Dans les semaines à venir, le Royaume-Uni devrait quitter l’UE sur les bases du dernier accord avec l’Europe. Mais le Royaume est menacé à terme de désintégration : l’Ecosse pro-européenne a une nouvelle raison de prendre son indépendance et l’Irlande du nord de rejoindre la république.
Le Royaume-Uni aurait dû quitter ce 31 octobre l’Union européenne. Il n’en a rien été puisque les 27 ont décidé en début de semaine de repousser au 31 janvier 2020 la date de son départ.
Sauf surprise que, dans cet interminable feuilleton, on ne peut exclure, ce délai devrait permettre à Boris Johnson de faire accepter le dernier accord signé avec l’Union, pour peu que son parti remporte les élections prévues désormais le 12 décembre ce qui, au vu des derniers sondages, paraît à tout le moins vraisemblable.
Mais passé le Brexit, l’incertitude demeure quant au sort du Royaume-Uni puisque l’Ecosse mais aussi l’Irlande du Nord sont susceptibles, dans ce nouveau contexte, d’être tentées par un nouveau départ, celui du Royaume-Uni ! Après le Brexit, l’UKxit (prononcez « iouxit ») ?
Deux facteurs de désintégration
Même si elle apparaît encore lointaine, la menace n’est en rien une vue de l’esprit (notre illustration: ce que pourrait être l’Union Jack après le retrait de l’Ecosse). Et cela pour deux raisons principales.
Une raison politique d’abord. Contrairement à l’Angleterre et au Pays de Galles où il y a eu un vote majoritaire en faveur du Brexit, les électeurs d’Irlande du Nord et d’Ecosse ont rejeté le départ de l’Union, les premiers à près de 56%, les seconds à 62%. Ces deux nations n’ont donc pas donné mandat au gouvernement britannique de quitter l’Union.
Il y a par ailleurs, dans un pays qui n’a pas de constitution écrite, un contexte juridique propice à d’éventuelles indépendances : que ce soit dans la Grande Charte de 1215, le « Bill of Rights » de 1689, l’Acte d’Union de l’Angleterre et de l’Ecosse de 1707 ou encore le « Scotland Act » de 1998 mettant en place un Parlement et un gouvernement en Ecosse, rien, dans les textes à caractère institutionnel du pays, ne prévoit la sécession éventuelle de l’une des nations constitutives du Royaume et donc, rien ne l’interdit.
On comprend mieux dès lors que le référendum d’indépendance de l’Ecosse de 2014 se soit tenu en accord avec Londres, le gouvernement britannique n’ayant aucune base juridique pour s’y opposer.
Vent en poupe pour les indépendantistes écossais…
Maintenant, concernant l’Ecosse, qu’est-ce qui pourrait changer les 55% de « non » à l’indépendance de 2014 en « oui » ? La première ministre écossaise Nicola Sturgeon a annoncé il y a déjà plusieurs mois qu’il y aurait un autre référendum d’indépendance en avançant cet argument : « avec le Brexit, nous payons le prix de notre absence d’indépendance ».
Des sondages effectués en août dernier semblent lui donner raison puisque 47% des Ecossais contre 45 sont favorables à ce nouveau référendum et que, en cas de vote, l’indépendance recueillerait 52%.
… surtout si le Brexit se passe mal
Des marges qui sont certes bien minces. Mais tout va dépendre de ce qui va se passer dans les deux ans à venir.
Si Londres ne s’accorde pas avec Bruxelles sur un large accord de libre-échange préservant l’accès du « made in UK » au marché européen, si les normes sociales devaient être revues à la baisse et, surtout, si l’économie britannique ne parvenait pas à digérer le Brexit, alors le nombre de partisans de l’indépendance écossaise va s’accroître.
D’autant que l’économie écossaise devrait pouvoir « encaisser » l’indépendance dans la mesure où les relations Angleterre-Ecosse resteront étroites quoiqu’il arrive et que l’économie écossaise, fortement tertiarisée, ne pourrait que tirer profit d’un maintien de l’intégration au marché européen.
L’Irlande du nord encore divisée…
En Irlande du Nord, l’indépendance n’est pas à l’ordre du jour. De fait, Arlene Foster, la cheffe du parti unioniste démocrate (le DUP), première formation à l’Assemblée d’Irlande du Nord, est très pro-britannique et s’est toujours déclarée favorable au Brexit bien qu’elle refuse de soutenir l’accord signé par Boris Johnson.
Mais l’Assemblée – le « Stormont » – compte autant d’unionistes que de nationalistes partisans de la réunification irlandaise et l’ancien président du Sinn Féin a appelé à l’organisation d’un référendum de réunification.
Donc, dans le cas de l’Irlande du Nord, il y a quand même un fort courant favorable à la séparation d’avec la Grande Bretagne.
… mais la perspective d’une réunification est plausible
Celle-ci reste peu probable à court terme mais beaucoup plus plausible à moyen-terme, là encore pour deux raisons.
L’économie d’Irlande du Nord est sinistrée malgré d’importants financements britanniques et le PIB par tête de la république d’Irlande est supérieur de 45% à celui de l’Irlande du Nord. L’attractivité du sud est donc très forte.
Une autre évolution peu connue est susceptible de conduire à la réunification : le nombre de nord irlandais se réclamant du protestantisme ne cesse de diminuer tandis que le nombre de catholiques progresse.
Aujourd’hui, on compte 41,6% de protestants contre 40,8% de catholiques. Dans peu de temps, ces derniers seront plus nombreux et l’on sait qu’une nette majorité d’entre eux aspirera à rejoindre la république, très catholique quant à elle.
Des « British forever » quand même
Dans ce contexte, on en vient à se demander quels territoires vont, à coup sûr, rester liés à l’Angleterre ? Sans nul doute le Pays de Galles, conquis par les Anglais au XIIIème siècle et intégré au royaume au XVIème.
Un autre territoire, cette fois très petit, devrait certainement rester aussi britannique. Il s’agit de Gibraltar, au sud de l’Espagne.
Certes, les habitants du rocher ont voté à 96% contre le Brexit. Mais, il y a dix-sept ans, ils avaient rejeté à 99% le projet de co-souveraineté hispano-britannique !
Quant à l’indépendance, ce « confetti de l’Empire » quand même très dépendant de l’Espagne pour ses approvisionnements et sa main d’œuvre ne devrait pas s’y risquer.
D’autant qu’il aurait du mal à rester membre de l’Union européenne vu qu’il faudrait s’y faire accepter à l’unanimité des Etats-membres et donc avec l’aval de l’Espagne…