe. En pleine forme, Sunrise a réalisé l’année dernière un chiffre d’affaires de 1,876 milliards de francs suisses (en hausse de 1,2%), pour un bénéfice de 107 millions (en augmentation de 25%). De son côté, UPC accumule les difficultés : concédant 32 000 abonnés en télévision – son principal marché –, son chiffre d’affaires a reculé, en 2018, de 3,7%, à 1,296 milliard de francs.
S’il devait aboutir, le rapprochement entre les deux entités permettrait, selon Sunrise, d’économiser 280 millions de francs par an, en combinant leurs points forts : le téléréseau et les quelque 17 500 kilomètres de fibre optique d’UPC, couplés au réseau mobile de Sunrise. Surtout, les deux entreprises pourraient alors se passer des réseaux fixe et mobile de Swisscom, maximisant ainsi les synergies. À terme, le nouvel ensemble pèserait 1,9 million de d’abonnés en téléphonie mobile, soit un quart du marché suisse (25%), mais aussi plus de 30% des marchés de l’accès à Internet (1,2 million de clients) et de la télévision (1,4 million d’abonnés). De quoi, en somme, peser face au mastodonte Swisscom, l’opérateur historique s’accaparant environ 60% de parts dans les principaux marchés du pays.
La fronde des actionnaires de référence
Si l’opération séduit sur le papier, elle reste néanmoins soumise à l’approbation des actionnaires de Sunrise, qui doivent encore se prononcer sur l’augmentation de capital nécessaire lors d’une assemblée générale extraordinaire, convoquée le 23 octobre. Conscients de la difficulté, les dirigeants de Sunrise ont réduit cette augmentation de 4,1 à 2,8 milliards de francs suisses, l’achat d’UPC devant être financé par une hausse de l’endettement. Des efforts qui n’ont, pour l’heure, semble-t-il pas suffi à convaincre l’ensemble des actionnaires de Sunrise, dont le premier d’entre-eux, l’Allemand Freenet, à la tête de 24,5% du capital-actions de l’opérateur helvète.
Freenet, qui considère le prix d’achat d’UPC trop élevé et ses conditions d’acquisition désavantageuses, a par ailleurs reçu le soutien d’autres actionnaires de référence de Sunrise : l’investisseur activiste allemand Active Ownership Capital, et le groupe financier luxembourgeois Axxion, pesant à eux deux entre 4% et 6% du capital de Sunrise. Autant d’opposants au projet de rachat qui ne semblent pas refroidis par les coûts engendrés par un éventuel rejet de l’augmentation de capital, coûts estimés par Sunrise à plus de 50 millions de francs suisses, auxquels il conviendrait d’ajouter les frais liés aux efforts d’intégration d’ores et déjà consentis.
Sunrise hausse le ton
Face à la fronde d’une partie de ses actionnaires, Sunrise n’a pas manqué de réagir. Dans un communiqué publié à la fin du mois d’août dernier, l’entreprise accuse Freenet de ne poursuivre que ses propres intérêts, en privilégiant uniquement le court terme : de fait, l’opérateur allemand pourrait, en cas d’augmentation du capital, perdre de son influence au sein du nouvel ensemble. Une attitude jugée égoïste, alors que la « transaction est devenue, selon Olaf Swantee, directeur général de Sunrise, encore plus attrayante » : UPC affiche en effet des résultats encourageants, dépassant les prévisions attendues. L’avenir des télécoms suisses réside donc entre les mains de l’assemblée générale de Sunrise, où l’on s’attend à des résultats serrés.