Les Français fréquentent davantage les salles obscures et regardent plus leurs films nationaux que leurs voisins. Partout, le 7ème art reçoit des soutiens publics mais l’Hexagone développe un éco-système complet pour favoriser la création.
Avec 213 millions d’entrées dans les salles, l’année 2019 est une belle année pour le cinéma en France, la deuxième meilleure depuis plus de cinquante ans.
Toutefois, la situation du cinéma français est moins brillante puisque la part des films nationaux dans le total des entrées a reculé de 39 à 35%, laissant de nouveau les tout puissants films américains repasser nettement la barre des 50%.
Mais ce coup de mou n’est pas de nature à remettre en cause la place spécifique de l’industrie cinématographique française en Europe.
Les Français très cinéphiles…
Tout d’abord et depuis longtemps, la France représente le premier marché cinématographique d’Europe. Pour des raisons lointaines – ne serait-ce que parce que le cinéma est né dans l’Hexagone – les Français vont plus, voire beaucoup plus au cinéma que leurs voisins.
Si l’on considère l’année 2018 (les chiffres de l’an dernier n’étant pas tous disponibles), 201 millions de tickets d’entrée se sont vendus en France contre 177 millions au Royaume-Uni, 105 en Allemagne, 99 en Espagne et 92 millions en Italie. Même la grande Russie fait un peu moins bien que l’Hexagone.
… même s’ils ne sont pas plus abondés en films
Cette cinéphilie a sans doute des causes plus culturelles qu’objectives. Il est vrai que le nombre d’écrans de cinéma est plus élevé en France : 5900, soit 800 de plus qu’en Italie, 1000 de plus qu’en Allemagne et même 1500 de plus qu’au Royaume-Uni.
En revanche, le nombre de nouveaux films sortis sur les écrans français en 2018 – 684 – est inférieur aux 916 films sortis outre-Manche et n’est pas foncièrement différents des 5 à 600 sorties constatées en Italie ou en Allemagne.
Les films nationaux, nombreux partout…
Quant aux productions nationales, elles sont abondantes partout et pas seulement en France. 237 films français sont sortis en France en 2018 contre 228 films allemands outre-Rhin, 217 films espagnols en Espagne et 210 films italiens en Italie.
Le Royaume-Uni est dans une situation particulière car sur 202 films réputés britanniques, 179 sont qualifiés d’indépendants, les 23 autres étant en réalité de grandes co-productions anglo-américaines issues des studios d’Hollywood.
De ce fait, la part des films britanniques dans le total des recettes du cinéma atteint outre-Manche 45% grâce aux « blockbusters » bi-nationaux mais, si l’on ne retient que les films purement britanniques, cette part tombe à 12%.
… mais beaucoup moins appréciés chez nos voisins
En terme de part de marché des productions nationales, la France se distingue encore une fois avec une part très élevée de 39% en 2018 pour les films français dans le total des entrées.
Dans chacun de leur pays respectif, cette part des films nationaux n’est que de 23 % en Allemagne et en Italie et de 18% en Espagne.
Cet engouement pour le « made in France » dans l’Hexagone se retrouve d’ailleurs dans le « hit parade » des 20 films européens les plus visionnés dans l’Union en 2018 : généralement derrière sept « blockbusters » anglo-américains emmenés par « Bohemian Rhapsody », « Fantastic beast » et « Johnny English », on trouve huit comédie françaises comme « la ch’tite famille » (5ème position), « les Tuches » (6ème) ou « Le grand bain » (8ème).
Un seul film espagnol dans ce palmarès, « Campeones » (« champions ») et un seul film allemand, « Jim Knopf und Lukas der Lokomotivführer » (en France, « Jim Bouton et la cité des dragons »).
Pas de films italiens dans ce top 20, illustrant le fait que le cinéma transalpin n’est pas à la noce depuis quelques années. De fait, en 2018, il n’était même pas représenté, en 2018, dans les dix films les plus vus en Italie !
Toutefois, il semble s’être redressé en 2019 avec l’entrée de « il primo natale » dans le top dix italien tandis que les recettes totales du cinéma dans la Péninsule ont bondi de 14% l’an dernier.
A 630 millions d’€, elles représentent cependant moins de la moitié de celles du cinéma en France (1,3 milliard) et un tiers de moins que les recettes en Allemagne (900 millions).
Des subventions publiques généralisées …
Contrairement à une idée reçue, la France n’est pas la seule à subventionner son cinéma.
Non seulement, tous les pays le font, mais le niveau des aides directes est comparable, que ce soit en Allemagne ou au Royaume-Uni, aux 250 millions d’euros annuels apportés, dans l’Hexagone, par le Centre National du Cinéma ou sous forme de crédits d’impôts.
Si l’aide est plus modeste en Espagne (140 millions), l’Italie a récemment créé un fonds de 400 millions d’€ pour soutenir son secteur audiovisuel.
… mais l’écosystème français est particulièrement cinéphile
Cela dit, l’originalité du système français tient à son approche globale en faveur de la création audiovisuelle, qu’elle soit le fait du cinéma ou te la télévision.
Ainsi, les chaines de télévision – publiques, privées ou payantes –ont-elles l’obligation de financer le cinéma national, ce qu’elles ont fait en 2018 à hauteur d’environ 300 millions d’€ via des pré-achats ou de la coproduction de films.
Ce rôle des télévisions se retrouve chez nos voisins mais dans une bien moindre mesure. Ce qui explique qu’au total, le cinéma français est bien le plus soutenu d’Europe.
Un cinéma plus confidentiel mais fameux
Globalement, le nombre de films produits est sur une tendance haussière depuis une vingtaine d’année. Reste que, par rapport aux superproductions américaines, indiennes ou chinoises, les films européens touchent beaucoup moins un public de masse, y compris en Europe. Seules quelques grandes comédies populaires – notamment en France – réalisent en salle des scores de plusieurs millions de spectateurs.
Mais la spécificité du cinéma européen touche à la notoriété de sa production de qualité via un « septième art » qu’illustrent la célébrité de nombre de réalisateurs actuels ou passés, de Clouzot à Klapish, de Buñuel à Almodovar, de Fritz Lang à Von Trotta ou encore de Fellini à Moretti sans oublier Hitchcock ou Ken Loach…