Les régimes spéciaux, au cœur de la polémique sur les retraites, ne sont pas l’apanage de la France. Mais ailleurs en Europe, les dispositifs prévus dérogent beaucoup moins au régime général que dans l’Hexagone, même pour les fonctionnaires.
Ce jeudi 5 décembre, la France se retrouve paralysée par un vaste mouvement de protestation contre le projet de réforme des retraites.
Parmi les sujets qui fâchent, un focalise l’attention : celui de la suppression des régimes spéciaux de retraite qui profitent notamment aux salariés du secteur public des transports en première ligne du mouvement social.
Quels sont donc ces fameux « régimes spéciaux », objets principaux de la controverse et en trouve-t-on l’équivalent chez nos voisins européens ?
42 régimes en France
Au sens large du terme, les régimes spéciaux de retraite sont ceux qui existent parallèlement au régime général de la caisse nationale d’assurance vieillesse et des deux caisses complémentaires des cadres (AGIRC) et salariés (ARRCO) du secteur privé.
Soit 39 régimes mais qu’il serait abusif de tous qualifier de « spéciaux ». Car le régime général ne concerne que les salariés du privé.
Parallèlement, on trouve, d’une part, une quinzaine de régimes applicables aux non-salariés (professions libérales, commerçants, agriculteurs exploitants) et, d’autre part, plus de vingt régimes concernant les agriculteurs, les fonctionnaires ainsi que les salariés du secteur public.
Au sens strict, les régimes dit « spéciaux » – on en dénombre 19 employant 460.000 salariés – désignent ces personnels du secteur public, qu’il s’agisse des employés de la SNCF, de la RATP, du secteur de l’énergie, des mines, mais également des notaires, des marins ou encore de la Banque de France.
Cela dit, le projet de réforme des retraites ne fait pas de détail puisqu’il unifie l’ensemble des 42 régimes en un seul.
Des avantages dérogatoires disparates
Cette unification dérange tous les gens qui bénéficient de conditions de retraites plus favorables en matière de calcul, de cotisation, de montant ou d’âge de départ. Soit approximativement, 17% des futurs retraités. Mais tout le monde n’est pas avantagé de la même façon.
Ainsi, l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans s’applique à de nombreux professionnels comme les professions libérales, les agriculteurs et une majorité de fonctionnaires, ces derniers bénéficiant cependant de conditions favorables de calcul et de cotisation.
L’âge de départ est en revanche minoré – en général à 57 ans – pour tous les fonctionnaires « d’active », ceux dont le métier est fatigant ou risqué comme les policiers, les pompiers ou la moitié des infirmières.
Parmi les salariés du secteur public – dont 70% sont employés par la SNCF, la RATP ou le secteur de l’énergie – certains peuvent partir beaucoup plus tôt, par exemple dès l’âge de 52 ans pour les conducteurs de train ou de métro.
Mais ces trois régimes sont fortement déficitaires, les cotisations des salariés ne couvrant que de 36 à 68% des retraites, ce qui oblige l’Etat à dépenser 5,5 milliards d’euros par an pour les maintenir à flot. Une motivation forte de les supprimer pour le gouvernement …
En Europe, les régimes particuliers existent partout
Si l’on fait abstraction de particularismes mineurs, plusieurs pays d’Europe – comme l’Italie, l’Autriche, l’Espagne ou la Suède – ont un système unifié dans la mesure où un même régime gère salariés du privé et du public.
Mais, même dans ce cas, les indépendants, les agriculteurs, les commerçants, les avocats relèvent de régimes particuliers. Et puis, au sein du secteur public, des métiers sont toujours traitées à part.
Il en est ainsi des militaires qui, comme en France, peuvent prendre assez tôt leur retraite, mais aussi des policiers ou des magistrats.
Certains Etats disposent en outre de régimes spéciaux presque « à la française », les mineurs et les marins pêcheurs, par exemple, en Espagne, auxquels s’ajoutent, en Belgique, le personnel de l’aviation civile. Notons que, dans ce dernier pays, les fonctionnaires sont régis par un régime spécifique.
Système très fragmenté au Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, le système de retraite est totalement fragmenté dans la mesure où, malgré l’existence d’une « state pension » (retraite publique) qui accorde à tous une sorte de retraite minimum par répartition, les Britanniques disposent pour la plupart d’une retraite d’entreprise fondée sur un système de capitalisation.
Les fonctionnaires émargent pour leur part au « régime de retraite des services publics » qui se décompose en plus de 300 régimes de retraite particuliers.
En règle générale, ils ne sont pas plus favorables que les régimes privés mais des âges de départ à la retraite plus précoces sont prévus pour certaines catégories comme les policiers ou même les enseignants.
Allemagne : beaucoup de départs anticipés, peu de précoces
En Allemagne, il n’y a pas de système unifié dans la mesure où les fonctionnaires fédéraux disposent d’un régime de retraite spécifique différent du système général.
Depuis 2005, tous les avantages liés à l’âge de départ ont disparu. Cependant, à la différence des autres salariés qui doivent acquitter des cotisations sociales de l’ordre de 20%, les fonctionnaires sont dispensés de toute cotisation.
De surcroît, leur retraite représente environ 72% de leur salaire brut d’activité, ce qui est largement supérieur au taux de remplacement observé dans le privé.
Il faut dire qu’outre-Rhin toutes les retraites privées ne se liquident pas à taux plein, les salariés optant souvent pour un départ anticipé à 63 ans contre un âge légal de 65 ans qui va augmenter jusqu’à 67 ans d’ici à 2030.
Et puis, en Allemagne comme ailleurs, militaires (notre photo) et fonctionnaires de police peuvent cesser plus tôt que les autre leur activité. Ce n’est pas le cas des autres systèmes de retraites spécifiques existant pour les médecins libéraux, les juristes, les ingénieurs ou les agriculteurs.
Les régimes spéciaux ne sont donc pas l’apanage de la France. Mais ce qui singularise les principaux régimes spéciaux français, c’est qu’ils permettent des départs très anticipés moyennant un coût élevé pour l’ensemble des contribuables puisque les retraités sont plus nombreux que les cotisants.
Ainsi, à la SNCF, on compte 1,8 retraité pour un actif…